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Le 21 Août 2015.
Contenu
I.
Introduction
III.
Contexte et structure de Jn 1,35-51
1. Contexte
2. Structure
3. Les
verbes exprimant la vision, l’audition et le mouvement
IV. Les
parcours des cinq premiers disciples
1. Deux
disciples de Jean suivent Jésus (1,35-39)
2. Simon-Pierre
(1,40-42)
3. Philippe (1,43-44)
4. Nathanaël (1,45-50)
V. Les
titres de Jésus
1. « L’agneau de Dieu »,
1,35 (Jean Baptiste)
2.
« Le Messie » – « le Christ », 1,41 (André)
3.
« Celui dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les
prophètes… C’est Jésus, fils de Joseph, celui de Nazareth », 1,45 (Philippe)
4. « Le Fils de Dieu », « le
roi d’Israël », 1,49 (Nathanaël)
5. « Le Fils de l’homme », 1,51
(Jésus)
VI.
Conclusion
Bibliographie
Abréviation
I. Introduction
Il y a des différences indéniables entre le
récit des premiers disciples de l’évangile de Jean et celles des évangiles synoptiques.
Dans cet article nous ne faisons pas la comparaison avec les Synoptiques mais
analyserons seulement les parcours des premiers disciples dans l’évangile de
Jean en lien avec les titres de Jésus dans la péricope Jn 1,35-51.
Nous attribuons à cette péricope le
titre : « les premiers disciples de Jésus », cependant le terme
« mathètès » (disciple) pour désigner « les disciples de Jésus »
ne figure pas encore dans cette péricope. Le terme « mathètès »
utilisé 2 fois en 1,35.37 désigne deux disciples de Jean. Les disciples de
Jésus sont signalés pour la première fois en 2,2 : « Jésus aussi fut
invité à la noce, ainsi que ses disciples ». Les disciples de Jésus ici
peuvent désigner un cercle plus large que les Douze comme nous le verrons à la
fin du ch. 6, il y a une distinction entre « les disciples »
(6,60-66) et « les Douze » (6,67-71).
Les références aux auteurs sont abrégées au
seul nom de l’auteur et numéro de la page. Le nom de l’auteur suivi d’un
astérisque (*) renvoie à son commentaire de l’évangile de Jean. La référence
complète se trouve dans la bibliographie à la fin de cet article.
III. Contexte et structure de
Jn 1,35-51
1. Contexte
Après le prologue (1,1-18), l’ensemble de 1,19-51
est une introduction narrative de la mission de Jésus. Cet ensemble commence
par le témoignage de Jean (1,19) et se termine par la promesse de Jésus à ses
premiers disciples (1,50-51). La péricope suivante rapporte le premier signe de l’eau devenue bon vin à la noce de Cana
(2,1-12), où « il [Jésus] manifesta sa gloire et ses
disciples crurent en lui » (2,11b).
L’ensemble de 1,19-51 est donc bien limité et il
se structure en deux péricopes : (1) 1,19-34 : le témoignage de Jean,
voir l’article « “Le
témoignage” et “témoigner” de Jean Baptiste dans l’Évangile de Jean »,
(2) 1,35-51 : les premiers disciples de Jésus. Le témoignage de Jean dans la
première péricope (1,19-34) dévoile l’identité de Jésus, son origine mystérieuse
et sa relation avec Dieu. Au début de la deuxième péricope (1,35-51), Jean
présente Jésus à ses deux disciples. Le groupe des premiers disciples de Jésus
se constitue au fur et à mesure dans la péricope 1,35-51. La péricope 1,35-51
présente les parcours des premiers disciples de Jésus et la découverte de
l’identité de Jésus à travers plusieurs titres que nous présenterons dans la
structure de cette péricope.
2. Structure
La péricope 1,35-51 est bien délimitée, elle commence par le terme « le lendemain » (1,35) qui
marque un changement de scène. En 1,35-36, Jean présente Jésus à ses deux
disciples par le titre « l’agneau de Dieu ». Auparavant, Jean a témoigné
de Jésus en 1,29 : « Voici l’agneau de Dieu qui
enlève le péché du monde. » À la fin de la péricope 1,35-51, la promesse de Jésus aux disciples en 1,51 est à la
fois la conclusion de la péricope et l’ouverture à la mission et aux activités
de Jésus tout au long de l’évangile. Les deux occurrences du terme « le lendemain »
en 1,35.43 permettent de structurer la péricope 1,35-51 en deux unités [1], [2].
Chaque unité littéraire est divisée en deux sous-unités, ainsi la péricope
1,35-51 est formée de quatre sous-unités 1), 2), 3), 4) comme suit :
Les quatre sous-unités littéraires décrivent donc
quatre parcours pour devenir les disciples de Jésus. Sans compter l’appel de
Philippe (1,43), les scènes se construisent sur le même schéma : un
personnage présente Jésus aux autres par un titre qui exprime son identité,
ceux-ci écoutent la parole et viennent à Jésus. Ainsi Jean Baptiste présente Jésus
à ses deux disciples par le titre « l’agneau de Dieu », ces derniers
suivent Jésus et demeurent avec lui. André parle de Jésus à Simon :
« Nous avons trouvé le Messie » (1,41). Philippe présente Jésus à
Nathanaël comme « Celui dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les
prophètes… C’est Jésus, fils de Joseph, celui de Nazareth » (1,45).
Dans le dialogue entre Jésus et Nathanaël, ce dernier proclame que Jésus est « le
Fils de Dieu », « le roi d’Israël » (1,49). À la fin du récit, Jésus
parle de lui comme « le Fils de l’homme » sous forme d’une
promesse : « Amen, amen, je vous dis, vous verrez le ciel
ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de
l’homme » (1,51). Cette communication entre le ciel et la terre grâce au
Fils de l’homme sera présentée dans la suite de l’évangile.
