09/06/2014

Venir à, voir et croire dans l’Évangile de Jean



L’article en vietnamien et en anglais:

Email: josleminhthong@gmail.com
Le 09 Juin 2014.

Contenu

I. Introduction
II. Ne pas réellement venir à Jésus, le voir et croire en lui
     1. Ne pas réellement venir à Jésus
     2. Ne pas réellement voir Jésus et croire en lui
III. Véritablement venir à Jésus, le voir et croire en lui
     1. Véritablement venir à Jésus
     2. Véritablement voir Jésus et croire en lui
IV. Véritablement croire en Jésus sans l’avoir vu
V. Conclusion



I. Introduction

Dans l’Évangile de Jean, le narrateur utilise souvent les verbes: “venir”, “voir” et “croire”. Une observation de l’utilisation de ces verbes peut aider ceux et celles qui veulent établir une véritable relation avec Jésus. Les verbes grecs de ces sujets sont “erkhomai” (venir), “pisteuô” (croire) et quatre verbes: “horaô”, “theôreô”, “theaomai” et “blepô”, ces quatre verbes ont le même sens: “voir”, parce qu’il n’y a pas de grande différence de sens de entre ces verbes dans le contexte de l’Évangile de Jean.

Il y a deux interprétations du thème “venir à Jésus”, “le voir” et “croire en lui” dans l’Évangile de Jean. Les gens peuvent venir à Jésus physiquement, mais ne viennent pas vraiment à lui comme Jésus le souhaite. De même, la foule peut “voir” Jésus physiquement et croire en lui mais en réalité, elle ne voit pas véritablement Jésus et ne croit pas réellement en lui. Nous pouvons préciser ces manières opposées de “venir” de “voir” et de “croire” par des adverbes: “pas réellement” ou “véritablement.” Ainsi, on peut “ne pas vraiment” ou “véritablement” venir à Jésus, le voir et croire en lui.

Comment le lecteur peut-il distinguer entre “vrai” ou “faux” dans la démarche de “venir”, de “voir” et de “croire”? Cet article présentera un certain nombre de passages dans l’Évangile pour comprendre l’appel de Jésus en ce qui concerne les thèmes: “venir à Jésus”, “le voir” et “croire en lui.” Ces thèmes seront analysés en trois parties: (I) Ne pas réellement venir à Jésus, le voir et croire en lui. (II) Véritablement venir à Jésus, le voir et croire en lui. (III) Véritablement croire en Jésus sans l’avoir vu. Les citations sont prises dans la Bible de Jérusalem, 2000 et le texte grec est pris dans Nestle-Aland, Novum Testamentum Graece, (NTG), (27th Revised Edition), Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 1996.

II. Ne pas réellement venir à Jésus, le voir et croire en lui

Dans le discours sur le pain de vie (6,25-59) qui suit les signes (multiplication des pains en 6,1-15 et marche sur les eaux en 6,16-21), Jésus révèle le vrai et le faux dans l’action de “venir”, “voir” et “croire.” Cet article utilise Jn 6 et un certain nombre d’autres passages dans l’Évangile pour traiter le sujet.

     1. Ne pas réellement venir à Jésus

Après que Jésus a accompli le signe de multiplication des pains (6,5-13), le narrateur rapporte l’attitude de la foule en 6,14: “À la vue du signe qu’il [Jésus] venait de faire, les gens disaient: ‘C’est vraiment lui le prophète qui doit venir dans le monde.’” Cette remarque montre que la foule semble reconnaître qui est Jésus après avoir vu le signe.  Mais dans le verset suivant (6,15), le lecteur sait que la foule n’a pas compris le véritable sens de ce signe et par conséquent elle ne connaît pas vraiment l’identité de Jésus. Le narrateur dévoile le malentendu de la foule dans la réaction de Jésus en 6,15: “Alors Jésus, sachant qu’ils allaient venir s’emparer de lui pour le faire roi, s’enfuit à nouveau dans la montagne, tout seul.

