L’article en vietnamien et en anglais:
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josleminhthong@gmail.com
Le 26 Mai 2014.
Contenu
I. Introduction
II. Les raisons
de la crise de la foi en Jésus
1. En raison de l’enseignement de Jésus
2. En raison de l’appartenance aux
ténèbres
3. En raison de l’ignorance
4. En raison de l’absence de Jésus
5. En raison de la persécution et de la
haine du monde
III. Que faire
pour consolider la foi en Jésus?
1. Étudier et pratiquer les enseignements
de Jésus
2. Demeurer réciproquement en Jésus
3. Être avec Jésus, son Père et le
Paraclet
4. Vivre la paix et la joie de Jésus
5. Accueillir les actions du Paraclet
IV. Conclusion
I. Introduction
Le thème “pisteuô”
(croire) est important dans l’Évangile de Jean. Ce thème est analysé dans l’article:
“Croire
(pisteuô) dans l’Évangile de Jean.” Dans cet article, nous présentons la crise
de la foi en Jésus et les solutions pour surmonter les difficultés. Les citations de l’Évangile sont prises dans la Bible de Jérusalem, 2000.
II. Les raisons de la crise de la foi en Jésus
Il y a de
nombreux éléments dans l’Évangile de Jean qui montrent la crise des disciples.
Nous pouvons aborder cinq raisons suivantes de la crise de la foi: (1) En
raison de l’enseignement de Jésus, (2) En raison de l’appartenance aux
ténèbres, (3) En raison de l’ignorance, (4) En raison de l’absence de Jésus, (5)
En raison de la persécution et de la haine du monde.
1. En
raison de l’enseignement de Jésus
La crise de la
foi en Jésus causée par son enseignement est présentée en Jn 6. Ce chapitre se
compose de quatre épisodes. Tout d’abord, Jésus réalise le signe de la
multiplication des pains pour nourrir plus de cinq mille personnes (6,1-15). Puis
il manifeste son pouvoir en marchant sur le lac de Tibériade pour venir vers les
disciples (6,16-21) qui sont sur le bateau au moment où “la
mer soufflait un grand vent” (6,18). Ensuite Jésus révèle son identité et sa mission dans le discours
sur le pain de vie (6,22-59). Enfin les disciples réagissent aux révélations de
Jésus (6,60-71).
À travers les conversations
et les questions de la foule et des Juifs, Jésus révèle son origine et sa
mission dans le discours sur le pain de vie (6,22-59). Dans le contexte de Jn 6,
les disciples de Jésus sont présents à tous les événements. Ils ont vu deux
signes: la multiplication des pains (6,1-15) et la marche sur la mer (6,16-21);
ils ont entendu le discours sur le pain de vie (6,22-59). De ce qu’ils avaient
vu et entendu, beaucoup de ses disciples dirent en 6,60: “Elle
est dure, cette parole! Qui peut l’écouter?” Puis le narrateur indique le retrait d’un grand
nombre de ses disciples en 6,66: “Dès lors, beaucoup de
ses disciples [de Jésus] se retirèrent, et ils n’allaient plus avec lui.” La décision du retrait de ces disciples mène
à la crise cruciale de la foi en Jésus, ils ne sont plus ses disciples. Ils sont
scandalisés à cause de l’enseignement de Jésus. Pourquoi beaucoup de ses
disciples décident-ils de se retirer?
Les disciples qui
ont décidé de partir sont ceux qui avaient cru en lui, car ils étaient appelés “disciples”
(mathêtês) de Jésus (6,16.60.61.66). Ils viennent de voir les deux signes (6,1-15;
6,16-21) et d’entendre le discours sur le pain de vie (6,22-59), dans lequel Jésus
révèle qui il est, d’où il vient, qu’il a le pouvoir de donner la vie éternelle
aux hommes et ce que les gens doivent faire pour avoir la vie éternelle... Cependant
les révélations de Jésus sont pleines de paradoxes. Par exemple son origine est
paradoxale, parce que Jésus est à la fois le fils de Joseph (6,42) et celui qui
est descendu du ciel (6,38). La mission de Jésus est aussi paradoxale, parce
que Jésus va mourir sur la croix pour donner la vie éternelle aux croyants.
Pourquoi doit-il mourir pour donner la vie? Un mort pourrait-il donner la vie
éternelle? Le paradoxe est présenté par l’expression: “manger
ma chair [de Jésus] et boire mon sang.” Jésus dit en 6,54: “Qui mange ma chair et boit mon
sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour.” Ainsi, selon la théologie de l’Évangile
de Jean, seuls ceux qui croient en Jésus et communient avec lui dans sa mort et
sa résurrection peuvent recevoir la vie éternelle.
Beaucoup de
disciples succombent en entendant la parole de Jésus, ils murmurent en 6,60: “Elle est dure, cette parole! Qui peut l’écouter?” Dans le contexte de Jn 6, le terme “cette parole” (ho
logos houtos) se réfère à la totalité du discours sur le pain de vie (6,25-59).
Après le murmure des disciples en 6,60, le narrateur raconte en 6,61: “Mais, sachant en lui-même [Jésus] que ses disciples murmuraient à ce
propos, Jésus leur dit: ‘Cela vous scandalise?’” Beaucoup de disciples trébuchent à cause de l’enseignement
de Jésus. En d’autres termes, la révélation de Jésus conduit de nombreux
disciples à la crise de la foi en lui. Ils sont scandalisés parce qu’ils comprennent
la parole de Jésus dans le sens de la “chair” qui “ne sert
de rien” comme Jésus le dit à
ses disciples en 6,63: “C’est l’esprit qui vivifie, la
chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles
sont vie.” Ces disciples trébuchent
parce qu’ils n’ont pas ouvert leur cœur pour accueillir l’enseignement de Dieu comme une préparation à
rejoindre Jésus et à croire en lui. Dans le discours sur le pain de vie, Jésus révèle
à ce sujet en 6,44a et 6,45b: “Nul ne peut venir à moi si
le Père qui m’a envoyé ne l’attire” (6,44a); “Quiconque s’est mis à l’écoute du Père et
à son école vient à moi”
(6,45b).
Le passage 6,60-71
qui présente la réaction des disciples se décompose en deux unités. Dans la
première unité (6,60-66), Jésus s’adresse à beaucoup de ses disciples, et dans
la seconde unité (6,67-71) Jésus parle aux Douze. Ainsi en 6,60-71, à côté des
Douze, il existe d’autres disciples et beaucoup d’entre eux ont cessé de suivre
Jésus (6,66). Quant aux Douze, quelles sont leurs réactions? Jésus leur dit en
6,67: “Voulez-vous partir, vous aussi?” Au nom des Douze, Simon-Pierre professe
la foi devant Jésus en 6,68-69: “68 Seigneur, à qui
irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. 69 Nous, nous croyons, et
nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu.” L’abandon de la foi de beaucoup
des disciples en 6,66 et la profession
de foi de Simon-Pierre montrent deux
interprétations opposées face à la révélation de Jésus. En 6,60, l’enseignement
de Jésus est considéré comme une dure parole que l’on ne peut pas écouter.