Chaque scène contient des caractéristiques
propres. Par exemple, il n’y a pas de dialogue entre Jésus et Simon-Pierre et
entre Jésus et Philippe. Ce dernier est appelé directement par Jésus en deux
mots : « suis-moi ». Par contre, le cas de Nathanaël est
beaucoup plus développé par rapport à l’ensemble de la péricope 1,35-51. Il y a
un dialogue entre Philippe et Nathanaël puis un autre dialogue entre Jésus et
Nathanaël qui aboutit à une confession de foi de Nathanaël et une promesse de
Jésus adressée à Nathanaël, puis aux autres disciples ainsi qu’aux lecteurs.
3. Les verbes exprimant la
vision, l’audition et le mouvement
L’ensemble de la
péricope 1,35-51 est marqué par les verbes traduisant la
vision, l’audition et le mouvement, en particulier le thème « voir ». Jean
a fixé son regard sur Jésus (1,36), puis Jésus a fixé son regard sur Simon
(1,41). Jésus invite les deux disciples de Jean à venir et à voir et
« Ils vinrent donc et virent où il demeurait » (1,39). Philippe dit
la même phrase à Nathanaël « Viens et vois » (1,46). C’est Jésus qui
a vu Nathanaël quand il était sous le figuier (1,47.50). Enfin la promesse de
Jésus concerne « voir » dans la suite du récit. Jésus dit à
Nathanaël : « Tu verras de plus grandes choses que cela » (1,50)
et à tous les disciples : « Vous verrez… » (1,51).
Dans la péricope 1,35-51, le thème de vision
est exprimé par trois verbes : (1) « emplepô » (fixer le regard
sur) ; (2) « theaomai » (voir) et (3) « horaô »
(voir). Ces verbes pour décrire la vision sont inséparables des verbes exprimant l’audition : « legô »
(dire) ; « akouô » (écouter) et ceux
de mouvement : « akoloutheoô » (suivre), « zèteô »
(chercher), « erkhomai » (venir), « heuriskô » (trouver) et
« menô » (demeurer). Les références de ces verbes sont présentées
dans le tableau ci-dessous.
Les parcours pour devenir disciples sont
construits à travers des verbes exprimant la vision, l’audition et le
mouvement. En voyant Jésus et en entendant la parole de Jean, ses deux
disciples suivent Jésus et demeurent avec lui. André trouve Simon, Philippe
trouve Nathanaël en reconnaissant à Jésus son titre messianique. Un mouvement
exprimé par le verbe « trouver », puis une parole introduite par le verbe
« dire » aboutissent à une rencontre avec Jésus. Nous présentons
maintenant les parcours des disciples, puis les titres de Jésus dans la
péricope 1,35-51.
IV. Les parcours des cinq premiers
disciples
Que doit-on faire pour devenir disciple de
Jésus ? Le récit de 1,35-49 présente des chemins différents mais tous
convergent à une rencontre avec Jésus. Les cinq premiers disciples de Jésus
sont : un disciple
anonyme, André, Simon-Pierre, Philippe et Nathanaël.
1. Deux disciples de Jean suivent Jésus (1,35-39)
L’absence d’indication de lieu, de situation
et le silence sur le motif du passage de Jésus ou celui de l’adhésion des
disciples confèrent à cette scène (1,35-39) un caractère symbolique. Le récit commence
par la transmission de Jean au personnage principal du récit : Jésus. Le
témoignage de Jean en 1,19-34 atteint l’objectif dans le fait que deux de ses
disciples deviennent disciples de Jésus.
Cette scène contient une série de verbes qui
s’enchaînent : « voir », « écouter »,
« suivre », « chercher », « venir »,
« voir » et « demeurer ». Ces verbes décrivent le
cheminement de tous les disciples. Grâce au témoignage de leur maître sur Jésus :
« l’agneau de Dieu », les deux disciples de Jean « l’entendirent
parler et suivirent Jésus » (1,37). C’est ainsi que le témoignage de Jean
a porté son fruit. Le verbe « écouter » ici exprime une écoute
confiante et le verbe « suivre » exprime la volonté de devenir
disciple de Jésus. De l’endroit où Jean se tient (1,35), ses disciples le
quittent pour suivre Jésus. Jean a fini sa mission, désormais, Jésus devient le
protagoniste du récit. Dans la péricope 1,35-51, le verbe « suivre » est
employé 3 fois (1,37.38.40) pour mettre en valeur la condition du
disciple : suivre son maître, non seulement dans ses déplacements mais
surtout dans l’écoute de sa parole. Ainsi le vrai disciple va suivre le maître jusqu’à
donner sa vie comme Simon-Pierre (21,19.22). « Suivre Jésus » est un
des grands thèmes du quatrième évangile (cf. 1,43 ; 8,12 ;
10,4.27 ; 12,26 ; 21,20).
Le récit se poursuit en 1,38 :
« Jésus se retournant et les voyant suivre, leur dit : “Que
cherchez-vous ?” ». La première parole de Jésus dans l’évangile est
une question posée à ceux qui veulent le suivre. Cette parole a du sens :
d’abord c’est Jésus qui accueille ceux qui viennent à lui et qui demande la
raison de leur quête. La question « que cherchez-vous ? »
concerne tout homme, parce qu’elle touche à une recherche fondamentale de
l’existence humaine : « sa quête de sens et de plénitude de vie »
(Zumstein*, I, 86-87).
