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Le 22 mars 2018
Contenu
Introduction
I. Le contexte et la structure
des cinq dits du Paraclet
1. Le premier dit : 14,15-17
2. Le deuxième dit : 14,25-26
3. Le troisième dit : 15,26-27
4. Le
quatrième dit : 16,7-11
5. Le cinquième dit : 16,12-15
6.
Vue d’ensemble des cinq dits
II. L’envoi et la venue du Paraclet
1. Les
deux conditions de la venue du Paraclet
2.
L’envoi du Paraclet
3. La venue du Paraclet
III.
Les appellations du Paraclet
1. Autre Paraclet (allos
paraklètos)
2. Le
Paraclet (ho paraklètos)
3. L’Esprit de vérité (to pneuma tès alètheias)
4. L’Esprit
Saint (to pneuma to hagion)
Conclusion
Bibliographie
Bibliographie
Dans les ch. 13–16, les disciples sont
dans une situation de crise. Jésus les appelle
à demeurer dans son amour (15,10), à garder son
commandement de l’amour (15,12) et à devenir
ses amis
(15,13). Face à la
haine et à la persécution, Jésus les invite à « haïr
leur vie » (12,25). Comment peuvent-ils vivre ses appels ?
Le rôle du Paraclet-Esprit est crucial puisqu’il permet aux disciples de
comprendre la révélation de Jésus et de vivre ses appels. Dans cet article, nous étudions les cinq dits du
Paraclet (14,15-17 ; 14,25-26 ; 15,26-27 ;
16,7-11 ; 16,12-15) en trois points : (I) le
contexte et la structure des cinq dits, (II) l’envoi
et la venue du Paraclet et (III) les appellations du Paraclet. Nous abordons la triple relation du Paraclet avec
Jésus, avec le monde et avec les disciples dans un autre article.
Nous présentons quelques opinions sur la
composition des cinq dits du Paraclet avant de proposer notre traduction et
notre analyse. L’état actuel des cinq dits du Paraclet dans les ch. 14–16, leur
place et leur contenu amènent plusieurs explications. Selon l’hypothèse de J.
Lepsius, avant d’être découpé en cinq morceaux, il s’agissait d’un seul logion
du Paraclet bien ordonné. La position plus nuancée de Hans Windisch et de J.
Schneider estime que les dits du Paraclet ont été interpolés par l’évangéliste
dans les ch. 14–16 et plus ou moins retouchés, (cf. les
opinions des auteurs J. Lepsius ; H.
Windisch et J. Schneider dans I. de La Potterie, La vérité, t. I, p. 339-340).
Ces études sur l’histoire de la composition du texte s’appuient sur des hypothèses,
car il n’y a pas de preuve d’un logion du Paraclet unifiant les cinq dits. I.
de La Potterie, La
vérité, t. I, p. 340-341, souligne
la difficulté d’une telle recherche : « On peut discerner dans son
texte [de Jean] des éléments plus archaïques ou primitifs, et d’autres de
rédaction plus récente. Mais il n’est plus possible actuellement de
reconstituer une source écrite qu’il aurait utilisée ; autrement dit, il
faut renoncer à délimiter avec précision un état littéraire antérieur à celui
de nos textes. »
En accord avec cette opinion, nous nous
intéressons à l’état final des ch. 14–16. En tenant compte du caractère
composite et du processus
de la relecture, (cf. A. Dettwiler, « Le phénomène de
la relecture », p. 185-200),
nous examinons les cinq dits du Paraclet en six points : (1) le premier dit : 14,15-17, (2) le deuxième
dit : 14,25-26, (3) le
troisième dit : 15,26-27, (4) le quatrième
dit : 16,7-11, (5) le cinquième dit : 16,12-15,
et (6) vue d’ensemble des cinq dits. Nous présentons notre traduction du texte grec de Nestle-Aland, Novum Testamentum Graece, 28e
éd. (NTG-28th). Les autres
citations sont de la Bible de Jérusalem,
2000.
Le ch. 14
contient deux dits du Paraclet (14,15-17 ; 14,25-26). Le premier en
14,15-17 annonce une condition du don du Paraclet et l’inhabitation de ce
dernier. Jésus dit aux disciples en 14,15-17 :
[15] Si vous m’aimez, vous garderez mes
commandements ;
[16a] et moi, je prierai le Père
[16b] et il vous donnera un autre
Paraclet,
[16c] pour qu’il soit avec vous à jamais,
[17a] l’Esprit de vérité, que le monde ne
peut pas recevoir,
parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît.
[17b] Vous, vous le connaissez,
parce qu’il demeure auprès de vous et il sera en vous.
14,15-17 en grec :
[15] Ean
agapate me, tas entolas tas emas tèrèsete
[16a] kagô
erôtèsô ton patera
[16b] kai
allon paraklèton dôsei humin,
[16c]
hina meth’ humôn eis ton aiôna èi,
[17a]
to pneuma tès alètheias, ho ho kosmos ou
dunatai labein,
hoti ou theôrei auto oude yinôskei.
[17b] humeis
ginôskete auto,
hoti par’ humin menei
kai en humin estai.
Le premier dit
(14,15-17) appartient à l’unité 14,15-24 dans laquelle « aimer Jésus »
et « garder ses commandements » (14,15.21.23) sont les conditions
pour bénéficier de l’inhabitation de trois personnes : l’autre Paraclet
(14,16-17), Jésus et le Père (14,20.23). Cette promesse est faite dans le
contexte de crise du groupe des disciples à la fois devant le départ de Jésus
et face au monde hostile. Les v. 14,15-17 ont donc leur place dans le contexte
du passage 14,15-24.
Le v. 14,16 est
bien construit avec l’enchaînement des trois verbes : « erôtaô » (prier, intervenir),
« didômi » (donner) et « eimi » (être) avec trois sujets : Jésus priera (v.16a), le Père donnera (v.16b), et
l’autre Paraclet sera avec les disciples à jamais (v.16c). Le v. 14,17 commence
par le titre « l’Esprit de vérité ». En 14,17a, le pronom personnel
neutre en grec : « ho »
rendu en français par « que », et le pronom personnel « auto » (le) désignent l’Esprit de
vérité puisque « to pneuma »
(l’esprit) est neutre. L’Esprit de vérité (v.17a) renvoie à l’autre Paraclet (allon paraklètos) au v.16b. Le v. 14,17
est construit sur l’opposition entre le monde et les disciples. La
situation du monde (14,17a) est évoquée par la négation des trois verbes :
« recevoir » (lambanô),
« voir » (theôreô) et
« reconnaître » (ginôskô). Par
contre, du côté des disciples (14,17b), trois verbes sont à l’affirmatif :
« connaître » (ginôskô), « demeurer »
(menô) et « être » (eimi). La situation du monde et celle
des disciples se suivent par une proposition explicative : « hoti » (parce que). La première (14,17a) donne
la raison pour laquelle le monde est incapable de recevoir l’Esprit de vérité.
La deuxième (14,17b) explique
la connaissance des disciples. Le contraste entre les disciples et le monde est
double : connaître ou ne pas connaître l’Esprit de vérité et être habité
ou ne pas être habité par lui. La présence du Paraclet chez les disciples est mise en relief,
d’une part, par trois prépositions : « meta » (avec), 14,16c, « para » (auprès) et « en » (en), 14,17b et, d’autre part,
par deux verbes : « eimi »
(être), 14,16c.17b, et « menô »
(demeurer), 14,17b.
Le deuxième dit (14,25-26) s’ouvre par le verbe « laleô » (parler) et se termine par le
verbe « legô » (dire). Jésus
révèle aux disciples en 14,25-26 :
[25a] Je vous ai parlé de cela
[25b] tandis que je demeurais près de
vous.
[26a] Mais le Paraclet, l’Esprit Saint,
que le Père enverra en mon nom,
[26b] celui-là, vous enseignera tout
[26c] et vous rappellera tout ce que [moi]
je vous ai dit.
14,15-17 en grec :
[25a] Tauta
lelalèka humin
[25b] para’ humin menôn.
[26a] ho de paraklètos, to pneuma to hagion,
ho pempsei ho patèr en tôi onomati
mou,
[26b] ekeinos
humas didaxei panta
[26c] kai
hupomnèsei humas panta ha eipon humin [egô].
