13/10/2015

Jn 1,19-34 : Traduction et notes





Article sur Jn 1,19-34 :

  

TRADUCTION

Jn 1,19-34 : Le témoignage de Jean

1,19-28 : L’identité et la mission de Jean

19 Et [1] ceci est [2] le témoignage [3] de Jean [4] : Lorsque, de Jérusalem, les Juifs [5] envoyèrent [auprès de lui] des prêtres et des Lévites [6] pour l’interroger [7] : « Toi, qui es-tu ? » 20 Il confessa, il ne nia pas, il confessa [8] : « Moi, je ne suis pas le Christ. [9] » 21 Et ils l’interrogèrent : « Quoi donc ? Toi, es-tu Élie [10] ? » Et il dit : « Je ne le suis pas » - « Toi, es-tu le prophète [11] ? » Il répondit : « Non. » 22 Ils lui dirent alors : « Qui es-tu ? Afin que nous donnions réponse à ceux qui nous ont envoyés, que dis-tu de toi-même ? » 23 Il déclara : « Moi ? Une voix criant dans le désert : Rendez droit le chemin du Seigneur, comme a dit Isaïe, le prophète. » [12] 24 Et ils avaient été envoyés des Pharisiens. [13]

25 Et ils l’interrogèrent et lui dirent : « Pourquoi donc baptises-tu, si toi, tu n’es ni le Christ, ni Elie, ni le prophète ? » 26 Jean leur répondit en disant : « Moi, je baptise dans l’eau. [14] Au milieu de vous se tient celui que vous, vous ne connaissez pas, [15] 27 celui qui vient après moi, [16] dont [moi] je ne suis pas digne que je délie la courroie de sa sandale. [17] » 28 Cela se passait à Béthanie [18], de l’autre côté du Jourdain, [19] où Jean baptisait.

1,29-34 : L’identité et la mission de Jésus (le 1er lendemain)

29 Le lendemain, [20] il voit Jésus venant vers lui et il dit [21] : « Voici [22] l’agneau de Dieu [23] qui enlève le péché du monde [24]. 30 C’est celui dont moi, j’ai dit : “Après moi vient un homme [25] qui est devenu devant moi parce qu’avant moi il était.” [26] 31 Et moi, je ne le connaissais pas [27] ; mais c’est pour qu’il fût manifesté à Israël [28] que je suis venu, moi, baptisant dans l’eau. »

32 Et Jean témoigna en disant : « J’ai vu, telle une colombe, l’Esprit descendre du ciel, [29] et il a demeuré sur lui. [30] 33 Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé [31] baptiser dans l’eau, celui-là m’a dit : “Sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer sur lui, c’est celui qui baptise dans l’Esprit Saint. [32]” 34 Et moi, j’ai vu et j’ai témoigné que celui-ci est le Fils de Dieu [33]. »


NOTES

[1] 1,19a : « Et (Kai) ». Ce terme grec « kai » (et) au début de 1,19 relie le témoignage de Jean (1,19-34) aux affirmations du Prologue concernant son témoignage en 1,6-8 et 1,15. En même temps, comme les livres de 2 S et 1-2 R de la LXX qui commencent par « kai » (et), Jn 1,19 ouvre le récit de l’évangile par ce terme. Cette présentation inscrit le texte de l’évangile en continuité avec l’AT.

[2] 1,19a : « ceci est (estin) ». Le verbe « être (eimi) » au présent de l’indicatif (estin) suggère la valeur permanente de ce témoignage.

[3] 1,19a : « le témoignage (hè marturia) ». C’est le mot clé de la péricope 1,19-34. Le témoignage de Jean est désigné par le nom « témoignage (marturia) », 2 fois 1,7.19 et le verbe « témoigner (matureô) », 7 fois en 1,7.8.15.32.34; 3,26; 5,33. Dans le contexte de 1,19-34, ce témoignage prend une coloration juridique.

[4] 1,19a : « Jean (Iôannès) ». Le nom « Jean » désignant celui qui baptiste dans l’eau (1,25.26.31.33) apparaît en 19 occurrences dans l’évangile : 3 fois dans le Prologue (1,6.15.19) ; 5 fois en 1,19-40 (1,26.28.32.35.40) ; 6 fois dans le ch. 3 et au début du ch. 4 (3,23.24.25.26.27 ; 4,1) ; 2 fois dans le ch. 5 (5,33.36) ; et 3 fois dans le ch. 10 (10,40.14a.14b). Notons que le texte ne dit pas « Jean Baptiste » mais seulement « Jean (Iôannès) ».