Dans le contexte du récit, les deux disciples de
Jean répondent à la question de Jésus par une autre question : « Où
demeures-tu ? » C’est la quête de la demeure de Jésus, mais la suite
du texte ne situe pas une localité. L’invitation de Jésus : « Venez
et vous verrez » (1,39) et sa réalisation : « Ils vinrent donc
et virent où il demeurait, et ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là » (1,39)
permettent aux disciples de reconnaître l’identité de Jésus et de découvrir que
Jésus lui-même est la véritable demeure pour l’homme.
La rencontre avec Jésus a porté fruit, exprimé
par la parole qu’André dit à son frère : « Nous avons trouvé le
Messie » (1,41). Le texte ne précise pas ce qu’ont vu ces deux disciples et
quels sont les éléments qui leur permettent de reconnaître en Jésus le Messie.
C’est au lecteur de faire sa propre expérience de la rencontre avec Jésus. Le
lecteur est invité à venir, voir et demeurer avec lui, puis de dire qui il est.
En même temps, Jésus leur promet : « Vous verrez le ciel
ouvert… », la véritable identité de Jésus reste à découvrir.
L’indication de la durée du demeurer « ce
jour-là » et l’heure de la rencontre « c’était environ la dixième
heure » (1,39) sont significatives. Pour les Juifs, la journée commence au
coucher du soleil, « la dixième heure » correspond donc à 4 heures de
l’après-midi, la rencontre se passe à la fin du jour. Les deux disciples
demeurent avec Jésus cette nuit-là pour « voir » et
« découvrir » qui est Jésus. De plus « la dixième heure »
(1,39) est un chiffre parfait qui possède une valeur symbolique. « “La
dixième heure” symboliserait donc l’heure parfaite de l’histoire du monde,
celle où commence l’avènement du Royaume, lorsque Jésus recrute ses deux disciples
et leur permet de “demeurer avec lui” » (Boismard–Lamouille*, III, 98).
Un seul de ces deux premiers disciples est
nommé : André (1,40). L’autre disciple reste anonyme. Certains auteurs ont
tenté d’identifier ce disciple anonyme avec « le disciple que Jésus aimait »
(Lagrange*, 46-47 ; Marchadour*, 2011, 62) ou avec Philippe (Boismard–Lamouille*,
III, 95 ; Léon-Dufour*, I, 193). Cependant les données du texte ne
permettent pas de le faire. Il est donc préférable de garder l’anonymat de ce
disciple comme une caractéristique du disciple de Jésus. La péricope 1,35-51
présente différents types d’appels. L’anonymat de ce disciple renvoie à la
communauté croyante et aux lecteurs. La plupart des disciples de Jésus restent
dans l’ombre, incognito, mais ils sont les disciples authentiques de Jésus. Un
autre profil du disciple est donné par l’appel de Simon-Pierre.
2. Simon-Pierre (1,40-42)
L’appel de Simon-Pierre
(1,40-42) suit la rencontre des deux disciples de Jean avec Jésus (1,37-39). Le
narrateur raconte en 1,40-42a : « 40 André, le
frère de Simon-Pierre, était l’un des deux qui avaient écouté Jean et qui
l’avaient suivi. 41 Celui-ci trouve d’abord son propre frère Simon et lui
dit : “Nous avons trouvé le Messie” – c’est-à-dire, étant traduit :
Christ –. 42a Il l’amena à Jésus. » Comme Jean Baptiste en 1,35-37, André
présente Jésus aux autres. Le texte précise le lien entre André et Simon et
décrit l’action d’André en trois verbes : « trouver »,
« dire » et « amener ». Par ce moyen, le groupe des
disciples s’agrandit. La joie de trouver le Messie doit être communiquée, le
texte invite tous les disciples à faire comme André : de « trouver »
quelqu’un, lui « dire » qui est Jésus et l’ « amener »
à lui.
L’appel de Simon se concrétise par son surnom
donné par Jésus. Cela est réalisé par un regard attentif de Jésus et une parole
transformatrice. Le narrateur relate en 1,42b : « Fixant son
regard sur lui [Simon], Jésus dit : “Toi, tu es Simon, le fils de Jean,
toi, tu seras appelé Céphas” – ce qui signifie : Pierre –. » D’abord
Jésus confirme son nom en référence à son origine familiale : « Toi,
tu es Simon, le fils de Jean ». C’est sur cette base de l’existence
humaine et individuelle que Jésus lui donne un nouveau nom :
« Céphas ». Ce terme araméen (Kèphas) qui désigne une pierre ronde ou
une pierre précieuse est traduit en grec : « Pierre » (Petros).
Le fait que Jésus donne un nom contient une
double signification. D’abord Jésus se présente comme le révélateur qui a l’autorité
de donner un nom à quelqu’un pour marquer un changement important dans le
projet de sa vie. Ensuite le surnom « Pierre » détermine sa vocation
et sa mission : être « pierre ». La notion « pierre »
évoque l’idée de fondement, ce qui se tient, ce qui demeure. Le quatrième
évangile représente Simon-Pierre comme le chef du groupe des disciples. Il est
le porte-parole du groupe des Douze (6,68) ; il exprime son attachement à
Jésus (13,36-37 ; 21,7.11) ; Jésus Ressuscité lui confie la charge de
pasteur (21,15-17) ; il a glorifié Dieu par sa mort (21,18-19). Le
parcours de Simon-Pierre correspond à son surnom donné par Jésus. Il a surmonté
sa faiblesse (13,38) et a suivi Jésus jusqu’à donner sa vie (21,19).
Pourquoi le
narrateur traduit-il le mot araméen : « Céphas »
en grec : « Pierre ». Jusqu’ici nous trouvons dans notre passage trois
traductions en quelques versets : (1) Rabbi « – ce qui se dit, étant
traduit : Maître – » (1,38) ; (2) Messie « –
c’est-à-dire, étant traduit : Christ – » (1,41) ; Céphas « –
ce qui signifie : Pierre – » (1,42). Les trois mots courants
dans le monde juif (Rabbi, Messie, Céphas) sont traduits dans l’usage courant de
la langue grecque (Maître, Christ, Pierre). Cette traduction dans le texte
aide le lecteur de l’évangile qui est plus habitué au grec qu’à l’hébreu ou l’araméen.