En 14,26c, NTG-28th
met le terme « egô » (moi) entre les crochets [ ] parce
qu’il est omis dans les manuscrits importants : P75, א, A, D, Θ, Ψ, f1.13 etc.,
il est attesté dans les
manuscrits B, L, 060, etc. (cf. l’apparat critique dans NTG-28th). Le deuxième dit appartient
à l’unité 14,25-31 dans laquelle Jésus parle des sujets
tels que : le Paraclet (v.26), la paix (v.27a), la
peur et la crainte des disciples (v.27b), son départ (v.28a), l’amour des
disciples (v.28b), l’arrivée du Prince de ce monde (v.30), l’amour de Jésus (v.31a)
et l’ordre de partir (v.31b).
Le v. 14,25 est inclus dans le deuxième dit parce que, d’une part, la conjonction « de » (mais) en 14,26a lie à 14,25
et, d’autre part, l’expression : « Je vous ai parlé de cela » (tauta lelalèka humin) (14,25a) joue le rôle de transition. Cette
parole renvoie à ce que Jésus a dit auparavant et introduit la fonction du
Paraclet (14,26). Notons que la locution : « Je vous ai parlé de
cela » qui revient sept fois dans les ch. 14–16 (14,25 ; 15,11 ;
16,1.4.6.25.33) souligne les paroles d’adieu du maître Jésus.
La première dénomination « ho
paraklètos » (le Paraclet) avec l’article défini se trouve en 14,26a
et elle s’identifie à « l’Esprit Saint » (to pneuma to hagion). Le pronom neutre grec « ho » rendu par « que » en
14,26a désigne « l’Esprit Saint » (« to pneuma » est un terme neutre). Le pronom masculin « ekeinos » (celui-là) en 14,26b remplace le masculin « ho paraklètos »
(le Paraclet). Par
le biais d’« ekeinos », le Paraclet est le sujet
des verbes « enseigner » (didaskô) et
« rappeler » (hupomimnèiskô) en 14,26bc. En 14,26a, la désignation « l’Esprit
Saint » (une fois dans les cinq dits) joue le rôle d’apposition au
Paraclet.
La fonction du Paraclet est encadrée par deux expressions de Jésus : « Je vous ai parlé (lelalèka)
de cela » (14,25a) et
« tout ce que je vous ai dit (eipon) » (14,26c). Le verbe « laleô » (parler) renvoie
donc à « legô » (dire). La source de l’enseignement du Paraclet se trouve
dans la révélation de Jésus. L’activité du Paraclet est placée dans le
contexte de crise : son enseignement aide les disciples à recevoir
la paix de Jésus et surmonter l’effroi (14,27).
Dans le troisième dit, le témoignage du Paraclet (15,26d) précède celui
des disciples (15,27a). Nous analysons ces deux
versets avant de les placer dans le contexte de la péricope 15,18–16,4a.
Jésus dit aux disciples en 15,26-27 :
[26a] Lorsque viendra le Paraclet,
[26b] que je vous enverrai d’auprès du
Père,
[26c] l’Esprit de vérité, qui vient d’auprès
du Père,
[26d] celui-là témoignera au sujet de moi.
[27a] Mais vous aussi, vous témoignez,
[27b] parce que depuis le commencement
vous êtes avec moi.
15,26-27 en grec :
[26a] Hotan
elthèi ho paraklètos
[26b] hon
egô pempsô humin para tou patros,
[26c] to
pneuma tès alètheias ho para tou patros ekporeuetai,
[26d] ekeinos
marturèsei peri emoi.
[27a] kai
humeis de martureite,
[27b] hoti
ap’ archès met’ emou este.
Le témoignage du Paraclet et celui des disciples vont ensemble. C’est
pourquoi nous considérions les v. 26-27 comme le troisième dit du Paraclet. En
15,26, l’appellation « ho paraklètos »
(le Paraclet), renvoie à « to pneuma
tès alètheias » (l’Esprit de vérité) en 15,26c. Le pronom personnel masculin grec « hon »
rendu en français par « que » en 15,26b désigne le Paraclet et le
pronom neutre grec « ho »
(qui) en 15,26c désigne l’Esprit de vérité. En 15,26d, le rôle de témoin est attribué au pronom
masculin « ekeinos »
(celui-là) qui renvoie au Paraclet et non à l’Esprit de vérité. Le v. 15,27 présente
le témoignage des
disciples avec une légère opposition à
travers l’emploi de la conjonction
« de » (mais) qui montre le lien entre le témoignage du Paraclet (15,26) et celui des disciples
(15,27). (Cf. le point « IV.1. Le témoignage des disciples (15,27 »
dans l’article : « Jn 15,18–16,4a : La haine
du monde hostile. »
Quel est la place du témoignage (15,26-17) dans la péricope
15,18–16,4a ? I. de La Potterie, La vérité, t. I, p. 378, remarque :
« Plusieurs auteurs déclarent que ces versets [15,26-27] sur le Paraclet n’ont aucun rapport avec ce
qui les encadre, ni du point de vue de la forme, ni pour le sujet
traité. » (Cf. les références des auteurs dans ibid., n. 141, p. 378). En réalité, le thème du témoignage a bien sa place dans la péricope 15,18–16,4a qui se structure en
parallèle à pointe émergente (A, B, C, D, A’, B’, C’) : A. 15,18-20 : les disciples et le monde ;
B. 15,21 : la méconnaissance
des persécuteurs ; C. 15,22-25 : le
monde, Jésus et le Père ; D. 15,26-27 : le témoignage du Paraclet et
des disciples ; A’. 16,1-2 : les disciples et les persécuteurs ;
B’. 16,3 : la
méconnaissance des persécuteurs ;
C’. 16,4a : l’heure des persécuteurs. (Cf. tableau de cette structure dans
l’article : « La haine du monde hostile. »
Au milieu de la révélation de Jésus sur le rapport « disciples
– monde » (15,18–16,4a)
se trouve le thème du témoignage (15,26-27). Jésus prévient ses disciples qu’ils subiront la haine (15,18) et la persécution (15,20) de la part du monde à cause
de son nom (15,21). Dans ce contexte, Jésus enverra le Paraclet pour qu’il témoigne en sa faveur devant les disciples. La parole de Jésus en 16,1 :
« Je vous ai dit ces choses pour vous éviter le scandale » est liée à ce qui précède (15,26-27). Grâce au témoignage du Paraclet, les
disciples peuvent témoigner et éviter le scandale. Le témoignage du Paraclet
est avant tout destiné aux disciples. Il ne témoigne pas devant le monde
hostile puisque ce dernier ne perçoit pas le Paraclet, ni le reconnaît (14,17a).
Il y a trois particularités dans
le troisième dit : (a) Jésus lui-même envoie le Paraclet, (b) l’Esprit de
vérité vient d’auprès du Père et (c) le Paraclet témoigne au sujet de Jésus
devant les disciples.
Le quatrième (16,7-11) et le cinquième dit du Paraclet (16,12-15) se suivent.
Nous présentons le contexte de ces deux dits avant d’analyser le quatrième dit.
À la fin du cinquième dit (16,7-15), il y a un changement de thème. Le v. 16,15
conclut l’activité du
Paraclet et le v. 16,16 s’ouvre sur un autre sujet. Jésus dit à
ses disciples : « Encore un peu, et vous ne me
verrez plus, et puis un peu encore, et vous me verrez » (16,16). L’envoi
du Paraclet et ses activités en 16,7-15 se placent dans le contexte de crise interne et externe des disciples. La vie interne de la
communauté des disciples présentée en 15,1-17 est en parallèle avec le cinquième
dit du Paraclet (16,12-15). La crise externe de la communauté devant la haine
et la persécution du monde en 15,18–16,4a est en parallèle avec le quatrième
dit (16,7-11). Cf. la structure de 15,1–16,15 et celle de 16,4b-33 dans l’article : « Le contexte et la structure de
Jn 13–16. »
Le quatrième dit (16,7-11) contient deux idées : (a) 16,7 :
la condition de la venue du Paraclet, (b) 16,8-11 :
établir la culpabilité du monde. Jésus dit aux disciples en 16,7-11 :
[7a] Cependant moi, je vous dis la
vérité :
[7b] c’est votre intérêt que moi, je parte ;
[7c] car si je ne pars pas, le Paraclet ne
viendra pas vers vous ;
mais si je pars, je vous l’enverrai.