[5] 1,19b : « les Juifs (hoi Ioudaioi) ». Le caractère polémique de la péricope 1,19-34 permet de dire que « les Juifs » ici désignent les autorités officielles de Jérusalem et non pas l’ensemble du peuple juif. Dans la suite de l’évangile « les Juifs » se présentent comme les adversaires de Jésus. Seul le contexte permet de savoir à qui le mot « les Juifs » fait allusion.

[6] 1,19b : « des prêtres (hiereus) et des lévites (Leuitès) ». Les Juifs de Jérusalem envoient une délégation formée « des prêtres et des lévites ». Ils sont les gardiens du culte et de la pureté lévitique. Ce groupe de personnages n’apparaît qu’une seule fois ici dans le NT.

[7] 1,19c : « interroger (erôtaô) ». Dans l’évangile de Jean, selon le contexte, le verbe grec erôtaô peut avoir un des quatre sens suivants : (1) « interroger » (1,19.21), (2) « intervenir » (16,26 ; 17,9.15.20), (3) « demander » (4,40) ou (4) « prier » (4,47).

[8] 1,20a : « Il confessa, il ne nia pas, il confessa :... ». Cette formule solennelle précédant une citation directe indique que le témoignage rapporté est une déposition officielle dans le cadre d’un procès. Le couple de verbes opposés : « confesser (homologeô) », 4 fois dans l’évangile (1,20a.20b ; 9,22 ; 12,42) et « nier (arneomai) », 4 fois dans l’évangile (1,20 ; 13,38 ; 18,25.27) appartient au vocabulaire de la confession publique de la foi devant les autorités.

[9] 1,20b : « le Christ (Christos) ». Littéralement, ce titre signifie « l’Oint ». En 1,41, le titre « Messie » (de l’hébreu : Mašîa) est traduit en grec par « Christ (Christos) ». Ce titre (19 fois dans l’évangile) est un sujet de débats : Jean n’est pas le Christ (3 fois : 1,20.25 ; 3,28) ; la discussion fréquente : Est-ce que Jésus est le Christ ? (10 fois : 4,25.29 ; 7,26.27.31.41a.41b.42 ; 10,24 ; 12,34) ; Jésus est le Christ (6 fois : 1,17.41 ; 9,22 ; 11,27 ; 17,3 ; 20,31).

[10] 1,21a : « Élie ». Selon Ml 3,23-24 ; Sir 48,10, Élie reviendra avant le Jour du Seigneur. La tradition Synoptique identifie Jean Baptiste avec Élie (Mt 11,13-14 ; 17,13), Jean accomplit donc la prophétie de Malachie (Ml 3,23-24). La tradition johannique construit le personnage de Jean Baptiste de manière différente. Dans un contexte de procès, Jean rend témoignage à la lumière (Jn 1,7), en niant qu’il est le Christ, Élie ou le prophète (1,20-21). Jésus le met en valeur en parlant de lui comme de la lumière. Jean le Baptiste est la lumière qui luit (5,35), donc il participe à la véritable lumière qui est Jésus (8,12).

[11] 1,21b : « le prophète ». L’attente du prophète renvoie à Dt 18,15.18 // Ac 3,22. Yahvé dit à Moïse en Dt 18,15 : « Yahvé ton Dieu suscitera pour toi, du milieu de toi, parmi tes frères, un prophète comme moi, que vous écouterez » (BiJer).

[12] 1,23 : « Moi ? Une voix criant dans le désert : Rendez droit le chemin du Seigneur, comme a dit Isaïe, le prophète. » Cette citation vient de Is 40,3 (LXX) : « Une voix crie : “Dans le désert, frayez le chemin de Yahvé ; dans la steppe, aplanissez une route pour notre Dieu” » (BiJer). Le verbe « etoimazô » (frayer, préparer) en Is 40,3 est remplacé par le verbe « euthunô » (rendre droit) en Jn 1,23. En citant Is 40,3a et en s’identifiant à la « voix », Jean place sa mission dans la continuité avec l’Écriture.