Ces traductions montrent que l’évangile est adressé à une communauté vivant dans
un milieu qui pratique le grec. Par le jeu des traductions, le récit fait
penser à une extension de la mission du monde juif au monde païen (cf. Calloud*,
I, 42).
Jésus appelle Simon souverainement et Pierre
ne dit rien devant la parole de Jésus comme si ce dernier connaissait parfaitement
la volonté de Simon-Pierre, sa disposition et sa vocation. Le texte se poursuit
par un 3e « lendemain » en 1,43.
3. Philippe (1,43-44)
L’appel de Philippe est le plus court, le
narrateur rapporte en 1,43 : « Le lendemain, il voulut partir pour la
Galilée, et il trouve Philippe. Jésus lui dit : “Suis-moi.” » Dans le
contexte du récit, c’est Jésus qui a voulu partir pour la Galilée, cf. la note [8] de la traduction. Le texte ne dit pas ce que Philippe a répondu à l’invitation de
Jésus. Mais dans la suite du récit, Philippe réagit de la même manière
qu’André, à savoir qu’il trouve Nathanaël et lui parle de Jésus. Après
l’appel de Philippe (1,43), le narrateur précise l’origine des trois disciples
déjà nommés : « Philippe était de Bethsaïde, la ville d’André et de
Pierre » (1,44). Bethsaïde, en grec « Bèthsaïda » signifie « la
maison de pêche ». Cette localité se trouve au nord du lac de Galilée et à
l’est du Jourdain. Elle est « érigée au rang de ville par le tétrarque Hérode Philippe,
entre 4 et 2 av. J.C., et nommée Julias en l’honneur de la fille d’Auguste (Fl.
Jos., A.J. 18,28) »
(DEB, art. « Bethsaïde »).
Le nom « Philippe » en grec : « Philippos » signifie « qui
aime les chevaux », ce nom apparaît en 12 occurrences dans évangile de
Jean (1,43.44.45.46.48;
6,5.7; 12,21.22a.22b; 14,8.9). Philippe est appelé par Jésus (1,43), il a amené
Nathanaël à Jésus (1,45-46). Il est mentionné à la multiplication des pains
(6,5-7), est l’intermédiaire entre Jésus et les Grecs (12,21-22) et pose une
question à Jésus en 14,8. L’appel de Philippe se passe en Galilée, il est originaire
de Bethsaïde mais son nom est d’origine grecque. Cet appel préfigure une ouverture
au monde hellénistique (cf. 12,21-22).
4. Nathanaël (1,45-50)
Le récit sur Nathanaël
est le plus développé du texte 1,35-51. Dans un premier temps, Philippe trouve
Nathanaël et un dialogue s’engage entre eux au sujet de Jésus (1,45-46). Dans
le deuxième temps, le dialogue entre Jésus et Nathanaël aboutit à la confession
de foi de Nathanaël. Puis Jésus lui dit : « Tu
verras de plus grandes choses que cela » (1,51b). Nathanaël est un nom
hébreu « netan’ēl », signifiant « Dieu a
donné ». Ce sens renvoie à la manière dont Jésus définit ses
disciples dans l’évangile de Jean : « Ce que le Père m’a
donné » (6,37.39 ; 17,2.6.24). « Nathanaël serait donc le type
du disciple en tant qu’il a été donné à Jésus par Dieu. » (Boismard–Lamouille*, III,
97). Selon 21,2, il est originaire de Cana en Galilée.
Ce que Philippe a dit à Nathanaël sur l’identité
de Jésus (1,45) sera traité dans la partie suivante. La réponse de
Nathanaël : « De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de
bon ? » (1,46a) est compréhensible, parce que la grandeur de
l’identité de Jésus, proclamée par Philippe est disproportionnée avec le
village de Nazareth, une localité totalement insignifiante et méconnue à
l’époque. « Nazareth est un lieu particulièrement obscur, car ce nom n’est
attesté ni dans l’A.T. ni dans les pseudépigraphes, ni chez Josèphe, ni même
dans les sources juives et païennes d’alors (Bultmann,
p. 73) » (Zumstein*, I, n. 105, 89).
En plus, selon une tradition juive rapportée
en 7,27, on ignorait d’où viendrait le Messie. La question de Nathanaël exprime
un doute, une réserve qui exige une explication plus fondée. Dans ce contexte, Philippe
invite Nathanaël en lui disant : « Viens et vois » (1,46b). Ce
sont les mêmes verbes que Jésus a dit aux deux premiers disciples en 1,39 :
« Venez et vous verrez » comme si ce n’est pas dans la tradition
qu’on peut trouver la réponse à la question posée par Nathanaël mais c’est dans
la rencontre avec Jésus.
La rencontre entre Jésus et Nathanaël met en relief
l’initiative de Jésus. Certes, Nathanaël vient à Jésus mais le texte dit que
c’est Jésus qui « vit Nathanaël venant à lui et il dit à son
sujet :… » (1,47a). La parole de Jésus touche l’identité profonde de
Nathanaël : « Voici vraiment un Israélite en qui il n’y a pas de
ruse » (1,47b). La première partie de la phrase affirme qu’il est un
Israélite authentique, digne de porter le nom « Israélite », celui qui
observe parfaitement la Loi. La deuxième partie de la phrase « en qui il
n’y a pas de ruse » veut dire qu’il est sans tromperie ni mensonge (cf. Ps
32,2 ; Is 53,9). Voir les diverses traductions du terme « dolos »
(ruse) dans la note [10] de la traduction.