[8a] Et celui-là, une fois venu, il établira la
culpabilité du monde
[8b] en matière de
péché, en matière de
justice
et en matière de
jugement
[9] en matière de
péché : ils ne croient pas en moi ;
[10a] en matière de
justice : je vais vers le Père
[10b] et que vous ne me voyez plus ;
[11] en matière de
jugement : le Prince de ce monde est jugé.
16,7-11 en
grec :
[7a] alla’ egô tèn alètheian legô humin
[7b] sumpherei
humin hina egô apelthô.
[7c] ean gar
mè apelthô, ho paraklètos ouk eleusetai pros humas.
ean de poreuthô,
pempsô auton pros humas.
[8a] kai elthôn ekeinos elegxei ton kosmon
[8b] peri hamartias kai peri dikaiosunès
kai peri
kriseôs.
[9] peri hamartias men, hoti ou pisteuosin eis
eme.
[10a] peri dikaiosunès de, hoti pros ton patera
hupagô
[10b] kai
ouketi theôreite me.
[11] peri de kriseôs, hoti ho archôn tou kosmou
toutou kekritai.
La conjonction grecque « alla »
(16,7a) rendue en français par « cependant » en renvoie à 16,6 : « Mais
parce que je vous ai dit cela, la tristesse remplit vos cœurs », dit Jésus
aux disciples. Devant la
tristesse à cause du départ de Jésus (16,5), ce dernier annonce solennellement la quatrième
sentence sur le Paraclet : « Cependant moi,
je vous dis la
vérité :… » (16,7a). L’activité du Paraclet d’« établir la
culpabilité du monde » (16,8a) doit être interprétée dans le contexte du
procès entre Jésus et le monde hostile. L’identité de ce monde est présentée
dans les ch. 14–17. C’est le monde qui persécute Jésus et ses disciples (cf. 15,18–16,4a).
Les trois thèmes : péché, justice et jugement (16,8b) sont expliqués point
par point dans les v. 16,9.10.11. La conjonction de subordination grecque
« hoti » en 16,9.10.11 a le
sens explicatif et
non causal (parce que). Nous traduisons ce terme par deux points, par
exemple : « En matière de péché : ils ne
croient pas en moi » (16,9). Cf. cette traduction dans X. Léon-Dufour, Lecture, t. III, p. 226 ; TOB, 1 12e éd.).
Jésus continue
à révéler aux disciples en 16,12-15 :
[12a] J’ai encore beaucoup à vous dire,
[12b]
mais vous ne pouvez pas le porter à présent.
[13a]
Mais quand il viendra celui-là, l’Esprit de vérité,
[13b]
il vous guidera dans la vérité tout entière,
[13c] car il ne parlera pas de lui-même,
mais ce qu’il entendra, il le parlera
[13d]
et les choses à venir, il vous annoncera.
[14a]
Celui-là me glorifiera,
[14b]
car c’est de mon bien qu’il recevra et il vous l’annoncera.
[15a]
Tout ce qu’a le Père est à moi.
[15b]
Voilà pourquoi j’ai dit que
c’est de mon bien qu’il reçoit et qu’il vous l’annoncera.
16,12-15 en
grec :
[12a] Eti polla echô humin legein,
[12b] all’ ou dunasthe bastazein arti.
[13a] hotan de elthèi ekeinos, to
pneuma tès alètheias,
[13b] hodègèsei humas en tèi alètheiai
pasèi.
[13c] ou gar lalèsei aph’ heautou,
alla’
hosa akousei lalèsei
[13d] kai ta erchomena anaggelei humin.
[14a] ekeinos eme doxasei,
[14b] hoti ek tou emou lèmpsetai kai anaggelei
humin.
[15a] panta
hosa echei ho patèr ema estin.
[15b] dia touto eipon hoti
ek tou
emoi lambanei kai anaggelei humin.
Le cinquième dit (16,12-15) se structure en
trois thèmes :
(a) l’introduction (v.12), (b) le Paraclet et les disciples (v.13), (c) le
Paraclet et Jésus (v.14-15). La situation des disciples (v.12)
et la venue du Paraclet (v.13a) font
référence à deux moments distincts
: le présent où Jésus
parle, et l’avenir où sera envoyé le Paraclet. Ces deux temps se succèdent. Le fait que les disciples ne peuvent pas porter à présent les paroles de Jésus renvoie à leur tristesse (16,6). Dans cette situation, Jésus
révèle le rôle du Paraclet après son départ avec quatre verbes : « hodègeô » (guider) », « akouô » (entendre), « laleô » (parler) et « anaggellô »
(annoncer) » (16,13).
En 16,14, le Paraclet glorifiera Jésus et il recevra ce qui est à Jésus
pour l’annoncer aux disciples. Le rôle du Paraclet auprès des disciples est
donc inséparable de celui de Jésus. Les v. 16,14b-15 sont construits en chiasme : A. 16,14b,
B. 16,15a, A’. 16,15b. En 16,15b (A’), Jésus reprend ce qu’il a dit en
16,14b (A). Le verbe
« recevoir » (lambanô) en
16,14a est au futur de l’indicatif : « lèmpsetai » (il
recevra), puis en
16,15b ce verbe est au présent : « lambanei » (il
reçoit). Jésus
déclare ainsi sans ambiguïté que la source de la mission du Paraclet vient de
lui. Le centre (B. 16,15a) du chiasme signale que le fondement de la révélation
est dans le Père : « Tout
ce qu’a le Père est à moi » (16,15a), dit Jésus. L’unicité d’action se manifeste, d’une part, entre
Jésus et le Père et, d’autre part, entre Jésus et le Paraclet. Notons que les quatre personnages sont présents en 16,14-15 : le Père, Jésus
(« moi, je »), le Paraclet (« il »), les disciples
(« vous ») exprimant trois relations : « le Paraclet – Jésus »
et « le Paraclet – les disciples » et « Jésus – le Père ».
Concernant
la vue d’ensemble les cinq dits du Paraclet, nous présentons d’abord la
structure des cinq dits, ensuite les points communs et enfin la particularité
de chaque dit.
Le
premier dit joue le rôle d’introduction pour les quatre autres qui se
structurent en chiasme (A, B, B’, A’) :
Le
premier dit (14,15-17) joue le rôle d’introduction en présentant les acteurs
(Jésus, le Père, le Paraclet, les disciples, le monde). Le thème de la demeure
indique le lieu où le Paraclet exerce sa fonction : chez les disciples.
L’activité du Paraclet s’exerce sur les disciples dans le deuxième (A.
14,25-26) et cinquième dit (A’. 16,12-15) et concerne le monde dans le
troisième (B’. 15,26-27) et quatrième dit (B’. 16,7-11). Le témoignage du
Paraclet (15,26-27) doit être compris dans le contexte du conflit avec le monde
hostile (cf. 15,18–16,4a). Dans l’ensemble, le Paraclet exerce sa fonction
auprès des disciples, il n’entre pas en relation avec le monde parce que ce
dernier ne le voit pas ni le reconnaît (14,17).
Les dits du
Paraclet ont des points communs, en même temps chacun d’eux a sa particularité. Pour
les points communs, le terme « paraklètos »
(Paraclet) est mentionné dans les cinq dits,
à deux nuances près : (a) il s’agit d’« autre Paraclet » dans le premier dit ; (b)
le pronom « ekeinos »
(celui-là) en 16,13a.14a dans le cinquième dit renvoie au Paraclet en 16,7. Le
terme « to pneuma » (l’Esprit)
existant dans quatre dits (sauf le quatrième) se rapporte aux appellations :
l’Esprit de vérité (14,17 ; 15,26 ; 16,13) et l’Esprit Saint (14,26).