Dans la phrase “s’enfuit à nouveau dans la montagne, tout seul” (6,15b), le verbe grec “anakhôreô” a le sens de “partir”, “se retirer”, “s’enfuir” parce que les gens veulent s’emparer de Jésus pour le faire roi (6,15a). Jésus refuse cette royauté il se retire donc tout seul dans la montagne. Le terme “seul” peut faire allusion à la solitude de Jésus parce les gens ne le comprenaient pas. En même temps, le fait que Jésus est tout seul dans la montagne (oros) peut être interprété dans un  sens positif. En effet, dans la Bible, la montagne, un haut lieu,  symbolise la présence de Dieu. Jésus tout seul sur la montagne décrit un moment privilégié de la relation intime avec son Père. Rudolf Schnackenburg a écrit: “La solitude de Jésus johannique signifie aussi l’intimité avec le Père (cf. 8,16.29; 16.32).” (Rudolf SCHNACKENBURG, The Gospel According to St. John, vol. II: Commentary on Chapter 5–12, New York, The Crossroad Publishing Company, (1971), 1987, p. 20). Ce que le narrateur raconte en 6,15 montre que la manière de venir à Jésus ici est fausse, parce Jésus refuse la proposition de la foule. Au lieu de venir à sa rencontre, Jésus se retire tout seul dans la montagne. Ainsi la foule vient à Jésus mais elle a mal interprété le rôle et la mission de Jésus. En d’autres termes, ces gens ne viennent pas vraiment à Jésus dans le sens théologique de ce verbe.

En 5,39-40, Jésus dit aux Juifs: “39 Vous scrutez les Écritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle, et ce sont elles qui me rendent témoignage, 40 et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie!” Les Juifs ici ont tort quand ils cherchent la vie éternelle dans les Écritures mais qu’ils ne viennent pas à Jésus pour avoir la vie éternelle. Dans la phrase: “Vous [les Juifs] ne voulez pas venir à moi [Jésus] pour avoir la vie” (5,40), l’expression “venir à Jésus” signifie “l’accueillir”, “croire en lui”. Le verbe “venir” ici possède donc un sens théologique.

De même que la foule en 6,14-15, les Juifs en Jn 5 viennent à Jésus mais ce n’est pas pour l’accueillir et pour croire en lui, au contraire, ils viennent à Jésus pour se confronter avec lui et pour l’accuser (5,16.18). De ce fait, ces Juifs ne viennent pas vraiment à Jésus dans le sens théologique du terme.

     2. Ne pas réellement voir Jésus et croire en lui

L’analyse ci-dessus montre que la foule en Jn 6 a vu le signe de la multiplication des pains (6,14), mais ce n’est pas un “véritable voir”. Jésus confirme cela quand il dit à la foule en 6,36: “Mais je vous l’ai dit: vous me voyez (heôrakate) et vous ne croyez pas.” Selon la théologie de l’Évangile de Jean, si quelqu’un voit Jésus mais ne croit pas en lui, celui-là ne voit pas réellement Jésus.

Dans le passage 2,23-25 où le narrateur résume les actions de Jésus durant la fête de la Pâque à Jérusalem, il existe un lien entre “voir les signes” et “croire en Jésus” parce que le narrateur relate en 2,23-24: “23 Comme il [Jésus] était à Jérusalem durant la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il faisait. 24 Mais Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous.” Le narrateur utilise 2 fois le verbe “pisteuô” (croire) en 2,23.24 avec un contraste très fort. En effet en 2,23b: “beaucoup crurent en son nom [de Jésus] (polloi episteusan eis ton onoma autou)” est contrasté avec 2,24a: “Mais Jésus, lui, ne se fiait pas à eux (autos de Iêsuos ouk episteuen auton autois).” Ici le verbe “pisteuô” est réfléchi. La traduction “episteuen auton” par “se fiait à” exprime bien l’idée du texte mais elle occulte le jeu de mot contrasté de “pisteuô” utilisé deux fois: “polloi episteusan (beaucoup crurent)” en 2,13b, le verbe ici est à laoriste; et “ouk episteuen auton autois (ne croit pas en eux)” en 2,24a, le verbe ici est à limparfait. On peut dire que Jésus ne croit pas à ceux qui croient en lui. (Voir Francis J. MOLONEY, The Gospel of John, (Sacra Pagina Series 4), Collegeville (MN), The Liturgical Press, 1998, p. 86-87).    