Nathanaël s’étonne de l’éloge et il demande à
Jésus : « D’où me connais-tu ? » Jésus révèle à Nathanaël
sa connaissance exceptionnelle par une vision à distance, Jésus lui dit : « Avant
que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu »
(1,48b). Le moment où Jésus a vu Nathanaël est décrit avec soin sur deux points :
(1) L’indication de temps : « Avant que Philippe t’appelât »,
c’est-à-dire avant la rencontre avec Philippe, avant le doute sur l’origine
modeste de Jésus à Nazareth. (2) L’indication de lieu : « quand tu
étais sous le figuier ». La connaissance par une vision surnaturelle d’une
réalité cachée sans être présent prouve l’authenticité de ce que Philippe a dit
de Jésus. Nathanaël, un Israélite authentique, a reconnu qui est Jésus et proclame
sa propre découverte en disant à Jésus : « Rabbi, toi, tu es le Fils
de Dieu, toi, tu es le roi d’Israël » (1,49). Jésus précise la raison de
la foi de Nathanaël en lui disant : « Parce que je t’ai dit que
je t’ai vu sous le figuier, tu crois ? Tu verras de plus grandes choses
que cela » (1,50).
Il est intéressant de noter que dans le texte s’articulent
les deux verbes « dire » et « voir » pour conduire au
« croire ». Le « dire » de Jésus communique son
« voir » mystérieux à Nathanaël. La raison pour laquelle ce dernier
croit c’est qu’il a entendu une parole révélatrice d’une vision qui pénètre le
secret de sa vie. Cependant, ce « croire » est à approfondir parce
que Jésus lui promet de voir encore plus de grandes choses. Il y a donc un
glissement d’« écouter » à « voir ». La foi de Nathanaël
repose sur l’écoute de la parole de Jésus. Mais la découverte de Nathanaël est
considérée comme un « voir » de la manifestation de l’identité de
Jésus. Les plus grandes choses sont à voir dans la suite du récit. Le verbe
« croire » (pisteuô) est apparu la première fois dans l’évangile en
1,50 pour désigner la foi de Nathanaël, un vrai Israélite. Le
« croire » authentique reste à
découvrir grâce à l’élaboration théologique de ce verbe dans l’ensemble de
l’évangile. Voir l’article : « Croire
(pisteuô) dans l’Évangile de Jean ».
Le glissement du « tu » (1,50) au
« vous » (1,51) marque un élargissement et une ouverture. Dans le
texte, le « tu » désigne Nathanaël et le « vous » renvoie
aux premiers disciples de Jésus. Cependant ces deux pronoms personnels font
allusion aussi aux lecteurs. D’abord, Nathanaël est qualifié comme un vrai
Israélite qui est prêt à écouter Jésus, le texte invite le lecteur à faire comme
lui. Le « tu » de Nathanaël renvoie donc au « tu » personnel
du lecteur. Le « vous » désignant les premiers disciples dans le
texte, renvoie aussi à tous les disciples et aux lecteurs au cours des siècles.
Dans la même ligne de pensée, le « vous » en 1,51 rejoint le « vous »
que le narrateur adresse aux lecteurs à la fin de l’évangile :
« Ceux-là [les signes] ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que
Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie en
son nom » (20,31). Le récit 1,35-51 invite le lecteur à « suivre »
Jésus pour « voir » et « croire » à sa parole, c’est le
seul moyen pour saisir le sens des titres attribués à Jésus, lesquels préparent
à la manifestation de son identité dévoilée peu à peu durant dans sa mission.
V. Les titres de Jésus
Cette partie
analyse cinq déclarations sur le titre de Jésus : (1) Pour Jean Baptiste,
Jésus est « l’agneau de Dieu » (1,29.36). (2) André reconnaît en
Jésus « le Messie » – « le Christ » (1,41). (3) Pour Philippe,
Jésus est « celui dont Moïse a écrit dans la Loi,
ainsi que les prophètes… C’est Jésus, fils de Joseph, celui de Nazareth » (1,45). (4) Nathanaël
confesse devant Jésus : « Rabbi, toi, tu es le Fils de Dieu, toi, tu
es le roi d’Israël » (1,49). (5) Jésus s’identifie au « Fils de l’homme »
(1,51).
1. « L’agneau de Dieu », 1,35 (Jean Baptiste)
Jean Baptiste
désigne Jésus en 1,36b : « Voici l’agneau (amnos)
de Dieu. » Il a témoigné en 1,29 : « Le lendemain, il voit Jésus
venant vers lui et il dit : “Voici l’agneau (amnos) de Dieu qui enlève le
péché du monde…” ». Ce titre figure 2 fois dans l’évangile et dans la
bouche de Jean (1,29.36). Le terme « voici » (ide) est un présentatif
qui désigne quelqu’un ou quelque chose. La particule « ide » (voici)
est la forme de la voix active, à l’impératif aoriste 2, la 2e
personne du verbe « horaô » (voir). La désignation de quelqu’un par
« voici » (ide) renvoie souvent à une révélation. C’est ainsi que Jean
désigne Jésus (1,29.35), Pilate déclare aux Juifs au sujet de Jésus : « Voici
(ide) votre roi » (19,14). Sur la croix, Jésus dit à sa mère :
« Femme, voici (ide) ton fils » (19,26) et au disciple qu’il
aimait : « Voici (ide) ta mère » (19,27).