La contribution
de chaque dit concerne les activités du Paraclet. Il demeurera à jamais auprès des disciples (1er dit),
enseignera et rappellera tout ce que Jésus a dit (2e dit), témoignera
en faveur de Jésus devant les disciples et dans leur cœur (3e dit), établira
la culpabilité du monde (4e dit), guidera les disciples dans la
vérité toute entière, leur annoncera les choses à venir et glorifiera Jésus (5e dit). Ses activités
sont donc inséparables de la révélation de Jésus.
II. L’envoi et la venue
du Paraclet
Les thèmes de l’envoi et de la venue du Paraclet sont ainsi présentés dans les cinq dits : Jésus priera le Père, le Père donnera un autre Paraclet (14,16, 1er dit) ; le Père enverra le Paraclet au nom de Jésus (14,26a, 2è dit) ; Jésus enverra le Paraclet d’auprès du Père et il viendra (15,26, 3è dit) ; Jésus enverra le Paraclet, celui-là viendra (16,7c.8a, 4è dit) ; celui-là viendra (16,13a, 5è dit). Ces sujets sont traités en trois points : (1) les deux conditions de la venue du Paraclet, (2) son envoi et (3) sa venue.
1. Les deux conditions de la
venue du Paraclet
Les deux conditions de la venue du Paraclet
concernent à la fois les disciples et Jésus. Pour les
disciples, s’ils aiment Jésus et gardent ses commandements
(cf. 14,15), Jésus priera le Père pour qu’il donne le Paraclet (cf. 14,16). L’opposition entre le monde et les disciples (14,17) souligne cette
condition. Le monde n’aime pas Jésus, il ne garde pas ses commandements, il ne
peut donc pas recevoir l’Esprit de vérité. Cette première condition, qui est un leitmotiv de l’unité littéraire 14,15-24 (cf. 14,15.21.23), est
indispensable pour l’inhabitation du Paraclet (14,16-17), de Jésus (14,20) et du
Père (14,23).
Pour Jésus, il faut qu’il retourne vers le
Père comme il le dit aux disciples en 16,7bc :
« C’est votre intérêt que moi, je parte ; car
si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je
vous l’enverrai. » Ce départ présage sa mort sur la
croix. Pourquoi Jésus parle de sa mort en utilisant l’expression « aller
vers celui qui l’a envoyé » (16,5a) et pourquoi son départ est-il un
avantage pour les disciples (16,7a) ? L’expression « aller vers le
Père » (14,12c) est une affirmation
théologique de la mort. Du point de vue historique, Jésus
est condamné à mort par ses adversaires. Cette mort place les disciples dans une situation de
trouble et de tristesse. Cependant du point de vue de la
révélation, par sa mort sur la croix, Jésus va vers le Père, il est exalté et
glorifié. Cette lecture théologique permet de comprendre que le départ de Jésus
est un gain pour les disciples. Il a vaincu le monde, il est avec le
Père et il enverra le Paraclet (15,26b). X. Léon-Dufour, Lecture, t. III, p. 223-224,
remarque : « Si le départ de Jésus est nécessaire, ce n’est pas pour
quelque efficacité rédemptrice ni dans une perspective sacrificielle. Ici
[16,7], c’est en vue du don du Paraclet, conformément à l’annonce de 7,37-39
sur l’Esprit que recevront les croyants lorsque Jésus aura été glorifié. »
2. L’envoi du Paraclet
L’envoi du Paraclet est exprimé par le verbe
« didômi » (donner) dans le premier dit et « pempô » (envoyer) dans les deuxième,
troisième et quatrième dits. Dans le premier dit, Jésus priera le Père et ce
dernier donnera (dôsei) un autre
Paraclet (14,16ab). Le verbe « didômi »
ici renvoie à la fois au v. 3,16a : « Dieu
a tant aimé le monde qu’il a donné (edôken)
son Fils, l’Unique-Engendré », et au v. 17,24a :
« Père, ceux que tu m’as donnés (ho dedôkas), je veux que là où je suis, eux aussi soient avec
moi », dit Jésus à son Père. Ces trois occurrences de « didômi » en 3,16 ; 14,16 ; 17,24 (soixante-seize fois dans l’Évangile) parlent du don du Père : il a donné son Fils
au monde (3,16a) ; les disciples sont le don du Père à Jésus (17,24a) et le
Père donnera le Paraclet (14,16b). Le verbe « didômi » est à l’aoriste en 3,16a : « edôken » et au futur en 14,16b :
« dôsei ». Ainsi, un premier don a été fait dans le passé, un autre don le sera dans
l’avenir. Jésus et le Paraclet sont donnés et envoyés par le Père mais en deux
étapes successives. Le Père est donc l’acteur principal de la théologie
johannique.
Le verbe « pempô » (envoyer)
est employé dans le deuxième dit : le Père enverra (pempsei) le
Paraclet au nom de Jésus (cf. 14,16a). Dans le troisième et le quatrième dit,
le sujet du verbe « pempô »
change. C’est Jésus qui envoie le
Paraclet (cf. 15,26b ; 16,7c). Pourquoi ce changement ? Notons que
les ch. 15–16 contiennent des indices de la relecture des ch. 13–14. Le Jésus qui
s’adresse aux disciples en Jn 15–16 avant Pâques est aussi
le Jésus glorifié s’adressant
à la communauté après Pâques. Dans cette perspective, Jésus enverra le Paraclet
quand il sera auprès du Père (15,26b). L’envoi du Paraclet par
Jésus (15,26b ; 16,7c) et aussi par
le Père (14,26a) n’est
pas contradictoire. Au contraire, ce double sujet de
l’envoi exprime la théologie de l’Évangile. Si le Père et Jésus sont Un
(10,30 ; 17,22), le Père a donné au Fils le pouvoir sur toute chair (17,2)
et tout ce qu’a le
Père est à Jésus (16,15) ; l’envoi du
Paraclet par le Père et par Jésus manifeste leur communion et l’unicité de leur action.
3. La venue du Paraclet
La venue du Paraclet est présentée par les verbes de mouvement :
« erchomai » (venir) et « ekporeuomai » (venir de). Dans les
cinq dits, le verbe « erchomai » se trouve deux fois au subjonctif de l’aoriste
grec « elthèi »
(15,26a ; 16,13a) rendu en français par un futur
« il viendra » et une fois au participe de l’aoriste
« elthôn » (16,8a). Le
verbe « ekporeuomai »,
une fois en 15,26c, est au présent de l’indicatif « ekporeuetai ».
Pour exprimer la destination et la provenance, l’Évangile emploie deux couples de
verbes : (1) « erchomai »
(venir), 157 fois, et « ex-erchomai » (sortir de), 30
fois ; (2) « poreuomai » (aller), 16 fois, et
« ek-poreuomai »
(sortir, venir de), 2 fois. Jésus emploie le verbe « poreuomai » (aller) pour parler de son départ vers le Père :
« Je vais (poreuomai) au
Père ». Cette phrase souvent répétée comme un leitmotiv se trouve dans les
ch. 14–16 (cf. 14,12.28 ; 16,28, cf. 14,2.3 ; 16,7). Jésus utilise
aussi le verbe « hupagô »
(aller), 32 fois, quand il dit aux disciples en 13,33c : « Où je vais (hupagô), vous ne
pouvez venir (elthein). »
Avec le préfix
« ek », le verbe « ekporeuomai » (15,26b) montre que le
sens du mouvement de l’Esprit de vérité est inversé par
rapport à celui de Jésus :
« aller (poreuomai) vers le Père ».
Le verbe « ekporeuomai » décrit
la provenance, l’origine, le point du départ de l’Esprit de vérité. L’expression « d’auprès
du Père » (para
tou patros), deux fois en 15,26bc, désigne l’envoi et la provenance du Paraclet. Le verbe « pempsô »
(envoyer) en 15,26b précède le verbe « ekporeuetai »
(venir de) en 15,26c. D’auprès du Père, Jésus enverra le Paraclet, et d’auprès
du Père, l’Esprit de vérité viendra. Le verbe « ekporeuomai » désigne donc la provenance de l’Esprit (d’auprès
du Père) et le verbe « erchomai »
désigne sa destination (auprès des disciples).