Avant le passage 2,23-25, les disciples ont déjà cru en Jésus quand ils ont vu le premier signe à Cana (2,1-10). Après le signe du changement de l’eau en vin, le narrateur conclut en 2,11: “Cela, Jésus en fit le commencement des signes à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui.” C’est le cas de la foi authentique grâce au signe que Jésus a fait. Quant à la foi de beaucoup de gens en 2,23, elle n’est pas encore satisfaisante. Elle a besoin d’être consolidée et retravaillée pour arriver à la vraie foi.

En 8,31 la foi des Juifs n’est pas la foi authentique. En effet, dans la péricope 8,21-30, Jésus révèle aux Juifs sa mission et sa relation avec son Père. En 8,27 le narrateur remarque l’ignorance des Juifs: “Ils [les Juifs] ne comprirent pas qu’il [Jésus] leur parlait du Père.” Dans les deux versets suivants (8,28-29), Jésus continue à leur révéler son identité. Puis le narrateur conclut la péricope 8,21-30 de manière étonnante en 8,30: “Comme il disait cela, beaucoup crurent en lui.” La péricope suivante (8,31-59) est liée à la précédente par le thème “croire en Jésus” en 8,31-32: “31 Jésus dit alors aux Juifs qui l’avaient cru: ‘Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples 32 et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera.’” La suite de ces versets présente la controverse de plus en plus vive entre Jésus et les Juifs jusqu’à la fin du ch. 8 (8,59). Une question se pose alors: Les Juifs en 8,31a croient-ils réellement en Jésus?

Il convient de noter que l’utilisation du verbe “croire” en 8,30 est “pisteuô + eis (croire en) + un pronom à l’accusatif”, tandis qu’en 8,31, il s’agit de l’usage “pisteuô + un pronom au datif.” En général, l’usage “pisteuô + eis + accusatif” exprime la vraie foi en Jésus. Cependant, il existe des cas exceptionnels, par exemple en 2,23 c’est l’usage de “pisteuô + eis + accusatif” mais l’analyse plus haut montre que ce n’est pas la foi authentique. Pour les autres utilisations du verbe “croire”: “pisteuô + en + datif” ou “pisteuô + datif”, en général, elles expriment une foi incomplète. Cependant, il est indispensable d’observer le contexte littéraire de chaque passage pour déterminer le sens du verbe “pisteuô” (croire).

Le contexte littéraire de deux péricopes: 8,21-30 et 8,31-59 permet de conclure que la foi des Juifs en 8,31 n’est pas la vraie foi en Jésus. Ils ne le croient pas vraiment parce qu’ils n’accueillent pas l’enseignement de Jésus, au contraire, ils réagissent contre Jésus de plus en plus violemment au fil du texte. Les accusations au cours de la controverse sont graves. Jésus dit aux Juifs en 8,44a: “Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir.” Quant aux Juifs, ils accusent Jésus en 8,48: “N’avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain et que tu as un démon?” Plus grave encore, les Juifs cherchaient à tuer Jésus (8,37.40). La péricope 8,31-59 commence par “la foi des Juifs” en 8,31 et pourtant elle se termine avec ces mots du narrateur: “Ils [les Juifs] ramassèrent alors des pierres pour les lui [Jésus] jeter; mais Jésus se déroba et sortit du Temple” (8,59).

L’attitude de refus et d’hostilité des Juifs envers Jésus dans la péricope 8,31-59 est incompatible avec la vraie foi en lui. Au début du passage 8,31-59, Jésus invite ainsi les Juifs en 8,31b-32: “31b Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples 32 et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera.”  Mais ces Juifs ne sont pas vraiment ses disciples parce qu’ils ne demeurent pas dans sa parole. C’est-à-dire qu’ils n’écoutent pas Jésus et n’accueillent pas son enseignement. En d’autres termes, la foi des Juifs en 8,31 n’est pas la foi authentique.