Tandis qu’en 6,68, l’enseignement de
Jésus est considéré comme “les paroles de la vie éternelle” (6,68b). Dans cette perspective, c’est la
manière et l’attitude d’écouter qui conduisent les auditeurs à croire en Jésus
ou à ne pas croire en lui. En d’autres termes, l’enseignement de Jésus et sa
révélation peuvent causer une crise de la foi, voire faire perdre la foi en
Jésus. En 6,60-71, les disciples sont différenciés en deux groupes: de nombreux
disciples décident de quitter Jésus d’une part (6,66), les Douze décident de
rester avec lui d’autre part (6,68). En 6,70, Jésus annonce une autre crise parmi
les Douze, il s’agit d’une crise en raison de l’appartenance au pouvoir des ténèbres.
2. En
raison de l’appartenance aux ténèbres
Après la
confession de foi de Simon-Pierre (6,68-69), Jésus ne loue pas les Douze, au
contraire il dévoile une crise de fidélité chez l’un des Douze. Jésus leur dit en
6,70: “N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous, les
Douze? Et l’un d’entre vous est un diable.” Le dialogue entre Jésus et les disciples se
termine ici (6,70). La phrase: “L’un d’entre vous est un
diable” (6,70b) est un
facteur de crise parmi les Douze, parce que la déclaration de la foi en 6,68-69
est incompatible avec l’appartenance au diable. Cela signifie que l’un des
Douze est du diable et fait les œuvres du diable (6,70b). En 8,44a, Jésus accuse
ainsi les Juifs: “Vous êtes du diable, votre père, et ce
sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir.” Dans la péricope 8,31-59, les Juifs non
seulement refusent l’enseignement de Jésus, mais encore cherchent à le tuer (8,37.40).
Cette préméditation de meurtre les range du côté du diable. Ces Juifs appartiennent donc au diable et ont le diable
pour père, ils font les œuvres du diable (8,44a). Dans cette perspective, l’annonce
de Jésus aux Douze: “l’un d’entre vous est un diable” (6,70b) provoque un grave trouble parmi
les Douze, parce que l’un d’entre eux va collaborer avec les adversaires de
Jésus pour le tuer.
Qui est le diable
en 6,70? En tant que personnages du récit, les Douze ne savent donc pas qui est
le diable parmi eux, parce qu’en 6,70, Jésus ne donne pas de précision sur la personne
en question. Cette situation d’ignorance provoque une crise parmi les Douze: personne
ne sait qui est le diable, mais il y a un diable parmi eux. Jésus révèlera aux disciples
qui est le diable dans la dernière Cène en 13,26. Cependant, à partir de 6,71 le
lecteur sait déjà qui est le diable, parce que le narrateur explique au lecteur
en 6,71: “Il [Jésus] parlait de Judas, fils de Simon
Iscariote; c’est lui en effet qui devait le livrer, lui, l’un des Douze.” Dans ce verset, le narrateur donne cette
information au lecteur, tandis que les Douze ne le savent pas encore.
Le personnage
Judas dans l’Évangile de Jean est un facteur de crise pour Judas lui-même et
pour les autres disciples. Le passage 13,1-32 offre quelques traits sur ce
personnage. Judas dans cet Évangile est déterminé par quatre corrélations: (1) Le
lien familial: il est appelé “Judas, fils de Simon
Iscariote” (6,71a). (2) Le
lien avec Jésus: Judas est appelé “qui va livrer (paradidômi) Jésus” (6,64; 13,2.11.21).
(3) Le lien avec les Douze: Judas est appelé “l’un des Douze” (6,71b). (4) Le lien avec le pouvoir des
ténèbres: Judas est un diable (6,70b). Ce quatrième lien est accentué dans le
passage 13,1-32. En effet, le narrateur dit à propos de Judas au début de ce passage
en 13,2: “Au cours d’un repas, alors que déjà le diable
avait mis au cœur de Judas Iscariote, fils de Simon, le dessein de le [Jésus]
livrer.” Puis quand Jésus
trempa la bouchée et la donna à Judas comme un signe de reconnaissance pour faire savoir aux disciples
qui va le livrer (13,26), le narrateur raconte en 13,27a: “Après la bouchée, alors Satan entra en lui [Judas].”
Le personnage Judas
progresse en quatre étapes: d’abord, Jésus prédit que Judas est un diable (6,70).
Puis le diable inspire à Judas l’intention de livrer Jésus (13,02). Ensuite, après
avoir reçu la bouchée, Satan entre en Judas (13,27). Enfin, Judas sort
pour faire les œuvres du diable (13,30). Le narrateur parle de Judas en 13,30:
“Aussitôt la bouchée prise, il sortit; c’était la nuit.” Judas apparaîtra à nouveau au moment de
l’arrestation de Jésus (18,1-3), mais il se mettra complètement au côté de ceux
qui cherchent à tuer Jésus. Le terme hébreu “Satan” en 13,27 et celui de diable
(en grec: diabolos) en 6.70; 13.2 désignent une seule identité, car la LXX (la
Septante) traduit le terme hébreu “Satan” en grec par le terme “diabolos”
(diable). Voir l’article: “Satan
(Satanas), le diable (diabolos), le démon (daimonion) et le Mauvais (ponêros)
dans la Bible.”
Ainsi Judas se
laisse habiter par le diable et fait les œuvres du diable (cf. 8,44). Les caractéristiques
de Judas dans le récit (13,1-32) sont notables. Dans le passage 13,1-32, Judas
ne dit rien, il n’exprime aucun de ses sentiments. Le silence et l’indifférence
de Judas font que ce personnage devient un instrument de Satan. Judas, l’un des
Douze, est un disciple qui se trouve dans une grave crise de la foi en Jésus.
Pourquoi Judas appartient-il au diable? Peut-être parce qu’il ne sait pas
vraiment qui est Jésus. Pour les Douze, la présence de Judas ainsi que son
absence deviennent un facteur de crise dans ce groupe, car il est un membre des
Douze. Judas a laissé des traces dans le groupe des Douze. Cela provoque une
question sur l’unité entre eux et interroge la fidélité de chaque disciple
envers Jésus.
3. En
raison de l’ignorance
L’ignorance des
disciples sur l’identité de Jésus et sa mission est un élément qui provoque une
crise de la foi en Jésus. Si les disciples ne comprennent pas Jésus et sa
révélation, ils ne sauront pas le sens des événements dans la vie de Jésus. De
ce fait, ils peuvent tomber dans une situation embarrassante et effrayante. La
crise de l’ignorance est soulignée en Jn 13–16.