[13] 1,24 : « Et ils avaient été envoyés par les Pharisiens (ek tôn Pharisaiôn). » La particule « des » ici est la contraction « de les » qui correspond au grec : « ek + article » et non pas à l’article indéfini « des ». Ainsi « des Pharisiens » joue le rôle de complément d’agent qui a le sens : « par les Pharisiens » ou « de la part des Pharisiens ». Ce sont les gens mandatés par les Pharisiens et non pas « ces gens sont les Pharisiens ». Les vv. 19.24 dévoilent que les prêtres et les Lévites sont envoyés par les Juifs (1,19) et par les Pharisiens (1,24). Dans l’évangile de Jean parfois les personnages « les Juifs » et « les Pharisiens » se regroupent et sont hostiles à Jésus (cf. 8,12-59 ; 9,13-41).

[14] 1,26b : « Moi, je baptise dans l’eau. » Jean le redit encore 2 fois dans l’unité suivante en 1,31.33. Cette expression est en parallèle avec « celui-ci [Jésus] qui baptise dans l’Esprit Saint » (1,33).

[15] 1,26c : « vous ne connaissez pas ». Les délégués des Juifs et des Pharisiens ne savent pas celui qui se tient au milieu d’eux. Personne ne connaît Jésus avant sa manifestation au monde. Jean lui-même dit qu’il ne le connaissait pas (1,31.33). Cf. la note de 1,31a. « Selon des traditions juives, le Messie, que rien ne distinguait des autres hommes, devait rester un inconnu jusqu’au jour où il serait manifesté comme Messie. » (BiJer, la note de 1,31).

[16] 1,27a : « celui qui vient après moi ». Cette expression mise dans la bouche de Jean est utilisée 2 fois en 1,15a.27a. Jean dit encore en 1,30a : « Après moi vient un homme... »

[17] 1,27b : « je ne suis pas digne que je délie la courroie de sa sandale ». Jean exprime à la fois la grandeur et l’écart qu’il place entre Jésus et lui-même en utilisant l’image de « délier la courroie de sa sandale ». Dans la société de l’époque, il existe une coutume sociale selon laquelle l’esclave noue et dénoue les courroies des sandales de son maître (cf. Zumstein*, I, 76).

[18] 1,28a : « Béthanie ». Variante : « Béthabara » (C2 K T Ψc) ou « Bétharaba » (א2). Ces termes signifient « lieu du passage », rappelant le passage du Jourdan au terme de l’Exode en Jos 3. Selon DEB, « Jourdan », 704, « C’est au point qu’Origène, suivi par plusieurs Pères et par une famille de manuscrits grecs, corrigera le Béthanie de Jn 1,28 en Bethabara : “maison du passage”, selon toute apparence un gué où se célébrait le souvenir de Josué. » Le nom « Béthanie » ici est à distinguer du village de Béthanie (à côté de Jérusalem) où habitent Marthe, Marie et Lazare (11,1.18 ; 12,1).

[19] 1,28b : « Béthanie, de l’autre côté du Jourdain ». L’indication géographique « Béthanie » est précisée par « de l’autre côté du Jourdain » (cf. 3,26; 10,40). Cette localité est incertaine, certains pensent que Béthanie est un bourg situé sur la rive gauche du Jourdan, à environ 25 km au nord de la mer Morte.

[20] 1,29a : « Le lendemain ». Cf. note 1,35a.

[21] 1,29a : « il voit Jésus venant vers lui et il dit :… » Les envoyés des Juifs et des Pharisiens (1,19.24) et l’interlocuteur de Jean ne sont pas indiqués dans l’unité 1,29-34. Le témoignage de Jean s’adresse donc au lecteur.

[22] 1,29b : « Voici (ide) ». La particule « ide » est la forme de la voix active, à l’impératif aoriste 2, et à la 2e personne du verbe « horaô » (voir). La désignation de quelqu’un par « voici » (ide) renvoie souvent à une révélation. C’est ainsi que Jean désigne Jésus : « Voici l’agneau de Dieu » (1,29.35) ; Pilate déclare aux Juifs sur Jésus : « Voici (ide) votre roi » (19,14) ; sur la croix, Jésus dit à sa mère : « Femme, voici (ide) ton fils » (19,26) et au disciple qu’il aimait : « Voici (ide) ta mère » (19,27).