III. Véritablement venir à Jésus, le voir et croire en lui

Ce thème sera traité sur deux points: (1) Véritablement venir à Jésus et (2) Véritablement voir Jésus et croire en lui.

     1. Véritablement venir à Jésus

Dans le discours sur le pain de vie (6,25-59), les interlocuteurs se sont souvent mépris sur les paroles de Jésus ou bien ils les ont mal interprétées. Quand la foule demande à Jésus en 6,34: “Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là”, Jésus révèle qu’il est le pain de vie: “Je suis le pain de vie” (6,35a). Les thèmes “véritablement venir à Jésus” et “véritablement croire en lui” dans le verset 6,35 sont en parallèle avec 7,37-38. Jésus dit à la foule en 6,35: “Je suis le pain de vie. Qui vient à moi n’aura jamais faim; qui croit en moi n’aura jamais soif.” Cette même idée se trouve au ch. 7, le narrateur raconte en 7,37-38: “37  Le dernier jour de la fête [des Tentes], le grand jour, Jésus, debout, s’écria: ‘Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et il boira, 38  celui qui croit en moi!” Selon le mot de l’Écriture: De son sein couleront des fleuves d’eau vive.

En 6,35, celui qui vient à Jésus n’aura jamais faim, et celui qui croit en Jésus n’aura jamais soif. Jésus invite les gens à “venir à lui” et à “croire en lui” pour ne jamais avoir faim et soif. Ici les actions de “venir” et de “croire” sont authentiques parce qu’elles conduisent à la vraie vie, à la vie éternelle. Les deux idées en 6,35: “ne jamais avoir faim” et “ne jamais avoir soif” sont parallèles avec “venir à Jésus” et “croire en lui”. Ce procédé littéraire détermine le sens et le lien entre les verbes “venir” et “croire”: “véritablement venir à Jésus” inclut “véritablement croire en lui” et vice versa.

Les liens dynamiques entre “venir à Jésus” et “croire en lui”  apparaissent de nouveau en 7,37b-38. À travers la figure de la soif et boire pour étancher cette soif, Jésus invite les gens à “venir à lui” et “croire en lui” (7,37b-38a). Cette invitation décrit le processus de “venir” et de “croire” authentique, parce que celui qui boit de l’eau que Jésus offre aura des fleuves d’eau vive qui couleront de son sein (7,38b). Notons que la ponctuation en 7,37b-38, de deux façons, conduit à une différence de sens significative.

(1) La première ponctuation est choisie par Nestle-Aland, Novum Testamentum Graece, 27th Édition, 1996. Le texte grec de 7,37b-38 est ponctué comme suit: “37b Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et il boira. 38 Celui qui croit en moi, selon le mot de l’Écriture: De son sein couleront des fleuves d’eau vive.” Un point (.) placé à la fin de cette phrase: “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et il boira” sépare 7,37b avec 7,38. Dans ce cas “le mot de l’Écriture: De son sein couleront des fleuves d’eau vive” renvoie à “Celui qui croit en Jésus”. L’expression “de son sein” veut dire le sein du croyant. Ainsi le mot de l’Écriture est appliqué au croyant. Cette manière de ponctuer correspond à l’explication du narrateur en 7,39: “Il [Jésus] parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui; car il n’y avait pas encore d’Esprit, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié.” La glorification de Jésus se réalisera dans l’événement de sa passion et sa résurrection. Cette interprétation fait allusion à ce que Jésus a dit à la femme samaritaine en 4,13-14: “13 Quiconque boit de cette eau aura soif à nouveau; 14 mais qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif; l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle.” 

(2) La deuxième ponctuation de 7,37b-38 est la suivante: “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et il boira, 38  celui qui croit en moi. Selon le mot de l’Écriture: De son sein couleront des fleuves d’eau vive.” Cette ponctuation rattache “celui qui croit en moi” (7,38a) à ce qui précède (7,37b). L’idée de la phrase est la suivante: “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et il boira, celui qui croit en moi(7,37b-38a). Dans ce cas, l’expression “de son sein” est “du sein de Jésus.” Le mot de l’Écriture s’applique donc à Jésus. Cette interprétation peut renvoyer au fait que le sang et l’eau coulent du côté de Jésus sur la croix comme le narrateur le rapporte en 19,34: “Mais l’un des soldats, de sa lance, lui [Jésus] perça le côté et il sortit aussitôt du sang et de l’eau.