Dans le dernier
repas entre Jésus et ses disciples (Jn 13), Simon-Pierre ne comprend pas le sens du geste du lavement des pieds. Il dit à Jésus en
13,8a: “Non, tu ne me laveras pas les pieds, jamais!” Du point de vue humain, la réaction de Simon-Pierre exprime son
respect pour Jésus. Ce dernier est le Maître et le Seigneur, c’est logique
qu’il ne lave pas les pieds de ses disciples. Néanmoins, après avoir entendu ce
que Jésus lui dit en 13,8b: “Si je ne te lave pas, tu n’as
pas de part avec moi”, Simon-Pierre demande le contraire. Au début, il ne veut
pas que ses pieds soient lavés, maintenant il veut être tout lavé: les pieds,
les mains et la tête. Simon-Pierre demande à Jésus en
13,9: “Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête!” Il semble qu’à tout prix Simon-Pierre veuille “avoir part avec Jésus” et l’avoir
autant que possible. Il existe certains traits d’ironie et d’humour chez le
personnage Simon-Pierre. Il pense qu’il comprend la parole de Jésus et qu’il
maîtrise la situation, mais en réalité il ne sait rien, il se méprend sur ce
que Jésus a dit et il ne connaît pas le
sens du geste de lavement des pieds. Jésus n’accède à aucune des demandes de
Simon-Pierre (ne rien laver et tout laver). Dans ce contexte, Simon-Pierre se
trouve dans une situation de crise due à l’ignorance, il ne comprend pas l’action
de Jésus (le lavement des pieds) ni sa parole (avoir part avec lui), cf. 13,8b.
L’ensemble de Jn
13–16 montre que les disciples sont ignorants de beaucoup de choses. Par
exemple, en 13,21-22, les disciples ne savent pas qui va livrer Jésus. En effet
quand Jésus leur dit en 13,21b: “En vérité, en vérité, je
vous le dis, l’un de vous me livrera”, le narrateur raconte en 13,22: “Les disciples se
regardaient les uns les autres, ne sachant de qui il parlait.” En 13,26 Jésus a trempé la bouchée, puis l’a donnée à Judas, c’est-à-dire que les disciples
savent qui va livrer Jésus, mais ce qui est étonnant c’est
qu’ils n’ont soulevé aucune remarque sur la trahison de l’un d’entre eux, de
ce fait, ils sont de nouveau tombés dans une autre ignorance. Le narrateur dévoile
que les disciples ne savent pas le sens de ce que Jésus a dit à Judas en 13,27b:
“Ce que tu fais, fais-le vite.” Le narrateur le rapporte en 13,28-29: “28 Mais cela, aucun parmi les convives [les disciples] ne comprit pourquoi
il [Jésus] le lui [Judas] disait. 29 Comme Judas tenait la bourse, certains
pensaient que Jésus voulait lui dire: ‘Achète ce dont nous avons besoin pour la
fête’, ou qu’il donnât quelque chose aux pauvres.” Ainsi Judas, l’un des
Douze, va livrer Jésus et pourtant personne dans ce groupe ne
sait où il va et ce qu’il fait! La crise de cette ignorance va exploser lorsque
l’heure de Jésus arrivera. Jésus a mis en garde les disciples en 16,32: “Voici venir l’heure – et elle est venue – où vous serez dispersés
chacun de votre côté et me laisserez seul. Mais je ne suis pas seul: le Père
est avec moi.”
Le thème de l’ignorance
des disciples sur l’identité de Jésus et sur son enseignement figure aussi à
travers de leurs nombreuses questions dans Jn 13–16. Par exemple, Simon-Pierre demande
à Jésus: “Seigneur, où vas-tu?” (13,36a); “Pourquoi ne puis-je pas te suivre à présent?” (13,37a). Thomas interroge Jésus en 14,5: “Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin?” etc... Juste avant la passion de Jésus,
ses disciples ne savent pas où Jésus va aller et quel chemin ils vont suivre! Cette
situation préoccupante des disciples est une grave crise de la foi en Jésus.
En même temps,
les questions des disciples dans le récit résultent d’une technique littéraire du
narrateur. D’après cette procédure “question – réponse”, le narrateur veut présenter Jésus comme
celui qui sait tout, il est le révélateur par excellence. Pour le lecteur, les
questions des disciples sont également les questions de la communauté johannique
à la fin du premier siècle et des lecteurs de tout temps. À travers la
structure du récit: “question – réponse”, Jésus révèle son identité, sa mission
et il fait connaître la volonté de Dieu, son Père. Ainsi la connaissance de l’enseignement
de Jésus aide les disciples, la communauté johannique et les lecteurs à
surmonter la crise dans leur vie et à renforcer leur foi en Jésus.
4. En
raison de l’absence de Jésus
En Jn 13–16, les
disciples sont confrontés à une grande épreuve parce que Jésus va partir vers
son Père dans sa passion et sa résurrection. Les disciples sont tristes,
perturbés et troublés. Jésus les encourage au début du ch. 14: “Que votre cœur cesse de se troubler! Croyez en Dieu, croyez aussi en
moi” (14,1). À la fin de ce
chapitre, Jésus donne sa paix aux disciples et les encourage en leur disant: “Je vous laisse la paix; c’est ma paix que je vous donne; je ne vous la
donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble ni ne s’effraie” (14,27c). Le départ de Jésus remplit les
coeurs des disciples de tristesse (cf. 16,6), mais Jésus leur promet qu’ils le reverront
et alors ils seront dans la joie. Jésus dit à ses disciples en 16,22: “Vous aussi, maintenant vous voilà tristes; mais je vous verrai de
nouveau et votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous
l’enlèvera.”
La tristesse et
la peur des disciples avant et pendant la passion de Jésus font également
référence à la crise de la communauté johannique. Alors que la communauté est
confrontée à des défis et à la persécution, il semble que Jésus n’était pas
présent avec la communauté, qu’il n’intervenait pas pour la soutenir. La
communauté se sent abandonnée et vit dans un état d’orphelin. Dans cette
perspective, ce que Jésus dit à ses disciples en 14,18 est adressé aussi à la
communauté à la fin du premier siècle et au lecteur: “Je
ne vous laisserai pas orphelins. Je viendrai vers vous” (14,18). Jusqu’à aujourd’hui, l’impression que
Jésus est absent demeure toujours. Le silence de Jésus peut faire chanceler la
confiance des croyants et ces derniers risquent de perdre leur foi en Jésus. En
réalité, bien des gens se demandent si Dieu est présent pourquoi il y a tant
d’innocents qui se trouvent dans une situation tragique et injuste. Reconnaître
la présence de Jésus dans toutes les circonstances de la vie est un grand défi pour
les disciples. Comment les croyants peuvent-ils découvrir la présence de Jésus
dans leur vie? Avant d’exposer quelques suggestions pour répondre à cette
question, nous abordons la cinquième raison de la crise. Les disciples peuvent
être troublés et angoissés par la haine et la persécution du monde.