La désignation « Voici l’agneau de Dieu »
est donc une révélation sur l’identité de Jésus. Le génitif « de
Dieu » est compris dans le sens : cet agneau appartient à Dieu,
provient de Dieu, il est donné par Dieu pour enlever le péché du monde
(Léon-Dufour*, I, 170 ; Zumstein*, I, p. 79). Ce titre renvoie aux images
dans l’AT, ainsi qu’aux interprétations du NT. Voici trois allusions de la
figure de l’agneau :
(1) Allusion à l’agneau pascal dans le livre de
l’Exode. Dans la perspective johannique, le récit de la Passion contient des
détails qui renvoient à l’agneau pascal (18,28 ; 19,14.29.31.36). Le titre
« l’agneau de Dieu » en 1,29.36 renvoie donc à la métaphore de
l’agneau pascal dans le livre de l’Exode (Ex 12,1-10.46). La 1ère
épître de Pierre confirme cette interprétation : « …par un sang
précieux, comme d’un agneau sans reproche et sans tache, le Christ » (1 P
1,19, BiJer).
(2) Allusion aux chants du serviteur du
Deutéro-Isaïe (Is 42,1-9 ; 19,1-7 ; 50,4-11 ; 52,13–53,12) à
travers deux points : (1) Le serviteur en Is 53,7 est comparé à l’agneau :
« Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l’agneau (LXX,
probaton) qui se laisse mener à l'abattoir, comme devant les tondeurs une
brebis (LXX, amnos) muette, il n’ouvrait pas la bouche (Is 53,7, BiJer). (2) Le
Serviteur portait le péché en Is 53,12 : « Il s’est livré lui-même à
la mort et qu’il a été compté parmi les criminels, alors qu’il portait le péché
des multitudes et qu’il intercédait pour les criminels » (BiJer). Le
parallèle figure entre « l’agneau de Dieu « qui enlève (ho airôn) le
péché du monde » (Jn 1,29) et le Serviteur « portait (LXX, anènegken)
le péché des multitudes » (Is 53,12), tout en notant une différence portée
sur les verbes : L’agneau « enlève » le péché, tandis que le
Serviteur le « porte ».
(3) Dans le NT, la figure de « l’agneau
de Dieu » renvoie à l’Agneau vainqueur dans le livre de l’Apocalypse en
7,16-17 : « 16 Jamais plus ils ne souffriront de la faim ni de la
soif ; jamais plus ils ne seront accablés ni par le soleil, ni par aucun vent
brûlant. 17 Car l’Agneau (arnion) qui se tient au milieu du trône sera leur
pasteur et les conduira aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute
larme de leurs yeux » (BiJer), cf. Ap 6,16 ; 17,14… L’agneau
vainqueur a vaincu le péché et la mort dans sa Passion, tout en remarquant
qu’il s’agit de deux termes grecs différents : « amnos » (agneau)
dans l’évangile de Jean et « arnion » (jeune agneau) dans
l’Apocalypse.
Le titre « l’agneau de Dieu » dans l’évangile
de Jean fait allusion à l’événement de la Croix, mais dans une nouvelle
perspective. Jésus n’est pas mort pour enlever le péché du monde mais pour
exprimer son plus grand amour envers les siens (13,1 ; 15,13). Par l’amour
exprimé dans le geste de « déposer sa vie » (10,18), Jésus enlève le
péché du monde. Désormais, quiconque croit en Jésus peut entrer en communion
avec Dieu. Le titre « l’agneau de Dieu » marque l’accomplissement de l’attente
d’Israël d’une personne qui est capable d’établir la communion entre le monde
et Dieu. En entendant ce titre, les deux disciples de Jean ont suivi Jésus et ont
reconnu en lui « le Messie » (1,41).
2. « Le Messie » – « le Christ », 1,41 (André)
André dit à
Simon : « Nous avons trouvé le Messie »
(1,41) comme le résultat de la recherche. Jésus dit aux deux disciples :
« Que cherchez-vous ? » (1,38). Ils cherchaient et ont trouvé.
Dans le NT, le titre
« Messie » n’est
employé que 2 fois en Jn 1,41 ; 4,25. Ce terme qui signifie « Oint », vient de l’araméen « Meshia »
et de l’hébreu « Masiah »,
translittéré en grec « Messias » et traduit en grec « Christ »
(1,41). Il y a
un article devant le terme « Messie » en 1,41, on peut le considérer
comme un appellatif équivalent à « Oint » applicable à plusieurs
personnages dans la Bible : (1) Le roi régnant (1 S 10,1), (2) Le
grand-prêtre (Ex 29,7), (3) Les patriarches (Ps 105,15), (4) Le Sauveur promis
(Ps 2,2 ; Ps Sal 17,32), (cf. DEB, art. « Messie »). En Jn 4,25,
le terme « Messie » n’a pas d’article, la Samaritaine dit à
Jésus : « Je sais qu’un Messie doit venir – celui qu'on appelle
Christ » (TOB). Dans ce cas, Messie équivaut à un nom propre, employé sans
article. Dans la tradition juive, le titre « Messie » désigne celui
qui accomplit l’espérance d’Israël, l’attente eschatologique
juive. Dans le NT, l’usage fréquent du terme « Christ » au lieu de
« Messie » renvoie à la foi chrétienne en Jésus-Christ.
La rencontre avec Jésus a porté fruit, les
disciples ont découvert en Jésus le Messie. Cependant le rôle du Messie
attribué à Jésus reste à définir dans la suite de l’évangile. Pour l’instant, le
titre de Messie en 1,41 doit être interprété en lien avec les autres titres dans
la péricope 1,35-51.
3. « Celui
dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les prophètes… C’est Jésus, fils de
Joseph, celui de Nazareth », 1,45 (Philippe)
Ce que Philippe
dit à Nathanaël réunit deux choses en la personne de Jésus : (1) « Celui dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les prophètes,
nous l’avons trouvé » (1,45a) et (2) « C’est Jésus, fils de Joseph,
celui de Nazareth » (1,45b). Nous trouvons ici la même déclaration d’André
en 1,41 : « Nous avons trouvé (heurèkamen) ». La deuxième partie
de la phrase identifie Jésus, fils de Joseph avec les annonces de l’Écriture.