Raymond E. Brown et certains auteurs ont choisi la deuxième ponctuation: “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et il boira, celui qui croit en moi(7,37b-38a). (Voir l’explication de l’auteur dans R. E. BROWN, The Gospel According to John, I–XII, vol. I, (Anchor Bible 29), New York (NY), Doubleday, 1966, p. 320-322). Quant à nous, nous choisissons la ponctuation dans le texte grec de Nestle-Aland, Novum Testamentum Graece, 27th Édition: “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et il boira” (7,37b). Nous pensons que cette interprétation est plus appropriée au contexte littéraire et à ce thème qui est dit en 4,14. De plus, selon la langue grecque, “le mot de l’Écriture: De son sein couleront des fleuves d’eau vive” (7,38b) se lie naturellement avec ce qui précède: “celui qui croit en moi” (7,38a). En tout cas, quelle que soit la ponctuation choisie, il y a un lien évident entre “venir à Jésus” et “croire en lui”. Comme en 6,35, “véritablement venir à Jésus” en 7,37b-38a est inséparable de “véritablement croire en Jésus” et inversement. L’Évangile de Jean fait aussi le lien entre ces deux verbes: “voir” et “croire”: “vraiment voir Jésus” et “vraiment croire en lui”.

     2. Véritablement voir Jésus et croire en lui

Jésus parle à la foule d’un “réellement voir” en 6,40: “Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour.” Dans cette parole, l’expression “voir le Fils” (theôreô ton huios) désigne Jésus lui-même comme “le Fils Unique-Engendré, qui est dans le sein du Père” (1,18b). “Voir” en 6,40 est authentique parce que ce verbe est lié à “croire en Jésus”. Le résultat de cette manière de “voir” et de “croire” est d’avoir la vie éternelle.

Le narrateur souhaite que le lecteur parvienne à “véritablement voir” le signe de la multiplication des pains (6,1-13) comme les disciples ont vu le signe du changement de l’eau en vin à Cana (2,1-11). À travers ce signe, Jésus a manifesté sa gloire et ses disciples le reconnaissent et croient en lui. Le narrateur le dit au lecteur en 2,11: “Cela, Jésus en fit le commencement des signes à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui.” En 6,40, Jésus invite les gens à “voir” Jésus en tant que “Fils Unique-Engendré de Dieu” et à “croire en lui” pour avoir la vie éternelle. Cette invitation à “voir” et “croire” trouve sa réalisation à la fin de l’Évangile dans l’épisode de Simon-Pierre et du disciple que Jésus aimait devant le tombeau vide (20,1-10).

Au premier jour de la semaine, Simon-Pierre et le disciple que Jésus aimait se rendent au tombeau de Jésus (20,1-7), ils ne voient pas Jésus dans le tombeau, ils voient seulement “6b les linges, gisant à terre, 7 ainsi que le suaire qui avait recouvert sa tête; non pas avec les linges, mais roulé à part dans un endroit” (20,6b-7). Le narrateur souligne au lecteur l’attitude du disciple que Jésus aimait en 20,8b: “Il vit et il crut.” Ainsi ce disciple est le premier qui croit à la résurrection de Jésus avant que ce dernier apparaisse aux disciples le soir de ce jour-là (20,19-23). La manière de “voir” et de “croire” du disciple que Jésus aimait est mise en relief dans le récit pour décrire un “véritablement voir” et un “réellement croire”. Il est à noter que ce disciple voit et croit sans avoir vu Jésus. Il ne voit que le tombeau vide, les linges et le suaire. L’idée de “croire sans avoir vu Jésus” deviendra une bénédiction à la fin de l’Évangile (20,29b). Voir l’analyse sur “Trois niveaux de ‘croire’ en Jésus” dans l’article: “Croire (pisteuô) dans l’Évangile de Jean.” 