Comme le
Paraclet, l’origine de Jésus est d’auprès du Père, mais Jésus emploie le verbe
« exerchomai » (cf. 13,3 ;
8,42 ; 16,27.28.30 ; 17,8). Il dit aux disciples en 16,28 :
« Je suis sorti (exèlthon)
d’auprès du Père et venu (elèlutha)
dans le monde. À présent je quitte le monde et je vais (poreuomai) vers le Père. » Il existe donc un
parallèle entre « exerchomai » (sortir de) et « ekporeuomai »
(venir de). Jésus et l’Esprit de vérité ont la même origine.
Pourquoi le verbe
« ekporeuomai » en 15,26c est-il
au présent de l’indicatif « ekporeuetai »
tandis que les verbes qui l’entourent sont au futur : « enverrai » (v.26b), « témoignera » (v.26d) ? Dans la construction de 15,26, les verbes au futur (v.26bd) annoncent
la venue du Paraclet dans l’avenir. Tandis que le présent du verbe « ekporeuomai »
est une précision de la phrase qui précède : « je vous enverrai [le Paraclet] d’auprès du Père » (v.26b). Ce temps du présent en 15,26c exprime donc une réalité intemporelle.
Notons que le
verbe « ekporeuomai » en
15,26c est l’objet d’un débat sur le statut de l’Esprit. Ce verbe désigne-t-il sa venue d’auprès du Père
ou la procession de l’Esprit Saint ? La TOB, 12e, rend ce verbe par
« procéder » : « l’Esprit de vérité
qui procède du Père » (15,16c). Certains auteurs interprètent ce verbe dans le sens d’une
procession éternelle, (cf. I. de La Potterie, La vérité,
t. I, p. 388). Nous ne nous engageons pas dans ce débat trinitaire au 4e
siècle. Selon le
contexte de 15,26, ce verbe décrit la provenance de l’Esprit.
Nous examinons les quatre appellations
dans les cinq dits : (1) autre Paraclet (une fois : 14,16b), (2) le Paraclet (trois
fois : 14,26a ; 15,26a ; 16,7c), (3) l’Esprit de vérité (trois
fois : 14,17a ; 15,26c ; 16,13a) et (4) l’Esprit Saint (une
fois : 14,26a).
L’appellation « autre
Paraclet » (14,16b) fait à la fois référence au « Paraclet-Jésus » dans l’Évangile et
s’identifie au « Paraclet-Esprit » dans d’autres
dits.
À première vue « autre
Paraclet » en 14,16 renvoie au rôle de Jésus en 1Jn 2,1 comme l’auteur
de l’épître écrit : « Petits enfants, je vous
écris ceci pour que vous ne péchiez pas. Mais si quelqu’un vient à pécher, nous
avons comme avocat (paraklèton)
auprès du Père Jésus Christ, le Juste. » Littéralement : « Nous avons un Paraclet
auprès du Père, Jésus Christ, le Juste » (1Jn 2,1c). Ici « paraklètos » désigne la fonction de Jésus Christ auprès du
Père.
Ce rapprochement
entre Jn 14,16 et 1Jn 2,1 est discutable en raison de deux différences : (1)
dans l’Évangile, Jésus n’est pas encore auprès du Père et la fonction de
l’autre Paraclet est auprès des disciples et non pas auprès du Père dans le
ciel. (2) Le rôle du Paraclet Jésus Christ en 1Jn 2,1 concerne le péché des
croyants, tandis que l’Évangile ne parle pas du péché des croyants
mais du péché des gens qui ne croient pas en Jésus (cf. Jn 8,24). Le sens du
terme « péché » est alors différent entre l’Évangile et la première
épître. La mission du Paraclet dans l’Évangile vise à renforcer la foi et non à
intercéder pour les pécheurs. En raison de ces différences, le parallèle
entre autre
Paraclet (Jn 14,16) et Paraclet Jésus Christ (1Jn 2,1) est lointain. Pour nous, la dénomination « autre
Paraclet » fait implicitement allusion à « Jésus-Paraclet » dans
l’Évangile puisque le Paraclet-Esprit a plusieurs points communs avec Jésus :
demeurer auprès des disciples, enseigner, glorifier, etc. Cette interprétation confirme la continuité et l’unicité de la révélation de Jésus
dans les activités du Paraclet.
Ensuite, il y a
une identification entre « autre Paraclet » et « le
Paraclet ». Dans le premier dit, l’autre Paraclet est l’Esprit de
vérité (14,17a). Dans le troisième dit, le Paraclet (15,26a) est aussi l’Esprit
de vérité (15,26c). Il en est de même dans le cinquième dit : en 16,13, l’Esprit
de vérité est mis en apposition à « ekeinos »
(celui-là). Ce pronom masculin renvoie au Paraclet en 16,7c.
L’appellation « le Paraclet » est traitée en trois points : (1)
les termes relatifs au Paraclet, (2) le sens de « paraklètos » dans la
littérature grecque et dans l’Évangile, (3) le pronom « ekeinos » (celui-là) désignant le
Paraclet.
(1) Le terme
« paraklètos » (paraclet) se
trouve quatre fois dans l’Évangile (14,16.26 ; 15,26 ; 16,7) et une
fois dans la première épître de Jean (1Jn 2,1). En dehors de ces occurrences,
ce terme est absent dans les autres
textes de la Bible. L’Évangile et trois épîtres de Jean n’emploient pas le
verbe « parakaleô » (consoler, réconforter, etc.) et le substantif « paraklèsis »
(exhortation). Le verbe « parakaleô »
a plusieurs sens : « consoler » (Mt 2,18 ; Ac 20,12,
etc.), « encourager » (Ac 11,23 ; 2Co 2,7),
« supplier » (Mt 8,5 ; Mc 1,40), « exhorter » (Lc
3,18 ; Ac 2,40), « faire appel à » (Mt 26,53). Le substantif « paraklèsis »
a le sens d’exhortation
(1Co 14,3).
(2) Le mot
« paraklètos » est dérivé du verbe « para-kateô » signifiant « appeler auprès de », « au côté de ».
Dans la littérature grecque, le paraclet désigne un avocat, un
défenseur. Philon d’Alexandrie, In Flaccum, 22, écrit : « Rien de favorable à attendre pour
toi de celui qui est au pouvoir. Il nous faut donc trouver un défenseur (paraklèton) tout-puissant pour te rendre
Caius [l’empereur Caligula] propice. » (Texte grec traduit par A.
Pelletier). M. Gourgues, En Esprit, p. 284, définit : « Le Paraclet désigne donc quelqu’un qui, par ses
conseils, sa présence, son témoignage, se porte à la défense de quelqu’un
d’autre dans le besoin ; quelqu’un qui, littéralement, se tient auprès d’un autre pour l’assister. »
En général le paraclet intervient dans le cadre d’un procès.
I. de La Poterie, La vérité, t. I, p. 332, remarque : « Aussi
bien dans les textes classiques et hellénistiques que dans les écrits rabbiniques, le terme
[paraclet] nous met toujours dans un contexte plus ou moins juridique : “un
paraclet” est celui qui vient en aide à quelqu’un, d’ordinaire un inculpé, en
se présentant comme son avocat, comme son défenseur ou son intercesseur. »
Dans l’Évangile de Jean, l’arrière-fond juridique existe dans le fait que le
Paraclet témoignera en faveur de Jésus (15,26d) et établira la culpabilité du
monde (16,8a). Cependant le Paraclet johannique n’entre
pas en relation directe avec les accusateurs, puisque le monde ne le connaît ni ne le voit
(14,17a). Le Paraclet exerce sa fonction seulement auprès des disciples. Il
révèle aux disciples (et non au monde) que le monde est péché (16,9) et que le Prince
de ce monde est jugé (16,11). Le rôle du Paraclet johannique est différent de
celui d’un avocat, d’un défenseur. R.E. Brown, « The
Paraclete », p. 118, écrit : « L'usage chrétien a donné une connotation
particulière et un statut à paraklètos
– une connotation pas entièrement indépendante avec des concepts hébraïques et
avec le sens du grec profane du terme, mais une connotation qui est tout de
même unique. » Le Paraclet johannique a des caractéristiques propres. Certains auteurs ont proposé de traduire le terme « ho paraklètos » dans l’Évangile par
« le Consolateur » (Louis
Segond, 1910) ; « le défenseur » (M. Girard, Évangile, vol. 2, 2017). Cependant, aucune de ces traductions ne peut exprimer toutes les fonctions du Paraclet johannique. Nous utilisons
la transcription « le
Paraclet » comme l’ont fait plusieurs traducteurs : OSTY, 1973 ; É. Delebecque, Évangile
de Jean, 1987 ; Jeanne d’Arc, Évangile selon Jean, 1990 ; Y. Simoens, Selon Jean, 1, 1997 ; BiJér,
2000 ; TOB, 12e éd.,
2011, etc.