Le terme « la loi » (nomos) ici désigne le Pentateuque que la
tradition attribue à Moïse et l’expression « les prophètes » renvoie à
l’ensemble de l’activité des prophètes et de leurs écritures qui interprètent la
Loi. « La Loi et les prophètes » constituent donc les deux
parties les plus importantes de la Bible hébraïque. Voici quelques annonces de
l’arrivée du Messie : Yahvé dit à Moïse en Dt 18,18 : « Je leur
susciterai, du milieu de leurs frères, un prophète semblable à toi, je mettrai
mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai »
(BiJer). Isaïe annonce en Is 11,1-2 : « 1 Un rejeton sortira de
la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. 2 Sur lui reposera l’Esprit
de Yahvé, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force,
esprit de connaissance et de crainte de Yahvé » (BiJer).
Ce qui est écrit dans la Loi et les prophètes
est accompli en la personne de « Jésus, fils de Joseph, celui de
Nazareth » (Jn 1,45b). Cette indication de l’origine terrestre de Jésus, sa
famille et son village de Nazareth est en contraste avec l’annonce de
l’Écriture, parce que Nazareth est une localité insignifiante (voir l’objection
de Nathanaël plus haut). En 7,52, les Pharisiens disent à Nicodème au sujet de
Jésus : « Étudie ! Tu verras que ce n’est pas de la Galilée que
surgit le prophète » (7,52b, BiJer). En 6,42, les Juifs murmurent au sujet
de Jésus en disant : « Celui-là n'est-il pas Jésus, le fils de
Joseph, dont nous connaissons le père et la mère ? Comment peut-il dire
maintenant : Je suis descendu du ciel ? » (BiJer). Le contraste en
1,45 met en relief le mystère de l’incarnation : « Le Logos est devenu
chair et il a habité parmi nous » (1,14a). Jésus est à la fois le fils de
Joseph et celui qui est descendu du ciel (6,38.42).
4. « Le Fils de Dieu », « le
roi d’Israël », 1,49 (Nathanaël)
En écoutant les paroles de Jésus, Nathanaël lui
attribue trois titres en 1,49 : « Rabbi », « le Fils de
Dieu » et « le roi d’Israël. » Il dit à Jésus :
« Rabbi, toi, tu es le Fils de Dieu, toi, tu es le roi d’Israël. » En
1,38b les disciples ont déjà appelé Jésus « rabbi », Nathanaël
utilise ce titre mais avec une haute considération pour Jésus à travers les
deux titres qui suivent.
L’appellation « le fils de Dieu »
dans le contexte de 1,35-51 n’a pas encore le sens fort de la confession
chrétienne sur la divinité de Jésus. Elle est suivie par le titre « le roi
d’Israël. » En 2 S 7, Yahvé
a donné à David ces deux titres. Samuel dit l’oracle de Yahvé au sujet de David en 2 S 7,13-14a : « 13 C’est lui qui construira une maison pour
mon Nom et j'affermirai pour toujours son trône royal. 14a Je serai pour lui un
père et il sera pour moi un fils » (BiJer). Dans le Ps 2,6, Yahvé
dit : « C’est moi qui ai sacré mon roi sur Sion, ma montagne
sainte », puis le psalmiste continue dans le verset suivant : « J’énoncerai
le décret de Yahvé Il m’a dit : “Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai
engendré” » (Ps 2,7, BiJer). Dans cette ligne, Nathanaël attribue à Jésus
les titres du Messie davidique.
Il y a une progression dans la narration du
récit, en 1,31, Jean déclare : « C’est pour qu’il [Jésus] fût
manifesté à Israël que je suis venu, moi, baptisant dans l’eau. » En 1,49,
Jésus est proclamé « le roi d’Israël ». Quand Jésus entre à Jérusalem
à la fin de sa mission, la foule crie : « Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur et le roi
d'Israël ! » (12,13, BiJer). Les titres que Nathanaël a proclamés sont
à approfondir mais c’est déjà un acte de foi naissant comme Jésus lui
dit : « Parce que je t’ai dit que je t’ai vu sous le figuier, tu
crois ? Tu verras de plus grandes choses que cela. »
Les titres que les premiers disciples
attribuent à Jésus montrent l’accomplissement de l’Écriture. Le Messie attendu
par le peuple, annoncé dans la Loi et les prophètes est Jésus, fils de Joseph. Quant
à Jésus, il parle de lui-même dans une autre perspective, il s’identifie au « le
Fils de l’homme », qui est-il ?
5. « Le Fils de l’homme », 1,51
(Jésus)
Le dernier verset
de la péricope 1,35-51 est une promesse de Jésus adressée aux premiers
disciples ainsi qu’aux lecteurs : « Amen, amen,
je vous dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter
et descendre sur le Fils de l’homme » (1,51). La promesse précédée par
un double « amen » marque l’autorité de Jésus, l’importance et la vérité
de la révélation, voir la note [11] de la traduction.
Jésus promet une vision : « vous
verrez » avec deux choses à voir : « le ciel
ouvert » et « les anges de Dieu monter et descendre sur le
Fils de l’homme » (1,51). Dans l’expression « le ciel ouvert »,
le verbe « ouvrir » est au participe
parfait « aneôgota », désormais la communication entre le ciel
et la terre est réalisée pour toujours. L’image des anges de Dieu qui montent
et descendent renvoie au songe de Jacob à Bethel en Gn 28,12 : « Il [Jacob]
eut un songe : Voilà qu’une échelle était dressée sur la terre et que son
sommet atteignait le ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient ! »
(BiJer). Dans le songe, Jacob voit Yahvé se tenant devant lui et promettant de
lui donner la terre, une descendance nombreuse et sa protection. La réaction de
Jacob est relatée en Gn 28,16-17 : « 16 Jacob s’éveilla de son
sommeil et dit : En vérité, Yahvé est en ce lieu et je ne le savais
pas ! 17 Il eut peur et dit : Que ce lieu est redoutable ! Ce
n’est rien de moins qu’une maison de Dieu et la porte du ciel ! » (BiJer).