IV. Véritablement croire en Jésus sans l’avoir vu

La péricope de l’apparition de Jésus à Thomas (20,26-29) montre la transition entre ces deux étapes: (1) La première étape est de croire en Jésus en le voyant physiquement. (2) La deuxième étape est de croire en Jésus sans l’avoir vu physiquement. Quand Jésus apparaît aux disciples en 20,19-23, “les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur”  (20,20b). “Or Thomas, l’un des Douze, appelé Didyme, n’était pas avec eux, lorsque vint Jésus” (20,24). Thomas dit aux autres disciples ainsi: “Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas” (20,25b). La demande de Thomas est légitime, parce que les autres disciples ont vu Jésus et croient en sa résurrection, Thomas a également besoin de voir Jésus pour croire.

Le souhait de Thomas est accordé, car huit jours plus tard, Jésus vient à ses disciples et il dit à Thomas en 20,27: “Porte ton doigt ici: voici mes mains; avance ta main et mets-la dans mon côté, et ne sois plus incrédule, mais croyant.” Pour les disciples qui ont suivi Jésus pendant sa mission publique, leur foi est basée sur “voir Jésus”, “voir les signes qu’il a faits” et “écouter ses paroles”. Mais pour ceux qui croient en Jésus après son retour auprès de son Père, c’est-à-dire les  disciples de la deuxième génération, ils croient en Jésus sans le voir physiquement ou l’entendre directement, comme ont pu le faire les disciples qui vivaient avec Jésus durant sa mission terrestre.

La confession de Thomas devant Jésus ressuscité en 20,28: “Mon Seigneur et mon Dieu” témoigne de sa propre foi authentique en Jésus. En même temps, cette parole (20,28) est aussi la déclaration des disciples en tout temps et en tout lieu. La confession solennelle de la foi à la fin de l’Évangile de Jean (20,28) relie à la confession de la foi de l’auteur de l’Évangile sur l’identité de Jésus comme Verbe (Logos) en 1,1: “Au commencement était le Verbe (Logos) et le Verbe (Logos)  était auprès de Dieu et le Verbe (Logos) était Dieu.” “Le Verbe s’est fait chair” (1:14a) et il est “le Fils Unique-Engendré, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître” (1,18b). En effet, dans l’ensemble de sa mission publique, Jésus a fait connaître son Père à tous, il révèle l’amour du Père pour l’humanité (3,16). À la fin de l’Évangile, Thomas, un disciple exemplaire, a reconnu la véritable identité de Jésus: Il est son Seigneur et son Dieu (20,28). L’affirmation de l’auteur au début de l’Évangile (1,1) est en parallèle avec la confession de Thomas à la fin de l’Évangile comme il est du “prologue” (1,1) qui renvoie à l’“épilogue” (20,28) pour exprimer de manière forte la théologie de son Évangile.

Jésus s’adresse à Thomas en 20,29: “Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru.” Cette parole est une bénédiction pour tous ceux qui ne voient pas Jésus mais croient en lui. Après le retour de Jésus auprès de son Père, le Paraclet – l’Esprit de vérité – est envoyé aux disciples (16,7). L’arrivée du Paraclet inaugure une nouvelle étape: Croire en Jésus sans l’avoir vu. À partir de la deuxième génération des disciples, les hommes peuvent connaître Jésus et croire en lui grâce à la prédication de l’Église. Jésus a prié pour cette nouvelle génération de disciples quand il s’est adressé ainsi à son Père en 17,20: “Je ne prie pas pour eux seulement [les disciples de la première génération], mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi [les disciples des générations suivantes].” Avec la bénédiction de Jésus en 20,29b: “Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru”, les croyants à travers les âges reconnaissent qu’ils ont reçu la bénédiction du Ressuscité lui-même et de ce fait ils sont les vrais disciples de Jésus.