(3) Quant à l’auteur des actes, on se
demande si le Paraclet ou l’Esprit exerce-t-il les fonctions dans les
dits ? M. Gourgues, En Esprit, p. 255-256, interprète : « Les
deux dernières attestations [16,7-11 ; 16,12-15], en distinguant les rôles
exercés par l’Esprit en tant que Paraclet et en tant qu’Esprit de vérité,
viennent préciser les attestations antérieures. Elle fait comprendre que les
rôles décrits s’y rapportaient respectivement à l’Esprit en tant qu’Esprit de
vérité [14,26] et en tant que Paraclet [15,26]. » L’auteur attribue les
fonctions dans les dits à l’Esprit « en tant que Paraclet » ou
« en tant qu’Esprit de vérité ». Quant à J. Calloud et F. Genuyt, Le discours, p. 79, l’Esprit de
vérité est le sujet d’action en 16,13-15 : « La dénonciation par le “Paraclet”,
de caractère négatif [16,8-11], sera suivie par une attestation positive par
l’Esprit de vérité [16,13-15]. »
Nous sommes en désaccord avec ces
interprétations en raison de l’usage du pronom masculin « ekeinos » (celui-là) désignant le Paraclet. En effet, dans les cinq dits,
les pronoms neutres grecs : « ho » (rendu par « que », « qui »)
en 14,17a.26a ; 15,26c) et « auto »
(le) en 14,17a.17b renvoient à l’Esprit de vérité puisque « to pneuma » (l’esprit) est neutre.
Tandis que les pronoms masculins désignant « le Paraclet » sont
« ekeinos » (celui-là) en 14,26b ; 15,26d ; 16,8a.13a.14a ; « auton » (le) en 16,7c ; « heautou »
(lui-même) en 16,13c. En 14,26, « ekeinos »
(celui-là) est le sujet
des verbes « enseigner » et « rappeler ». En 15,26, « ekeinos » est le sujet du verbe « témoigner ». Dans
le cinquième dit (16,12-15), l’appellation « le Paraclet » ne figure
pas, mais deux occurrences du pronom « ekeinos » (celui-là) en 16,13a.14a renvoient au Paraclet en 16,7c.
Ainsi « ekeinos »,
désignant le Paraclet, est le sujet des verbes : « guider », « écouter »,
« parler », « recevoir » et « annoncer » en
16,13-15. « L’Esprit Saint » en 14,26a joue le rôle d’apposition au
nom « Paraclet ». « L’Esprit de vérité » en 16,13a est l’apposition
du pronom « celui-là » (ekeinos). En tant que sujet
des verbes d’actions, le Paraclet est personnalisé comme S.S.
Smalley, “Pneumatology”, p. 293, le remarque : « L’Esprit-Paraclet… dans
l’Évangile de Jean est compris, en effet, comme personnel, comme une personne. »
Le Paraclet exerce trois fonctions
auprès des disciples : accompagnateur
(être avec et guider), didactique (enseigner, rappeler, annoncer) et juridique
(témoigner, établir la culpabilité du monde).
L’appellation « l’Esprit de
vérité » est employée
dans les textes du Qumrân et la première épître de Jean. Nous étudions ces
documents dans une autre étude. Ici,
notre analyse, qui vise à éclairer le titre « l’Esprit de vérité »
dans l’Évangile, se fait en trois points : (1) les termes relatifs à la
vérité et l’emploi du génitif « tès alètheias » (de vérité), (2) les quatre aspects de la
vérité selon la théologie johannique, (3) la place de l’Esprit de vérité dans
les dits du Paraclet.
(1) L’Évangile emploie quatre termes
relatifs à la vérité : le substantif « hè alètheia » (la vérité, 25 fois), l’adjectif
« alèthès » (vrai, réel, 14 fois) ;
l’adjectif « alèthinos » (véridique, véritable,
9 fois) et l’adverbe « alèthôs »
(vraiment, véritablement, 7 fois).
Il y a cinq occurrences du génitif « tès alètheias » (de vérité) dont
trois dans le titre « l’Esprit de vérité » (14,17 ; 15,26 ;
16,13), une dans l’expression « plein de grâce et de
vérité » (1,14c) et une dans celle d’« être de la vérité »
(18,37). Ces emplois du génitif renvoient à trois
relations avec la vérité : (a) Jésus est plein de
grâce et de vérité (1,14c) ; (b) le
Paraclet est l’Esprit de vérité ; (c) les croyants sont de la vérité (18,37).
(2) La vérité dans l’Évangile contient quatre aspects :
(2a) elle s’oppose au mensonge, (2b)
désigne l’appartenance, (2c) renvoie à la révélation de Jésus, et (2d) est identifié
à Jésus.
(2a) Le premier aspect est la vérité qui s’oppose
au mensonge. Jésus dit aux Juifs en 8,44 : « Vous
êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez
accomplir. Il était homicide dès le commencement et n’était pas établi dans la
vérité (en tèi alètheiai),
parce qu’il n’y a pas de vérité (alètheia)
en lui : quand il profère le mensonge (to
pseudos), il parle de son propre fonds, parce qu’il est menteur (pseustès) et père du mensonge. » Les
caractéristiques du diable sont le mensonge et ne pas avoir la vérité en lui.
Tandis que Jésus dit la vérité : « Mais parce
que je dis la vérité (tèn alètheian),
vous ne me croyez pas » (8,45), dit-il aux Juifs. L’opposition
entre la vérité et le mensonge conduit à l’antagonisme de l’appartenance.
(2b) Le deuxième aspect de la vérité est
l’appartenance. Il existe un parallèle entre « être de Dieu » (8,47)
et être « de la vérité » (18,37). L’écoute de la parole de Jésus
n’est possible que si on est de Dieu. Jésus le dit aux Juifs en
8,47 : « Qui est de Dieu (ek tou theou) entend les paroles de Dieu ; si vous n’entendez
pas, c’est que vous n’êtes pas de Dieu (ek
tou theou). » En 18,37d, Jésus
dit à Pilate : « Quiconque est de la vérité
(ek tès alètheias) écoute ma voix. » Ainsi
« être du diable (ek tou diabolou) »
(8,44a) s’oppose à « être de Dieu »,
à « être de la vérité ». Les Juifs sont du diable (8,44a) puisqu’ils
cherchent à faire mourir Jésus (8,37.40). De ce fait, ils ne sont pas de la
vérité. L’appartenance se manifeste dans l’agir : « faire la
vérité » (3,21a) ou « commettre le mal » (3,20a). « Être
de la vérité » est donc la condition pour accueillir la révélation de
Jésus.
(2c) Pour le troisième aspect, la vérité désigne
le contenu de la révélation de Jésus. D’une part, la parole du Père est la
vérité. Jésus lui dit en 17,17 : « Sanctifie-les
[les disciples] dans la vérité (en tèi
alètheiai) : ta parole est vérité (alètheia). » D’autre
part, Jésus ne dit rien de lui-même comme il le déclare en 12,49 :
« Car ce n’est pas de moi-même que j’ai parlé (elalèsa), mais le Père qui m’a envoyé m’a
lui-même commandé que dire (eipô) et de
quoi parler (lalèsô). » En 14,24b, Jésus dit aux disciples : « La parole que vous entendez n’est pas de moi, mais du Père qui m’a
envoyé. » Il est
descendu du ciel pour faire, non pas sa propre volonté mais la volonté de celui
qui l’a envoyé (cf. 6,38). Ainsi ce que Jésus a dit et
parlé est la parole du Père
laquelle est vérité.