5. En
raison de la persécution et de la haine du monde
Dans le passage
15,18–16,4a, Jésus annonce aux disciples qu’ils sont haïs et persécutés par le
monde hostile. Il leur dit en 15,18-19: “18 Si le monde
vous hait, sachez que moi, il m’a pris en haine avant vous. 19 Si vous étiez du
monde, le monde aimerait son bien; mais parce que vous n’êtes pas du monde,
puisque mon choix vous a tirés du monde, pour cette raison, le monde vous hait.”
Le monde (kosmos)
qui hait les disciples est nommé “le monde hostile.” De quel monde s’agit-il? Pour
répondre à cette question, il est nécessaire de déterminer le sens du terme “kosmos”
(monde) selon la théologie de l’Évangile de Jean. L’article: “Le
monde (kosmos) dans l’Évangile de Jean” a présenté cinq sens du terme grec
“kosmos” dans cet Évangile: ce sont (1) “Le monde-univers”, (2) “Le
monde-planète”, (3) “Le monde-humanité”, (4) “Le monde des non-croyants” et (5)
“Le monde hostile”. Ces cinq sens du terme “kosmos” sont utilisés pour
construire la théologie de l’Évangile de Jean. Ces sens décrivent la relation
entre la réalité de ce monde et la mission de Jésus. Le monde hostile est
défini par sa relation avec Jésus et ses disciples. En fait, parce que ce monde
hait Jésus et ses disciples, il est appelé “le monde hostile.” Ce monde désigne
un petit groupe de personnes qui ont écouté ce que dit Jésus et qui ont vu les
signes que Jésus a faits, mais ces gens ne croient pas en Jésus (cf. 15,22.24).
Dans l’Evangile de
Jean, “le monde hostile” fait allusion en amont à ceux qui s’opposent à Jésus
durant sa mission publique. Ses opposants sont les juifs, les pharisiens et les
grands prêtres, ces gens ne croient pas en Jésus et cherchent à le tuer. Le
monde hostile se réfère en aval aux persécuteurs de la communauté johannique à
la fin du premier siècle ainsi qu’aux persécuteurs de tout temps. Dans l’Evangile
de Jean, “le monde hostile” possède six caractéristiques à savoir (1) Haïr Jésus,
son Père et ses disciples, (2) Appartenir au prince de ce monde et au diable,
(3) Ne pas connaître Jésus et son Père, (4) Ne pas croire en Jésus, (5) Commettre
le péché, (6) Être invité à croire et à connaître Jésus. Voir l’analyse de ces
caractéristiques dans l’article: “Six
caractéristiques ‘du monde hostile’ et ‘des adversaires de Jésus’ dans
l’Évangile de Jean.”
Le monde hait les
disciples parce que ces derniers n’appartiennent pas au monde car ils sont
choisis par Jésus. Ce dernier dit à ses disciples en 15,19a: “Si vous étiez du monde, le monde aimerait son bien.” Cela signifie que si les disciples sont
du monde, ils ne seront pas haïs mais seront aimés par le monde. Néanmoins, si les
disciples sont du monde, ils n’appartiennent plus à Jésus. Dans ce cas, la
conséquence est décrite en 15,6 où Jésus dit aux disciples: “Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment
et il se dessèche; on les ramasse et on les jette au feu et ils brûlent” (15,6). Les disciples sont donc devant
un dilemme. Dans un sens s’ils croient en Jésus et lui appartiennent, ils seront
aimés par Jésus et auront la vie éternelle, mais ils risqueront d’être haïs et
persécutés par le monde. Dans un autre sens s’ils sont du monde, ils seront
aimés par le monde, mais ils n’appartiendront plus à Jésus, donc ils n’auront
pas la vie éternelle.
Ce dilemme
persiste tout au long de l’histoire. Concrètement la communauté johannique à la
fin du premier siècle est confrontée à des difficultés et des défis, voire la
vie des croyants a été menacée. Jésus avertit ses disciples en 16,2: “On [le monde hostile] vous exclura des synagogues. Bien plus, l’heure
vient où quiconque vous tuera pensera rendre un culte à Dieu.” L’objectif de cet avertissement est une
invitation à tenir ferme la foi comme Jésus le dit aux disciples en 16,1: “Je vous ai dit cela pour vous éviter le scandale.” Dans ce contexte de persécution, l’abandon de la
foi en Jésus pourrait se produire. Certains membres de la communauté johannique
pourraient succomber, voire se laisseraient envahis par le pouvoir des ténèbres
et réaliseraient les œuvres du diable
comme Judas (cf. 6,71; 13,2.27.30). Les trois fois où Simon-Pierre renie son
Maître sont prédits par Jésus (13,38) et sont racontés en détail par le
narrateur (18,17.25.26-27). Ce reniement de Simon-Pierre fait allusion à la
situation de crise de la communauté johannique. En effet, face à la
persécution, certains membres pourraient discrètement ou ouvertement renier
Jésus comme Simon-Pierre. La repentance de ce dernier dans le texte invite ceux
et celles qui seraient dans cette situation à avoir le courage de se repentir
comme Simon-Pierre.
En résumé, l’Évangile
de Jean montre au lecteur de nombreux types de la crise de la foi en Jésus, en
même temps, cet Évangile donne les solutions pour surmonter cette crise. Face
aux défis survernus de l’intérieur et de l’extérieur de la communauté, maintes
fois Jésus encourage les disciples en Jn 13–16. En particulier les dernières
paroles de Jésus s’adressant à ses disciples dans les discours d’adieu (Jn 13–16)
sont d’un grand réconfort, il leur dit en 16,33: “Je vous
ai dit ces choses, pour que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez
à souffrir. Mais gardez courage! Moi, j’ai bel et bien vaincu le monde.” Cette assurance s’adresse également à la
communauté johannique et aux croyants en tout temps et en
tout lieu. En plus des exhortations, Jésus donne plusieurs solutions concrètes dans
Jn 13–16 qui aident les croyants à tenir ferme dans la foi et à surmonter la
crise. Que faire pour affermir la foi?
III. Que faire pour consolider la foi en Jésus?
L’Évangile de
Jean propose plusieurs pratiques pour consolider la foi en Jésus, elles peuvent
être résumées dans un travail important: écouter et pratiquer les enseignements
de Jésus dans sa vie, cela signifie vivre et se conformer à la parole de Jésus.