L’expression “croire en Jésus sans l’avoir vu” est comprise dans le sens de ne pas voir Jésus physiquement. Mais au point de vue spirituel, Jésus est toujours présent avec ses disciples et dans chaque disciple. Jésus leur a promis en 14,20: “Ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père et vous en moi et moi en vous.” En réalité la présence physique de Jésus est limitée dans l’espace et le temps. Tandis que la présence spirituelle permet à Jésus d’être avec chaque disciple en tout temps et en tout lieu. Cette présence spirituelle et réelle implique un engagement des deux côtés: “Jésus est dans le croyant” et “le croyant est dans Jésus.” Il s’agit d’une relation interpersonnelle et d’une communion intime entre Jésus et le croyant. Cette relation s’enracine dans celle de Jésus et de son Père comme Jésus l’a révélée aux disciples en 14,11a: “Croyez-m’en! Je suis dans le Père et le Père est en moi.” La présence et la communion réciproque entre Jésus et les disciples sont une joie indicible et une source d’encouragement pour les croyants dans leur vie ici-bas.

V. Conclusion

L’analyse ci-dessus à propos de “ne pas vraiment” et “vraiment” venir à Jésus, le voir et croire en lui montre l’originalité de l’Évangile de Jean dans l’usage des verbes: “venir”, “voir” et “croire” ainsi que les liens entre eux. Le sens de ces verbes peut être positif (vrai) ou négatif (pas vrai). Lorsqu’il s’agit de “ne pas vraiment venir, voir et croire”, le contexte littéraire implique toujours un malentendu de la part des interlocuteurs sur ce que Jésus a fait (pour voir) ou sur ce que Jésus a dit (pour entendre). Cette manière de venir à Jésus, de le voir et de croire en lui ne conduit pas à une vraie relation avec Jésus. On peut donc dire qu’il n’y a pas véritablement d’action de venir, voir et croire. Certains passages de l’Évangile montrent ce processus. Par exemple, dans le ch. 6, la foule voit le signe que Jésus a fait (6,14), mais elle ne voit pas correctement, cette manière de voir ne conduit pas à la foi authentique. Jésus leur dit en 6,36: “Mais je vous l’ai dit: vous me voyez et vous ne croyez pas.” Le fait de croire en Jésus “à la vue des signes qu’il faisait” en 2,23b n’est pas encore la vraie foi parce que Jésus ne se fiait pas à eux (2,24a). Plus grave encore, la foi des Juifs en 8,31 est tout à fait inappropriée, car ils viennent à Jésus pour l’accuser et pour chercher à le tuer.

Dans l’Évangile de Jean, les cas de “ne pas vraiment venir à Jésus, le voir et croire en lui” font comprendre au lecteur le sens d’un véritablement “venir”, “voir” et “croire”. Jésus invite tout le monde à venir à lui et à croire en lui en 6,35: “Je suis le pain de vie. Qui vient à moi n’aura jamais faim; qui croit en moi n’aura jamais soif.” En 6,40, Jésus souhaite que la foule parvienne à un “voir” et “croire” authentiques, il dit: “Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour” (6,40). Dans Jn 4, les Samaritains viennent à Jésus (4,40a) et croient en Jésus (4,41). Le narrateur relate cette belle rencontre en 4,40-41: “40 Quand donc ils furent arrivés près de lui, les Samaritains le prièrent de demeurer chez eux. Il y demeura deux jours 41 et ils furent bien plus nombreux à croire, à cause de sa parole.” Ainsi “véritablement venir à Jésus” conduit à la foi authentique et la vraie relation avec Jésus.

L’Évangile de Jean insiste sur la façon de “voir” et de “croire” du disciple que Jésus aimait. Devant le tombeau vide, “il vit et il crut” (20,8b), ce disciple est le premier qui croit sans avoir vu Jésus. C’est la foi authentique des disciples depuis toujours. Ils sont ceux qui ne voient pas Jésus physiquement, mais croient en lui grâce à la prédication évangélique de l’Eglise. Jésus a béni ces croyants quand il dit à Thomas: “Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru” (20,29b). Nous sommes les disciples qui croient en Jésus sans l’avoir vu, mais sur le plan spirituel, Jésus est toujours présent en nous. La promesse de Jésus aux disciples de la première génération est aussi celle offerte aux croyants à toute époque: “Vous en moi, et moi en vous” (14,20b)./.

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   - pisteuô (croire), pistos (croyant) et apistos (incroyant) dans l’Évangile de Jean.

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