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Le 15 Mars 2015
Contenu
Introduction
I.
Le titre « Évangile selon Jean » aux IIe et IIIe
siècles
1. Le Papyrus P52 (Papyrus
Rylands 457)
2. Le Papyrus P66 (Papyrus Bodmer II)
3. Le Papyrus P75 (Papyrus
Bodmer XIV-XV)
II.
Le titre « Évangile selon Jean » aux IVe et Ve
siècles
1. Le Codex Sinaiticus (א.01), IVe s.
2. Le Codex Vaticanus (B.03), IVe
s.
3. Le Codex Alexandrinus (A.02), Ve
s.
4. Le Codex de Bèze (D.05), IVe-Ve
s.
5. Le Codex Washingtonianus (W.032), IV-Ve
s.
6. Résumé des titres dans les manuscrits
III.
L’utilisation des titres de l’évangile de nos jours
1. « Selon Jean » (κατα ιωαννην)
2. « Évangile selon Jean »
3. « Évangile selon saint Jean »
4. « Évangile de Jean »
5. « Quatrième Évangile »
IV.
Le « titre » dans l’interprétation d’une « œuvre »
Conclusion
Introduction
En général, le
titre donné à une œuvre littéraire résume le contenu du texte et guide la
lecture. Dans cet article nous observerons l’utilisation des
titres : « Évangile selon Jean », « Évangile de Jean »
et « quatrième évangile » pour rapporter le récit de la vie de Jésus en
21 chapitres. La partie principale présente le titre de cet évangile sur les
manuscrits grecs du IIe au Ve siècles. Ce sont les
papyrus : P52, P66, P75 et les Codex :
Sinaiticus, Vaticanus, Alexandrinus, de Bèze et Washingtonianus. Ensuite nous
notons brièvement l’utilisation des titres ci-dessus dans les textes grecs, les
traductions, les commentaires et les études de cet évangile aujourd’hui. Enfin
nous faisons quelques remarques sur le lien entre le « titre » et
l’interprétation d’une « œuvre ». Nous utilisons la suscription
« Évangile selon Jean » comme il est indiqué sur les manuscrits
présentés ci-dessous.
I. Le titre « Évangile selon Jean » aux IIe et IIIe
siècles
Il semble que
l’auteur (ou rédacteur) historique des quatre évangiles canoniques n’a pas
donné de titre à son évangile. Les titres de ces évangiles ont donc été attribués
par des lecteurs. Il est convenu que l’Évangile selon Jean a pris sa forme
finale et a été mis à la disposition des lecteurs vers la fin du Ier
siècle. Actuellement, nous avons un témoin textuel de cet évangile provenant d’un
fragment de papyrus P52, daté du début du IIe siècle.
Cependant, le titre de l’évangile ne figure pas dans ce fragment. C’est seulement
sur les papyrus P66 et P75, datés de la fin du IIe
et du début du IIIe siècle, que le titre du quatrième évangile est
attesté. Ces trois papyrus : P52, P66 et P75
sont les objets de notre présentation.
1. Le Papyrus P52
(Papyrus Rylands 457)
Le fragment papyrus
P52, appelé aussi Papyrus Rylands 457, daté des années 125-150, est
le plus ancien texte du Nouveau Testament connu de nos jours. Ce papyrus
a été trouvé en Égypte au début du XXe siècle et il est conservé maintenant
à John Rylands Library de Manchester, au Royaume-Uni. La taille de ce fragment
est de 9 cm x 6 cm, c’est un extrait d’un codex de papyrus, écrit en grec
ancien. Le Papyrus P52 contient quelques mots de certains versets de
l’Évangile selon Jean. Il figure au recto des lettres de Jn 18,31-33 au verso des
lettres de Jn 18,37-38.
Le recto et le verso du P52 (Papyrus Rylands 457)
http://www.katapi.org.uk/BibleMSS/P52.htm
Les lettres grecques en majuscules et en gras ci-dessous
sont visibles sur le fragment P52.
sont visibles sur le fragment P52.