Dans cette partie nous présentons cinq points considérés comme des solutions pour
maîtriser la crise de la foi en Jésus: (1) Étudier et pratiquer les
enseignements de Jésus, (2) Demeurer réciproquement en Jésus, (3) Être avec
Jésus, son Père et le Paraclet, (4) Vivre la paix et la joie de Jésus, (5) Accueillir
les actions du Paraclet.
1. Étudier
et pratiquer les enseignements de Jésus
Face aux
difficultés et défis en raison de la foi en Jésus indiqués ci-dessus, Jésus
réconforte et encourage ses disciples dans les discours d’adieu (Jn 13–16). La
meilleure façon pour tenir ferme dans la foi en Jésus est donc de bâtir une
relation intime avec lui et de mettre en pratique ses enseignements. Selon la
théologie johannique, Jésus a transmis aux disciples la totalité de la révélation,
puisqu’il leur dit à la fin de sa mission publique en 15,15: “Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que
fait son maître; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu
de mon Père, je vous l’ai fait connaître.” Tout ce que Jésus avait entendu de
son Père, il l’a fait connaître aux disciples. C’est-à-dire que la totalité de
la révélation est donnée, point n’est besoin de la
chercher ailleurs.
Toute la
révélation a été transmise aux disciples, mais cela ne signifie pas que les
disciples ont compris parfaitement le contenu de cette révélation de Jésus. En
effet, le contexte de crise dans Jn 13–16 montre que les disciples ne
comprennent pas encore toute la révélation. Ils sont en train de vivre dans la
tristesse et l’angoisse, ils ne peuvent pas pour l’instant porter les
enseignements de Jésus comme ce dernier le dit aux disciples en 16,12: “J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à
présent.” C’est seulement après
le départ de Jésus vers le Père que le Paraclet (l’Esprit de vérité) sera
envoyé aux disciples, le Paraclet les guidera dans la vérité toute entière (16,13) et leur enseignera tout ce que Jésus
a dit (14,26).
Ainsi, guidé par le Paraclet, “écouter”, “apprendre” et “pratiquer” l’enseignement de Jésus sont des
activités qui se font tout au long de la vie du croyant. Avec l’enseignement du
Paraclet, les disciples comprendront l’enseignement de Jésus et les
appliqueront à toutes les circonstances concrètes de leur vie. Grâce à la révélation
de Jésus et à l’accompagnement du Paraclet, les croyants reconnaîtront la
grandeur du choix de croire en Jésus et celle de lui appartenir. Car la parole de
Jésus est le pain de vie, l’eau de vie et la vraie lumière pour les disciples.
Dans la suite nous présentons des mesures concrètes pour consolider la foi en
Jésus.
2. Demeurer
réciproquement en Jésus
Dans l’Évangile de
Jean, Jésus parle à plusieurs reprises de l’inhabitation réciproque entre lui
et ses disciples. Selon la théologie johannique, cette inhabitation décrit la
relation profonde entre lui et les disciples dans les deux sens: “Jésus est dans
les disciples” et “les disciples sont en lui.” Jésus le dit aux disciples en
14,20: “Ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon
Père (egô en tô patri mou) et vous en moi (kai humeis en emoi) et moi en vous
(kagô en humin).” Cette
inhabitation réciproque est une condition nécessaire pour que les disciples
puissent exister et porter beaucoup de fruits (cf. 15,1-8). Jésus invite ses disciples à demeurer en lui en 15,4: “Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut de
lui-même porter du fruit s’il ne demeure pas sur la vigne, ainsi vous non plus,
si vous ne demeurez pas en moi.” Voir l’analyse sur le thème de l’inhabitation réciproque entre Jésus ses disciples (14,20b) dans l’article: “Jn
14,15-24: Les bienfaits réservés à celui qui aime Jésus et garde ses
commandements.”
Le thème de l’inhabitation
“Jésus – disciples” renvoie au thème de l’inhabitation réciproque entre Jésus
et son Père. Dans le passage 14,8-11, Jésus met l’accent sur sa relation avec
son Père. En effet, lorsque Philippe demande à Jésus: “Seigneur,
montre-nous le Père et cela nous suffit” (14,8), Jésus lui dit en 14,10a: “Ne
crois-tu pas (sujet singulier) que je suis dans le Père et que le Père est en
moi?”, puis Jésus invite tous
les disciples à croire à la relation intime entre lui et son Père quand il leur
dit en 14,11a: “Croyez-m’en! (sujet pluriel) Je suis dans
le Père et le Père est en moi.” Ainsi l’inhabitation réciproque: “les disciples en Jésus” (“vous en moi”) et
“Jésus en disciples” (“moi en vous”) en 14,20b fait entrer les disciples dans une
profonde communion avec Jésus. Les disciples participent donc à la relation
intime entre Jésus et son Père (cf. 14,10.11).
“Demeurer en
Jésus” est une réalité vitale pour les disciples. “Demeurer en Jésus” conduit à
la vie, “ne pas demeurer en Jésus” conduit à la mort, à la perte. Celui qui ne
demeure pas en Jésus comme le sarment sur la vigne, “il se
dessèche; on les ramasse et on les jette au feu et ils brûlent” (15,6). Comme le montre l’analyse ci-dessus,
“demeurer en Jésus” signifie lui appartenir, cette option implique le risque d’être
haï et persécuté par le monde hostile. Ainsi il existe une tension dans la vie
des disciples: le choix de “Demeurer réciproquement en Jésus” apporte aux
croyants la vie éternelle, mais ce choix exige aussi le courage pour accepter les
difficultés et des défis survenus en raison de la foi en Jésus. En bref Jésus
invite ses disciples à demeurer en lui et lui en eux, cette invitation de
communion dans la relation d’amour avec Jésus est l’une des solutions pour maîtriser
la crise de la foi.
3. Être
avec Jésus, son Père et le Paraclet
Dans la péricope 14,15-24,
Jésus révèle aux disciples ce qu’ils peuvent faire pour hériter de la demeure
du Père, de Jésus et du Paraclet en eux. La promesse de l’inhabitation de ces trois
personnes divines (le Père, Jésus et le Paraclet) sera accordée aux disciples à
condition qu’ils aiment Jésus et gardent ses commandements. Jésus le dit aux disciples
en 14,15-16: “15 Si vous m’aimez, vous garderez mes
commandements; 16 et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet,
pour qu’il soit avec vous à jamais.” En 14,21, Jésus promet que “Celui qui a mes
commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime; or celui qui m’aime
sera aimé de mon Père; et je l’aimerai et je me manifesterai à lui.” Une autre révélation importante de Jésus est présentée
en 14,23. Jésus dit à Judas (non pas l’Iscariot) en 14,23: “Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et
nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure (monên) chez lui.”