Le lien entre la vérité et la révélation
est affirmé dans l’expression « la grâce et la vérité » en 1,14.17. Ces
deux versets décrivent deux aspects de la révélation : Jésus est « plein
de grâce et de vérité » (1,14d) et « la grâce et la vérité advinrent par l’entremise de Jésus Christ » (1,17b).
M. Gourgues, En
Esprit, p. 276, interprète : « “La
vérité” chez Jean, cela ne désigne rien d’autre que la révélation, ou, selon les mots mêmes de l’évangile, la parole
de Dieu transmise par Jésus. » Dans cette perspective, Jésus fait
connaître le Père (1,18b) tout au long de l’Évangile. Le
fait que la
parole du Père est la vérité et que Jésus transmet la grâce et la vérité aux
hommes, de ce fait la révélation de Jésus en acte et en parole est la vérité.
(2d) Le quatrième aspect est l’identification entre Jésus et la
vérité. Quand Thomas demande à Jésus en 14,5 : « Seigneur,
nous ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin ? » Jésus
lui répond en 14,6-7 : « 6 Moi, je suis le chemin, la
vérité (hè alètheia) et la vie. Nul ne vient au Père sinon par moi. 7 Si vous me connaissez, vous
connaîtrez aussi mon Père ; dès à présent vous le connaissez et vous
l’avez vu. » Thomas voudrait
savoir la destination de Jésus pour connaître le chemin. La réponse
concerne le chemin et la connaissance. Le chemin qui mène vers le Père est
Jésus lui-même. De ce fait, connaître le chemin équivaut à
connaître Jésus
et connaître le Père. Pour révéler son identité, Jésus s’identifie à plusieurs
choses : il est le pain de vie (6,35), la lumière (8,12 ; 9,5), la
porte (10,7.9), le bon berger (10,10), etc. En 14,6, Jésus est la vérité
puisque que le terme « ho logos »
désigne à la fois Jésus, « le Verbe » (1,1) et « la
parole » du Père laquelle est la vérité (17,17b). I. de La Potterie, La vérité, t. I, p. 462, remarque :
« La “vérité” révélée par Jésus a une tendance manifeste à se confondre
avec sa propre personne : la révélation qu’il apporte est essentiellement
la manifestation de ce qu’il est lui-même ; et par là, elle est la révélation
du Père. »
La vérité en 14,6 doit être lue avec 8,31b-32 où Jésus
dit aux Juifs : « 31b Si
vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples 32 et vous
connaîtrez la vérité (tèn alètheian)
et la vérité (hè alètheia) vous
libérera. » La vérité dans ce verset renvoie à la fois à la parole de
Jésus et à lui-même. En effet, demeurer dans sa parole permet de connaître
la vérité et d’être libéré par la vérité. Dans l’Évangile, ce
en quoi il faut demeurer, c’est la parole de Jésus (8,31b), son amour (15,9-10)
et lui-même (15,4). Dans cette perspective, la vérité en 8,32 désigne Jésus puisqu’elle
est l’objet du verbe « connaître » (cf. 14,7) et le sujet du verbe « libérer ».
En 8,36, le Fils est le sujet de ce verbe quand
il dit aux Juifs : « Si donc le Fils vous libère, vous serez réellement libres. » Par
l’intermédiaire du verbe « libérer », la vérité est
identifiée au Fils. De la sorte,
« connaître la vérité » veut dire « connaître Jésus ». Être
libéré par la vérité signifie être libéré par Jésus.
(3) Les quatre aspects de la
vérité ci-dessus sont liés à l’Esprit de vérité. (a) Dans
l’opposition « vérité – mensonge », le Paraclet-Esprit de vérité guidera les
disciples dans la vérité toute entière (16,13). Ils sont donc épargnés du
mensonge du diable (8,44). (b) Le Paraclet-Esprit appartient à la
vérité et vient d’auprès du Père (15,26c). (c) La mission du Paraclet-Esprit se
réfère en permanence à la révélation de
Jésus (14,26 ; 16,14-15) laquelle est la vérité. (d) Si Jésus s’identifie
à la vérité (14,6), le Paraclet est l’Esprit de vérité (14,26a ; 15,26).
Il communique aux disciples la vérité absolue qu’est Jésus lui-même. De
ce fait, la vérité attribuée à Jésus et au Paraclet-Esprit exprime à la fois l’unique révélation de
Dieu et la relation entre le Père, Jésus, le Paraclet et les disciples. La
vérité fait donc le lien entre la théologie (le dessein de Dieu), la
christologie (le mystère de Jésus), la pneumatologie (le rôle du
Paraclet-Esprit) et l’ecclésiologie (la vie de la communauté des disciples). Dans
cette perspective, une lecture moralisante ou gnostique de dénomination
« l’Esprit de vérité » ne correspond pas à la théologie johannique
comme R. Schnackenburg, The
Gospel, vol. III, p. 135, le remarque : « Elle
[la vérité en 16,13a] ne peut pas être limitée à l'action morale, ni ne peut
être expliquée dans le sens gnostique. Il s'agit d'une pénétration plus
profonde dans le contenu de la révélation et en même temps d’une application de
cette révélation au comportement de la communauté dans le monde. »
Le rôle de l’Esprit de vérité se résume en trois points : (a) l’Esprit
de vérité est identifié à l’autre Paraclet (14,16-17), au Paraclet et à l’Esprit Saint (14,26a).
(b) L’Esprit de vérité est le sujet et l’objet des verbes en 14,17 (le monde
est incapable de le recevoir, tandis que les disciples le connaissent et
il demeure auprès d’eux)
et en 15,26c (il vient
d’auprès du Père). (c) La
nomination « l’Esprit de vérité » ne figure pas dans le
deuxième (14,25-26) et quatrième dit (16,7-11).
L’appellation « l’Esprit Saint »
apparaît dans une seule occurrence (14,26) des
cinq dits. Nous le traitons en trois points : (1) le titre
« l’Esprit Saint » dans l’Évangile, (2) les sens du terme « pneuma », (3) le Paraclet en lien
avec l’Esprit Saint.
(1) Il y a
trois occurrences de « l’Esprit Saint » (1,33 ; 14,26 ;
20,22). La première se trouve dans le témoignage de Jean le Baptiste
qui déclare en 1,33 : « Et moi, je ne le [Jésus]
connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, celui-là
m’avait dit : “Celui sur qui tu verras l’Esprit (to pneuma) descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans
l’Esprit Saint (en pneumati hagiôi).” » La suivante est dans le deuxième dit du
Paraclet (14,26a) et la troisième occurrence se trouve en 20,22, le
narrateur rapporte : « Ayant dit cela [20,21], il
[Jésus] souffla et leur
[les disciples] dit : “Recevez l’Esprit Saint (pneuma hagion)”. » L’interprétation
de ces trois
occurrences doit tenir compte des sens du terme « pneuma »
(l’esprit, le vent, etc.) dans l’Évangile.
(2) Le mot « pneuma »
apparaît en vingt-quatre occurrences avec six catégories
de sens : (a) le sens spirituel (3 fois : 3,6b ; 4,24a ;
6,63b), (b) le vent (1 fois : 3,8a), (c) l’esprit d’une personne (2
fois : 11,33 ; 13,21), (d) la polysémie : le sens spirituel ou
l’Esprit Saint (3 fois : 4,23.24b ; 6,63a), (e) double sens :
l’esprit de Jésus et l’Esprit Saint (1 fois : 19,30), (f) l’Esprit Saint (14 fois : 1,32.33a.33b ;
3,5.6a.8b.34 ; 7,39a.39b ; 14,17.26 ; 15,26 ; 16,13 ;
20,22). Cf.
l’article : « Les sens du terme “pneuma” (l’Esprit, la chose spirituelle,
le vent...) dans l’Évangile de Jean. »
(a) En 3,6b ; 4,24a ; 6,63b, « pneuma » a un sens spirituel. Jésus
dit à Nicodème en 3,6 : « Ce qui est né de la
chair est chair, ce qui est né de l’Esprit (ek
tou pneumatos) est esprit (pneuma). »
Le deuxième terme « pneuma »
dans ce verset possède aussi le sens spirituel. La
définition Dieu en 4,24a : « Dieu est esprit (pneuma ho theos) » éclaire l’action
d’adorer en 4,24b : « ceux qui adorent, c’est en esprit et en vérité
qu’ils doivent adorer. » Dans cette définition de Dieu, « pneuma » ici souligne le caractère
invisible de Dieu. (Cf. l’étude au point : « III.B.3.(4) Dieu est
esprit » dans l’article : « Jn 4,1-45 : analyse du
texte »). En 6,63,
Jésus dit à ses disciples : « C’est l’esprit (to pneuma) qui vivifie, la chair ne sert
de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit (pneuma) et elles sont vie. » La deuxième occurrence de « pneuma » a aussi un sens spirituel.