Dans la perspective johannique, « le Fils de l’homme » remplace l’échelle,
il devient le lieu de la communication avec le ciel, le lieu de la présence de
Dieu, le lieu où Dieu affirme et réalise sa promesse. Avec les mots de Jacob en Gn 28,17,
« le Fils de l’homme » (Jn 1,51) représente « la maison de Dieu
et la porte du ciel » (Gn 28,17b).
Les premiers disciples de Jésus ne savaient
pas encore toute la portée de l’identité de Jésus laquelle se manifestera dans sa
mission, cependant les découvertes sur Jésus-Messie qui s’enracinent dans la tradition
vétérotestamentaire permettent aux disciples de recevoir la révélation de Jésus
à travers la figure du « Fils de l’homme ». Qui est-il ? Dans le
livre de Daniel, l’appellation « Fils de l’homme » se trouve dans des
contextes eschatologiques, Daniel décrit sa vision en Dn 7,13 : « Je
contemplais, dans les visions de la nuit. Voici, venant sur les nuées du ciel,
comme un Fils d’homme. Il s’avança jusqu’à l’Ancien et fut conduit en sa
présence » (BiJer).
Dans l’évangile de Jean, « le Fils de l’homme »
(13 occurrences) est présenté comme l’envoyé du Père, il est descendu du ciel
et est ensuite élevé. Après 1,51, la deuxième parole sur le Fils de l’homme se
trouve dans la déclaration de Jésus en 3,13-15 : « 13 Nul n’est
monté au ciel, hormis celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. 14 Comme
Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de
l’homme, 15 afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle » (BiJer).
« Le Fils de l’homme » en 1,51 est donc un titre christologique qui introduit
les disciples et les lecteurs à la révélation sur l’identité et la mission de
Jésus par la suite.
VI. Conclusion
Les parcours de
la reconnaissance des premiers disciples (le disciple
anonyme, André, Simon-Pierre, Nathanaël) commencent par l’écoute, d’un titre attribué à Jésus, puis ils font la
démarche de le rencontrer, sauf le cas de Philippe, c’est Jésus qui le trouve
et l’appelle à le suivre. Mais dans tous les cas, la rencontre transformatrice
avec Jésus les fait devenir ses disciples. Dans
l’ensemble, la péricope 1,35-51 se réfère à trois temps : (1) Un temps
passé exprimé par la continuité avec la promesse accordée à Israël. Celui qui
est décrit dans la Loi et annoncé par les prophètes est bel et bien Jésus, fils
de Joseph, il est le Messie, le fils de Dieu, le roi d’Israël. (2) Un temps
présent figuré par les rencontres entre Jésus et ses premiers disciples. Ces
derniers ont reconnu en Jésus le Messie attendu. (3) Un temps à venir reposé
sur la promesse de Jésus : « tu verras... », « vous verrez... » (1,50-51).
Les parcours des premiers disciples de Jésus
sont racontés de manière particulière, chaque unité littéraire contient des
caractéristiques propres. Ainsi, la vocation des premiers disciples revêt une
portée symbolique. Ce sont des modèles pour les autres disciples ainsi que pour
les lecteurs qui vont rejoindre Jésus par la suite. Le récit 1,35-51 montre donc
aux lecteurs comment faire pour venir à Jésus et devenir ses disciples. Le
texte présente une série de verbes pour nouer la relation avec Jésus. D’abord
c’est « entendre » une parole sur Jésus, ensuite se mettre à le
« chercher », le « suivre », l’« écouter » et
« demeurer » avec lui. La rencontre avec Jésus permet de découvrir pas
à pas son identité, et surtout d’avoir le désir de continuer à le suivre pour
voir des choses plus grandes encore. Le récit 1,35-51 introduisant à la mission de Jésus, n’a pas encore tout
révélé sur l’identité de Jésus ainsi que le statut des
disciples. C’est dans la suite du récit que les disciples et les lecteurs
verront mieux qui est Jésus, d’où il vient et ce qu’il fait, ainsi que les
conditions pour être ses disciples.
Les différents parcours des premiers disciples
en 1,35-51 dévoilent aux lecteurs la disposition nécessaire pour lire
l’évangile. Comment ce récit peut-il créer une soif, une ouverture du cœur et
de l’esprit chez le lecteur pour écouter et voir plus loin dans la suite de la
lecture ? Comment le contact avec Jésus peut-il transformer le lecteur en
abondance et en plénitude de la vie ? Pour avancer dans cette découverte,
il faut un déplacement physique et spirituel, c’est-à-dire que cela exige de venir
à Jésus, de le suivre, de l’écouter et de demeurer avec lui, sous la conduite
du narrateur au fil de la lecture de l’évangile./.
Source: http://leminhthongtinmunggioan.blogspot.co.il/2015/08/jn-135-51-les-premiers-disciples-de.html
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DEB : Abbaye de Maredsous (éd.), Dictionnaire encyclopédique de la
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Nestle-Aland, Novum Testamentum
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NT : Nouveau
Testament
Osty : Osty E., Trinquet J., La Bible, Paris, Le Seuil, 1973.
P5vid.66.75 B
C* L Ws Ψc
083 f1 33, voir l’apparat critique de N-A28.
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