Ces citations
montrent que le Père, Jésus et le Paraclet viendront et demeureront chez les
disciples s’ils “aiment Jésus” (14,15.23), “gardent sa parole” (14,23), “ont
ses commandements” (14,21) et gardent ses commandements” (14,15.21). Ces
facteurs sont étroitement liés. Cela veut dire qu’“aimer Jésus” est “garder ses
commandements” (14,15) et vice-versa: “garder les commandements de Jésus” est
“l’aimer” (14,21). En d’autres termes, l’amour implique l’obéissance et l’obéissance
implique toujours l’amour.
“Les
commandements de Jésus” en 14,15.21 sont parallèles avec “sa parole” en 14,23.
Dans ce contexte, “les commandements” (substantif pluriel) se réfèrent à tous
les enseignements de Jésus présentés dans l’Évangile de Jean. Pour savoir
comment “aimer Jésus” et quels sont ses commandements, il suffit de lire intégralement
cet Évangile. Dans cette perspective, les activités: écouter, étudier et
accueillir les enseignements de Jésus permettent aux disciples de reconnaître
et de vivre la promesse de Jésus. C’est-à-dire qu’à l’intérieur de chaque
disciple, il y a la présence et l’inhabitation du Père, de Jésus et du Paraclet.
Cette demeure mystérieuse de trois personnes divines est une grande source de
réconfort et d’encouragement pour les disciples, en particulier pour ceux qui
sont dans une situation de défi et de détresse. Voir l’analyse
sur ce sujet dans l’article: “Jn
14,15-24: Les bienfaits réservés à celui qui aime Jésus et garde ses
commandements.”
4. Vivre
la paix et la joie de Jésus
Dans les discours
d’adieu (Jn 13–17), les disciples sont dans un état de désarroi
et d’angoisse (14,1.27),
Jésus leur promet donc de leur offrir sa paix et sa joie. Le thème de la paix et
celui de la joie en Jn 14–17 soulignent l’aspect de la christologie, parce
qu’il s’agit de la paix de Jésus et de sa joie, ce ne sont pas celles du monde
ni de Dieu. Jésus dit aux disciples en 14,27: “Je vous
laisse la paix; c’est ma paix que je vous donne; je ne vous la donne pas comme
le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble ni ne s’effraie.”
En 15,11, Jésus
veut que sa joie devienne la joie de ses disciples, il leur dit: “Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit
complète” (15,11). L’expression
“dire cela” dans ce verset rappelle ce que Jésus a dit aux disciples auparavant. Dans
un contexte proche, “cela” (15,11a) renvoie aux paroles de Jésus dans la
section 13,1–15,10. Dans un contexte plus large, “cela” fait allusion à tous
les enseignements de Jésus dans l’Évangile de Jean. Ainsi les dires de Jésus (sa
parole, sa révélation) ont pour but de transformer sa joie en joie des
disciples. La compréhension de la révélation de Jésus permet donc aux disciples
de recevoir la joie de Jésus et de la transformer en leur propre joie. Les
caractéristiques de la joie en Jn 14–17 sont “complète” (15,11, 17,13) et “durable” (16,22),
parce que personne ne peut enlever cette joie des disciples. Jésus leur dit en
16,22: “Vous aussi, maintenant vous voilà tristes; mais je
vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne
vous l’enlèvera.”
La dernière
parole de Jésus s’adressant aux disciples dans Jn 13–16 leur procure un encouragement
pour être avec lui afin d’avoir sa paix. Jésus dit aux disciples en 16,33: “Je vous ai dit ces choses, pour que vous ayez la paix en moi. Dans le
monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage! Moi, j’ai bel et bien vaincu
le monde.” Le cadeau de la joie
de Jésus et le don de sa paix peuvent aider les disciples à approfondir leur foi
en Jésus. Ils peuvent donc surmonter la peur (14,1.27) et feront
ainsi preuve de courage pour témoigner de leur foi dans toute
circonstance.
Le thème de la
paix et celui de la joie en Jn 14–17 peuvent être lus de deux manières: “la lecture
horizontale” et “la lecture verticale.” La lecture horizontale décrit le
déroulement du temps (avant, pendant et après un événement). Cette lecture horizontale
accentue le contexte historique du récit. Les disciples sont maintenant tristes,
effrayés et troublés, lorsque l’heure du départ de Jésus est proche. Mais ils
se réjouiront plus tard quand Jésus les reverra après sa résurrection. L’interprétation
du thème de la joie et de la paix avec la lecture horizontale permet de
souligner l’événement fondamental de la foi: La passion et la résurrection de
Jésus. L’effet de cet événement apporte aux croyants la paix et la joie
véritables.
Cependant, après
la résurrection de Jésus, la communauté johannique se trouve encore dans une
situation de crise. L’interprétation de la joie et celle la paix dans une
lecture verticale permettent à la communauté de tenir ferme dans la foi en
Jésus. En effet “la lecture verticale” (d’en haut et d’en bas) de la joie et de
la paix correspond à la situation de la communauté johannique à la fin du
premier siècle, ainsi qu’à la situation du lecteur à toute
époque. En Jn 14–17, Jésus donne
aux disciples sa paix et sa joie non seulement dans l’avenir (après sa
résurrection), mais il leur donne aussi la paix (14,27) et la joie (15,11) maintenant
(avant sa passion), quand ils sont au cœur de la difficulté et de la détresse (14,1.27).
Ce cadeau de la joie et le don de la paix sont les bienvenus et nécessaires à la
communauté johannique, car à la fin du premier siècle cette communauté est en difficulté
due aux nombreuses raisons présentées plus haut.
La théologie de l’Évangile
de Jean permet une meilleure compréhension de la joie et de la paix dans le
rapport entre les deux mondes comme Jésus le dit aux Juifs en 8,23-24: “23 Vous, c’est d’en bas que vous êtes; moi, c’est d’en haut que je
suis. Vous, c’est de ce monde que vous êtes; moi, je ne suis pas de ce monde.
24 Je vous ai donc dit que vous mourrez dans vos péchés. Car si vous ne croyez
pas que Moi, Je Suis, vous mourrez dans vos péchés.” Entre ces deux mondes: le monde de Dieu (le monde
d’en haut) et le monde de l’homme (le monde d’en bas), on peut interpréter que la
paix et la joie de Jésus sont des réalités qui viennent d’en haut. Les
disciples qui vivent dans le monde d’en bas reçoivent le don de la paix et de la
joie d’en haut pour surmonter les défis dans leur vie. Cette lecture verticale
permet aux disciples de tout temps de vivre pleinement ces deux réalités
contradictoires: “la paix et la crise” d’une part, “la joie et la détresse”
d’autre part. Ces réalités sont placées sur des niveaux différents: La crise et
la détresse sont des réalités du monde d’en bas; la joie et la paix sont des
réalités du monde d’en haut. Grâce aux dons d’en haut, les hommes ont le courage
pour cheminer dans le monde d’en bas en tant que disciples de Jésus.