Nous n’avons pas de trace du titre de cet évangile dans ce
fragment. C’est-à-dire que nous n’avons pas de témoin du titre du
quatrième évangile à la première moitié du IIe siècle. L’attestation
la plus ancienne de la suscription du quatrième évangile se trouve dans le
papyrus P66, daté de la fin du IIe siècle.
Le papyrus P66,
appelé aussi Papyrus Bodmer II, est daté environ de l’an 200. Il est découvert
en 1952 à Pabau près de Dishna, en Égypte et il est conservé maintenant à
la Bibliothèque Bodmer à Cologny près de Genève. Ce papyrus est mis en
ligne : http://earlybible.com/manuscripts/p66-Joh-150.html. Il est écrit
en grec ancien sans séparation entre les mots et il est composé de 39 folios,
soit 78 feuilles, 156 pages. La taille de chaque feuille est de 14,2 cm
x 16,2 cm avec 15 à 25 lignes par page. Il contient presque tout
l’Évangile selon Jean : Jn 1,1–6,11 ; 6,35–14,26.29-30 ;
15,2-26 ; 16,2-4.6-7 ; 16,10–20,20.22-23 ; 20,25–21,9. Les
dernières feuilles sont très abîmées. L’épisode de la femme adultère (Jn 7,53–8,11)
ne figure pas sur le papyrus P66.
Le papyrus P66 (Papyrus Bodmer II) :
Près de la marge
supérieure du texte de la première feuille de ce papyrus (voir la photo ci-dessus),
le titre de l’évangile est identifiable : ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (ÉVANGILE
SELON JEAN), en minuscules : ευαγγελιον κατα Ιωαννην (évangile
selon Jean). Les lettres en gras sont visibles sur le papyrus.
Généralement, dans
la littérature antique, la suscription placée au début d’une œuvre littéraire
n’est que secondaire, le titre officiel se trouve à la fin d’une œuvre. Malheureusement,
les dernières feuilles du manuscrit P66 sont endommagées, nous
n’avons donc pas la fin de l’Évangile selon Jean. Un autre témoin intéressant
du titre des évangiles est le papyrus P75.
3. Le Papyrus P75
(Papyrus Bodmer XIV-XV)
Le papyrus P75,
dénommé aussi Papyrus Bodmer XIV-XV, est daté des années 175–225. Il est
découvert en Égypte et conservé maintenant à la Bibliothèque du Vatican.
Ce papyrus, écrit en grec ancien sans séparation entre les mots, est composé de
36 folios, soit 72 feuilles, 144 pages. La dimension de chaque feuille est de
13 cm x 26 cm avec 38-45 lignes par page. Il contient Lc 3,18–24,53 avec des
lacunes et Jn 1,1–11,45.48-57 ; 12,3–13,10 ; 14,8–15,10. Comme sur le
papyrus P66 présenté plus haut, le papyrus P75 ne contient
pas l’épisode de la femme adultère (Jn 7,53–8,11).
La fin de Luc et
le début de Jean sur le papyrus P75 :
Après la dernière
ligne de l’Évangile selon Luc, le titre de cet évangile est présenté sur trois
lignes (voir la photo ci-dessus), et avant de commencer l’Évangile selon Jean,
le titre de cet évangile apparaît sur deux lignes comme suit :
Les suscriptions à la fin de l’Évangile selon Luc
et au début de
l’Évangile selon Jean sur le papyrus P75
(La dernière
ligne de l’Évangile selon Luc)
ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ÉVANGILE
ΚΑΤΑ SELON
ΛΟΥΚΑΝ LUC
ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ÉVANGILE
ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ SELON JEAN
(La
première ligne de l’Évangile selon Jean)
Ces
titres sont écrits en minuscules : ευαγγελιον κατα Λουκαν (évangile
selon Luc), ευαγγελιον κατα Ιωαννην (évangile selon Jean). Cette présentation sur le
manuscrit montre que le titre officiel est mis à la fin de l’évangile où il
occupe un espace plus important (trois lignes pour Luc) que le titre secondaire
qui est placé au début de l’évangile (deux lignes pour Jean). La fin de
l’Évangile selon Jean est omise sur le papyrus P75. Mais il est
probable qu’il ait existé un titre à la fin de l’Évangile selon Jean et qu’il soit
présenté de la même façon que l’Évangile selon Luc (sur trois lignes).