(b) En 3,8a,
« pneuma » signifie le
vent. Jésus dit à Nicodème en 3,8 : « Le vent (to pneuma) souffle (pnei) où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il
vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit (ek tou pneumatos). » Le verbe
« pneô » (souffler) a la
même racine que « pneuma ».
Le souffle du vent est comparé au croyant qui est né de l’Esprit.
(c) En 11,33 et
13,21, « pneuma »
désigne l’esprit d’une personne. Le narrateur rapporte en
11,33 : « Lorsqu’il [Jésus] la [Marie] vit
pleurer, et pleurer aussi les Juifs qui l’avaient accompagnée, Jésus frémit en
son esprit (tôi pneumati)
et se troubla » et en 13,21 : « Ayant dit cela, Jésus fut
troublé en son esprit (tôi pneumati)
et il attesta : “En vérité, en vérité, je vous [les disciples] le dis, l’un
de vous me livrera.” Ces deux occurrences de « pneuma » désignent l’esprit de Jésus.
(d) Le terme « pneuma » en 4,23.24b ; 6,63a est polysémique. En 4,23.24b, Jésus parle deux fois
d’adorer le Père « en esprit et en vérité » (en pneumati kai alètheiai). Le terme « pneuma » ne désigne pas ici
explicitement l’Esprit Saint mais le contexte de l’Évangile permet de
l’interpréter comme tel. Nous avons montré que la vérité désigne la révélation
de Jésus. On peut alors comprendre qu’adorer le Père en esprit et en vérité est
une adoration guidée par l’Esprit Saint et illuminée par la révélation de
Jésus. (Cf. l’étude au point « III.B.3.(3) La manière d’adorer
Dieu » dans l’article : « Jn 4,1-45 : analyse du
texte »). Le terme « pneuma » en 6,63a : « C’est l’esprit (to pneuma) qui
vivifie, la chair ne sert de rien » renvoie
soit à l’Esprit de Dieu, soit à l’esprit dans le sens général.
La BiJér, 2000 rend « pneuma » en 6,63a par
« esprit » écrit en minuscule et la TOB, 12e écrit « Esprit » en majuscule
désignant l’Esprit Saint.
(e) En 19,30, « pneuma »
a le double sens de : l’esprit de Jésus et l’Esprit Saint. Le narrateur
relate la mort de Jésus en 19,30 : « Quand il [Jésus] eut pris le vinaigre, Jésus dit : “C’est achevé”
et, inclinant la tête, il remit l’esprit (paredôken
to pneuma). » On n’emploie pas l’expression « remettre
l’esprit » pour décrire la mort d’une personne. Cette description
inhabituelle de la mort de Jésus a une visée théologique. L’heure de sa mort est
l’heure de sa glorification (13,31-32), de son élévation (12,31-32). Cette
heure coïncide au don de l’Esprit Saint que reçoit le croyant comme
le narrateur explique en 7,39 : « Il [Jésus] parlait de l’Esprit (pneumatos)
[cf. 7,37-38] que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui ; car il n’y
avait pas encore d’Esprit (pneuma),
parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. » L’expression « remettre l’esprit »
(19,30d) exprime donc à la fois la mort de
Jésus et le moment où Jésus donne l’Esprit Saint au monde. Ce don de l’Esprit sera explicite le jour de sa résurrection (cf. 20,22).
(f) Le terme « pneuma » désigne l’Esprit Saint (14 fois) avec trois
appellations : « l’Esprit » (8 fois : 1,32.33a ;
3,5.6a.8b.34 ; 7,39a.39b), « l’Esprit Saint » (3 fois :
1,33b ; 14,26 ; 20,22), et « l’Esprit
de vérité » (3 fois : 14,17 ;
15,26 ; 16,13).
(3) Les trois désignations ci-dessus permettent d’établir le lien entre le Paraclet et l’Esprit. En effet, l’Esprit Saint est
mis en relation avec Dieu, Jésus et les disciples. D’abord, aux ch. 14–16, le Père donnera l’autre Paraclet
(14,16), il enverra le Paraclet (14,26) et le Paraclet-Esprit de vérité vient
d’auprès du Père (15,26). Ensuite, dans la relation avec Jésus, au début de
l’Évangile, l’Esprit descend et demeure sur lui et il baptise dans l’Esprit
Saint (1,33). À la fin de sa mission, Jésus
promet d’envoyer le
Paraclet-Esprit (14,26 ; 15,26). Il le donne sur la croix (19,30) et après
sa résurrection (20,22). Enfin, la relation
entre l’Esprit et les disciples se situe sur deux niveaux : avant Pâques, les disciples ont cru
en Jésus, ils sont nés de l’eau et de
l’Esprit (3,3.5), puis après Pâques, le Paraclet-Esprit Saint exerce pleinement sa
fonction. En tout cas, pour les croyants après Pâques, le fait de naître de
l’eau et de
l’Esprit coïncide au
don du Paraclet-Esprit.
Nous avons traduit et situé les cinq dits du Paraclet dans leurs
contextes. Ces dits ont leur place dans les ch. 14–16 et sont bien structurés.
Chaque dit apporte sa contribution au rôle du Paraclet. La condition pour
recevoir le don du Paraclet est double : aimer Jésus, garder ses
commandements pour les disciples (15,14) et le départ de Jésus vers son Père
(16,7). L’envoi du Paraclet est attribué à la fois au Père (14,16b.26a) et à
Jésus (15,26b ; 16,7c). Ce double auteur de l’envoi montre l’unicité
d’action entre le Père et le Fils. La venue du Paraclet est exprimée par « erchomai » (venir) désignant la
destination (auprès des disciples) et « ekporeuomai » (venir de) précisant la
provenance (d’auprès du Père).
Il y a quatre appellations dans les cinq dits : (1) « autre Paraclet » renvoie
à Jésus dans l’Évangile et non Jésus Christ dans le ciel (1Jn 2,1). Cette désignation
introduit aux autres dits. (2) Le titre « Paraclet » est
propre à Jn 14–16. Le pronom masculin « ekeinos »
(celui-là) montre que le Paraclet est le sujet d’actions. De ce fait, il est personnalisé et assure la
continuité de la révélation de Jésus dans la communauté croyante. (3) La
dénomination « l’Esprit de vérité » correspond au thème de la vérité
qui est en lien avec le mensonge, l’appartenance, la révélation et Jésus
lui-même. Le Paraclet-Esprit de vérité est donc lié étroitement à Jésus et à sa mission.
(4) « l’Esprit Saint » qui demeure sur Jésus au début de l’Évangile
(1,33) est donné aux disciples après sa résurrection (20,22) et il est identifié
au Paraclet (14,26a).
La particularité
des cinq dits est double : (1) l’identification entre le Paraclet et l’Esprit et (2) les activités spécifiques du
Paraclet résumées en cinq points : (a) le monde est incapable de le
recevoir, (b) il demeure à jamais auprès des disciples, (c) il exerce une fonction pédagogique (enseigner, rappeler,
annoncer ce qui vient de Jésus) et (d) une fonction juridique (témoigner et établir la
culpabilité du monde), (e) il guide les disciples dans la
vérité toute entière. Ainsi, il ne
faut pas limiter son rôle à celui d’un avocat, d’un défenseur ou d’un
consolateur. Nous étudierons davantage l’activité du Paraclet à travers trois relations : « Paraclet–Jésus » ; « Paraclet–monde »
et « Paraclet–disciples » dans un autre article./.
Source : http://leminhthongtinmunggioan.blogspot.co.il/2018/03/jn-1416-les-cinq-dits-du-paraclet.html
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Les articles sur le Paraclet-Esprit :
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