Les lectures horizontale
et verticale du thème de la joie et celui de la paix sont des particularités de
la théologie johannique. Cette interprétation est importante, car d’une part, le
thème de la joie et de la paix dans la lecture horizontale permet de souligner la
passion et la résurrection de Jésus; d’autre part, la lecture verticale de ce
thème permet aux croyants en tout temps et en tout lieu de maîtriser les défis et les difficultés dans ce monde. En Jn 14–16, Jésus
révèle une autre solution importante: ce sont les actions du Paraclet auprès
des disciples.
5. Accueillir
les actions du Paraclet
Après le départ
de Jésus vers le Père, le Paraclet est envoyé aux disciples (cf. 16,07). C’est-à-dire
qu’après la passion et la résurrection de Jésus, les croyants béneficie de la
présence du Paraclet en eux et dans leur communauté. Le rôle et les actions du Paraclet chez
les disciples sont des révélations importantes en Jn 14–16. Les disciples reçoivent
le Paraclet à condition d’“aimer Jésus” et de “garder ses commandements” (14,15).
Les nombreuses actions du Paraclet en Jn 14-16 montrent qu’elles sont
indispensables pour la vie des disciples. Elles peuvent être récapitulées selon
trois domaines: (1) Le Paraclet demeure chez les disciples et les guide dans la
vérité; (2) Le Paraclet enseigne les disciples sur tout ce Jésus a dit; (3) Le
Paraclet témoigne en faveur de Jésus “devant” et “de l’intérieur” des
disciples.
(1) Premièrement,
le Paraclet demeure avec les disciples et les accompagne dans leur vie. Le
thème de l’inhabitation du Paraclet chez les disciples est mis en relief comme
Jésus le leur dit en 14,16-17: “15 Si vous m’aimez, vous
garderez mes commandements; 16 et je prierai le Père et il vous donnera un
autre Paraclet, pour qu’il soit avec (metha) vous à jamais, 17 l’Esprit de Vérité, que le
monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît.
Vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de (para) vous; et en (en) vous il sera.” Dans les deux versets (14,16-17), les deux
verbes: “être” (eimi), “demeurer” (menô) et les trois prépositions: “avec” (metha),
“auprès de” (para), “en” (en) sont utilisés pour décrire la demeure du Paraclet dans
les disciples. La caractéristique de cette demeure est “à jamais” (14,16b). Il
semble que la communauté johannique ne prenne pas conscience de la présence du
Paraclet, c’est pour cela que le texte insiste sur ce sujet. En demeurant chez les
disciples, le Paraclet les guide dans la vérité tout
entière comme Jésus le dit aux disciples en 16,12-13a: “J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à
présent. 13 Mais quand il [le Paraclet] viendra, lui, l’Esprit de vérité, il
vous guidera dans la vérité tout entière.” Ainsi, selon la théologie johannique, quiconque aime Jésus et garde ses
commandements bénéficie de la demeure à jamais du Paraclet en lui-même (14,15-17).
Dans cette perspective, il est inutile de demander la venue du Paraclet (le
Saint Esprit). La chose importante à reconnaître c’est
d’être conscient de la présence et des actions du Paraclet en nous-même.
(2) Deuxièmement,
le Paraclet enseigne aux disciples tout ce que Jésus a dit et leur rappelle ses
enseignements. Jésus dit aux disciples en 14,25-26: “25 Je
vous ai dit cela tandis que je demeurais près de vous. 26 Mais le Paraclet,
l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et
vous rappellera tout ce que je vous ai dit.” En 16,13, le Paraclet expliquera
aux disciples les choses à venir. Dans le passage 16,8-11, le Paraclet fait connaître aux disciples la
vérité sur le monde et sur le prince de ce monde. Le monde hostile a commis le péché
parce qu’il ne croit pas en Jésus (16,9) et le prince de ce monde a été
définitivement jugé (16,11). Ainsi le Paraclet enseigne aux disciples le véritable
sens de la passion de Jésus. Historiquement Jésus est mort sur une croix,
mais théologiquement il va vers son Père (16,10). Historiquement Jésus a été déshonoré
sur la croix; mais théologiquement Jésus a été glorifié
sur cette même croix (13,31-32;
17,1) comme Jésus le dit en 13,31b: “Maintenant le Fils de
l’homme a été glorifié et Dieu a été glorifié en lui.”
(3)
Troisièmement, le Paraclet rend témoignage à Jésus. Jésus dit aux disciples en
15,26-27: “26 Lorsque viendra le Paraclet, que je vous
enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité, qui vient du Père, il me rendra
témoignage. 27 Mais vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi
depuis le commencement.” Le
Paraclet rend témoignage à Jésus “devant” et “dans” les disciples. En effet, dans
un sens, en rendant témoignage à Jésus devant les
disciples, le Paraclet affirme l’identité de Jésus et leur faire comprendre sa
mission. Dans un autre sens, c’est dans le cœur et l’esprit des disciples que le
Paraclet témoigne en faveur de Jésus quand les disciples rendront témoignage à
Jésus devant le monde. Par conséquent, en faisant accueil
aux actions du Paraclet les disciples maîtriseront les crises survenues
dans leur vie et affermiront ainsi leur foi en Jésus.
IV. Conclusion
Dans l’Evangile de
Jean, le narrateur présente de nombreux facteurs de crise dans la communauté
des disciples. La crise de ces disciples fait allusion à celle de la communauté
johannique à la fin du premier siècle et à celle du croyant d’aujourd’hui. Les
disciples de tout temps peuvent être troublés, scandalisés et trébucher à cause
de l’enseignement de Jésus (Jn 6), de l’appartenance aux ténèbres (le cas de Judas
en 6,60-71; 13,1-32), de l’ignorance ou de l’incompréhension de la parole de Jésus
(Jn 13–16), de la croyance que Jésus serait absent (Jn 14), de la haine et de
la persécution du monde hostile. Ces éléments de crise peuvent ébranler la foi
des disciples et les faire trébucher. Bien que le croyant affirme que quiconque
croit en Jésus a la vie éternelle, cependant la vie du disciple dans ce monde doit
encore affronter de nombreux défis et difficultés. Dans certaines
circonstances, le croyant doit sacrifier plusieurs choses, voire sacrifier sa propre
vie pour conserver l’amour pour Jésus, la fidélité envers Jésus et la vie
éternelle que Jésus a offerte. Dans cette situation de crise, qu’est ce que
l’on peut faire pour tenir ferme dans la foi? L‘Évangile de Jean propose parmi
d’autres des solutions spécifiques comme suit:
(1) En général,
le moyen le plus efficace pour surmonter la crise de la foi est d’étudier régulièrement les enseignements de Jésus et de les mettre en pratique. C’est ainsi que
le croyant établit une relation interpersonnelle de plus en plus profonde avec Jésus.