[23] 1,29b : « l’agneau de Dieu ». Cette appellation apparaît seulement 2 fois dans le NT en Jn 1,29.36. La figure de l’agneau ici peut renvoyer (1) à l’Agneau pascal dans le livre de l’Exode (Ex 12,1-10.46), (2) aux « chants du serviteur » du Deutéro-Esaïe (42,1-9 ; 19,1-7; 50,4-11 ; 52,13–53,12), (3) à l’Agneau vainqueur de l’Apocalypse (Ap 6,16 ; 7,14-17 ; 17,14).

[24] 1,29c : « le péché du monde ». « Le péché » ici est au singulier, ce ne sont pas des péchés des hommes mais le péché du monde. Le péché désigne donc la relation rompue entre Dieu et l’homme. L’évangile de Jean parle plusieurs fois du péché par excellence : refuser de croire en Jésus (8,21 ; 9,41 ; 15,22.24 ; 16,8.9).

[25] 1,30b : « un homme (anèr) ». Le terme grec « anèr », traduit ici par « homme » (cf. 1,13 ; 6,10) a aussi le sens de « mari », apparaît en 5 occurrences (4,16.17a.17b.18a.18b) dans le dialogue entre Jésus et la femme samaritaine en 4,16-18.

[26] 1,30 : « C’est celui dont moi, j’ai dit : “Après moi vient un homme qui est devenu devant moi parce qu’avant moi il était.” » Ce verset renvoie à ce que le narrateur a rapporté dans le Prologue en 1,15 : « Jean témoigne à son sujet et il a crié, disant : “C’était celui dont j’ai dit : Celui qui vient après moi, devant moi est devenu, parce qu’avant moi il était.” » (cf. 1,27a).

[27] 1,31a : « je ne le connaissais pas ». Jean fait 2 fois cette déclaration en 1,31.33. Sans le connaître, comment Jean peut-il témoigner de Jésus ? La déclaration de Jean contient une double signification : d’une part, Jean ne le connaît pas mais il témoigne de lui parce que le contenu de son témoignage lui est révélé par Dieu, d’autre part, Jean est un être humain, comment peut-il connaître Jésus qui est « le Fils de Dieu » (1,34), « l’agneau de Dieu » (1,29a.36), ainsi Jean met en valeur l’identité et l’origine divines de Jésus.

[28] 1,31b : « pour qu’il [Jésus] fût manifesté à Israël ». Le terme « Israël » désigne l’ensemble du peuple élu. Cette manifestation de Jésus est le but de la mission de Jean.

[29] 1,32b : « J’ai vu, telle une colombe, l’Esprit descendre du ciel ». L’ordre des mots dans le texte grec : « J’ai vu l’Esprit descendre telle une colombe du ciel ». La figure de la colombe renvoie à l’histoire de Noé (Gn 8). La littérature juive assimile, entre autres, la colombe à l’Esprit (cf. Gn 1,2).

[30] 1,32c : « il [l’Esprit] a demeuré sur lui [Jésus] ». Cette demeure de l’Esprit sur Jésus renvoie à Is 11,2 ; 42,1 ; 61,1. Jésus va donner l’Esprit à l’heure de sa glorification (cf. 7,39 ; 19,30 ; 20,22-23). En Jn 14–16, le Paraclet sera identifié à l’Esprit de vérité (14,17 ; 15,26 ; 16,13) et à l’Esprit Saint (14,26).

[31] 1,33b : « celui qui m’a envoyé ». Cette expression renvoie à 1,6 : « Il y eut un homme, envoyé de Dieu, son nom était Jean ». La mission et le témoignage de Jean viennent de Dieu.

[32] 1,33d : « c’est celui-ci qui baptise dans l’Esprit Saint ». Ce baptême propre à Jésus sera précisé dans la rencontre entre Jésus et Nicodème. Il s’agit « de naître d’eau et d’Esprit » pour « entrer dans le Royaume de Dieu » (3,5).

[33] 1,34b : « le Fils de Dieu (ho huios tou theou) ». Variante : « l’Élu de Dieu (ho ekletos tou theou) » (P5vid א*) peu attestée mais suivie par Lagrange*, 44 ; Bussche*, 116 ; Boismard*, III, 80.


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