(2) Jésus invite
chaque disciple à demeurer en lui. Il s’agit d’une inhabitation réciproque
entre Jésus et ses disciples comme il leur dit en 14,20b: “Vous en moi (kai humeis en emoi) et moi en vous (kagô en humin).” Cette phrase exprime la communion
profonde entre Jésus et les disciples. Le croyant qui demeure en Jésus comme le
sarment demeure sur la vigne portera beaucoup de fruit (15,5). Cette relation interpersonnelle
est décrite de la même manière que la communion entre Jésus et son Père. Jésus
le dit aux disciples en 14,11a: “Je suis dans le Père et
le Père est en moi.” Ainsi,
en demeurant avec Jésus, les disciples participent à la relation intime entre
Jésus et son Père.
(3) Jésus promet
l’inhabitation de trois personnes divines: le Père, Jésus et le Paraclet chez
les croyants. La condition pour hériter de cette inhabitation est “aimer Jésus”
et “garder ses commandements” (14,15) Selon la théologie johannique, il n’est pas
nécessaire de demander la venue du Paraclet (l’Esprit Saint) mais il est
recommandé de réaliser les deux conditions ci-dessus. L’acte de garder les commandements se réfère à l’ensemble de l’enseignement de Jésus dans l’Évangile et cet acte est inséparable de celui d’aimer Jésus. La demeure des trois personnes divines chez les
croyants est un grand encouragement pour eux quand ils sentent que Jésus est
absent ou qu’il les laisse orphelins ( cf. 14,18).
(4) Malgré toutes
les difficultés dans le monde, les croyants ont toujours la joie et la paix de
Jésus dans leur cœur. Les caractéristiques de cette joie et de cette paix sont complètes
et durables. Les thèmes de la joie et de la paix peuvent être interprétés horizontalement
ou verticalement. La lecture horizontale souligne la passion et la résurrection
de Jésus. Cet événement fondamental offre aux disciples la paix et la joie que
personne ne peut enlever. Cet événement s’est passé il y a plus de 2000 ans, on
se demande si les croyants d’aujourd’hui ont encore cette joie et cette paix de Jésus. La lecture verticale aide les
croyants à vivre cette joie et cette paix au cœur de la crise. En effet, les
dons de la joie et de la paix ne suppriment pas les adversités
et les défis dans la vie des
disciples, mais la joie et la paix de Jésus, qui sont des réalités venues du
monde d’en haut, leur permettent de maîtriser les difficultés et de surmonter les
obstacles dans ce monde d’en bas.
(5) Une des
caractéristiques de la théologie johannique est la révélation sur le rôle et
les actions du Paraclet auprès des disciples. Dans l’Évangile de Jean, le
Paraclet (14,16.26; 15,26; 16,7) est identifié avec l’Esprit de vérité ( 14,17;
15,26) et avec l’Esprit Saint (14,26). Les actions du Paraclet sont résumées selon
trois domaines: (1) Le Paraclet demeure dans les croyants (14,16-17) et les
guide dans la vérité toute entière (16,13); (2) Le Paraclet fait connaître aux
croyants tout l’enseignement de Jésus (14,26; 16,8-11); (3) Le Paraclet rend témoignage
à Jésus devant et dans les croyants (15,26-27). L’Évangile invite les croyants à
affirmer la présence et les actions du Paraclet dans leur vie quotidienne,
parce que les actions du Paraclet sont la source de la force spirituelle pour
faire face aux difficultés.
En résumé, le
thème de “la crise de la foi foi et la solution” est une contribution originale
de l’Évangile de Jean aux lecteurs d’hier comme
d’aujourd’hui. Grâce à la
révélation de Jésus dans cet Évangile, ceux qui souffrent de la crise de la foi en Jésus ou éprouver une foi
stérile, voire la perte de la foi, peuvent retrouver la vitalité de la foi en Jésus.
Malgré toutes les difficultés et les défis rencontrés dans toutes les
situations, les croyants peuvent toujours apprendre et mettre en pratique les
enseignements de Jésus révélés dans l’Évangile de Jean pour surmonter la crise
et pour vivre dans la joie et la paix de Jésus./.
Voir
+ Articles:
3. Ne pas réellement et véritablement venir à Jésus, le voir et croire en lui dans l’Évangile de Jean.
+ Terminologie:
Cher Père,
Trả lờiXóaJe désire m’exprimer ma profonde reconnaissance pour votre magnifique exposé qui me fait comprendre davantage sur les crises de la foi dans notre monde d’aujourd’hui sous les formes différentes, peut-être. Elles viennent de notre impossibilité d’entrer le monde de Dieu, de nos limites humaines, de nos regards charnels, de nos péchés, de nos obscurités, de nos libertés, du contre témoignage des croyants et surtout de notre orgueil. Rien de nouveau sous le soleil, dit- Dieu dans la Bible.
Pour moi, la foi est la seule chose consistante dans l’immensité du vide et du néant du crée. Elle est comme un noyau atomique qui est capable de donner la vie, le sens et l’amour à notre vie. Sans la foi, notre vie est comme le système solaire sans le soleil. Notre vie tomberait dans le vide, le désespoir, les désorientations, dans le non – sens si Dieu n’existe pas. Et pourtant, nous constatons que nous vivons dans une période de l’histoire de l’humanité que l’ être humain est en crise de foi profonde . Peut- être, c’est une crise de croissance. Le problème de la foi dans le monde moderne est celui de positivisme. On veut prouver Dieu avec un système mathématique et l’homme avec la calculatrice. Et pourtant Dieu n’est pas un objet et l’homme ne l’est pas non plus. L’homme est intendant de la création mais Dieu est le Maître de l’homme et de l’univers. Voilà pourquoi la foi est toujours obscure parce que l’homme n’arrive jamais à connaître et à saisir Dieu vraiment. Il est au dessus de l’homme. Comme on dit : Si Dieu ne fait pas mystère, Il n’est pas Dieu mais simplement une idole. Nier Dieu, l’homme nie lui- même, il nie l’essence même de son être et de la création.
Je suis heureuse de lire et relire votre texte avec le sentiment de profonde gratitude. Attacher à la Parole de Dieu, c’est attacher à Jésus- Christ. Nouer un lien fort d’amitié avec Lui est la seule solution dans le temps de crise. J’aime bien l’expression de Saint Jean : Demeurer en Jésus devient pour moi un choix vital des disciples du Christ. Vivant sous le mouvement de l’Esprit transforme notre peine en joie, la persécution de ce monde en paix. Ayez confiance, j’ai vaincu le monde, voila notre espérance et notre assurance. Merci beaucoup , mon Père, de me partage de la parole de vie et de joie.