Ces deux témoins
de la suscription du quatrième évangile sur les papyrus P66 et P75
sont les plus anciens (fin du IIe et début du IIIe siècles)
que nous connaissons aujourd’hui. Cependant, nous n’avons pas encore le
titre véritable, placé à la fin de cet évangile. Les grands codex de
la Bible aux IVe-Ve siècles présentent le titre au début
et à la fin de l’Évangile selon Jean.
II. Le titre « Évangile selon Jean » aux IVe et Ve
siècles
Cette partie montre
le titre de l’Évangile selon Jean dans cinq codex de la Bible, datés des IVe
et Ve siècles : (1) Codex Sinaiticus ; (2) Codex
Vaticanus ; (3) Codex Alexandrinus ; (4) Codex de Bèze ; et (5)
Codex Washingtonianus.
1. Le Codex
Sinaiticus (א.01), IVe s.
La forme du Codex Sinaiticus :
Une page du Codex Sinaiticus (Mt 3,8–4,19) :
Sur le
Codex Sinaiticus, le quatrième évangile commence au début de la page de droite
avec le titre : ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (SELON JEAN) en marge, en haut à
gauche :
http://www.codexsinaiticus.org/en/
La transcription en
lettre minuscules :
Les
caractères en rouge sont des annotations ; les mots en bleu donnent plus d’informations
sur le web http://www.codexsinaiticus.org/en/, il s’agit souvent d’une
correction.
La
véritable suscription se trouve à la fin du quatrième évangile ; elle
est écrite dans l’espace du texte et non pas dans la marge comme au début de l’évangile.
À la fin de la quatrième colonne à la page de droite se trouve le titre
officiel sur trois lignes qui marque la fin du quatrième évangile :
La
fin de l’Évangile selon Jean dans le Codex Sinaiticus :
(La dernière ligne de l’Évangile)
ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ÉVANGILE
ΚΑΤΑ SELON
ΙΩΑΝΝΗΝ JEAN
La transcription en lettre minuscules :
En
résumé, dans le Codex Sinaiticus, le titre au début du quatrième évangile est placé dans la marge de
la page et sous une forme brève : ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (SELON JEAN). Le titre complet et
officiel figure à la fin du texte de l’évangile : ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (ÉVANGILE SELON JEAN).
2.
Le Codex Vaticanus (B.03), IVe s.
Le Codex
Vaticanus (sigle : B.03) est daté vers les années 325-350 et il est conservé
à la Bibliothèque apostolique vaticane. C’est le plus ancien
manuscrit connu qui transmet le texte presque complet de l’Ancien et du Nouveau
Testament. Le Codex Vaticanus est un manuscrit sur vélin, en écriture grecque onciale.
Il est composé de 759 feuilles, écrites sur trois colonnes, 42 lignes par
colonne, excepté les livres poétiques, écrits sur deux colonnes. L’épisode de
la femme adultère (Jn 7,53–8,11) ne figure pas dans ce Codex.
La
fin de l’Évangile selon Luc et le début de l’Évangile selon Jean dans le codex
Vaticanus :
Photo
en gros plan de la fin de l’Évangile selon Luc :
Le
titre officiel de l’Évangile selon Luc est placé à la fin du troisième évangile
et dans le texte : ΚΑΤΑ ΛΟΥΚΑΝ (SELON LUC).
Photo
en gros plan du début de l’Évangile selon Jean :
Le
titre au début du quatrième évangile : ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (SELON JEAN) est placé dans la marge supérieure
de la page. Il est moins important que le véritable titre qui se trouve
à la fin de cet évangile.
La
fin de l’Évangile selon Jean dans le Codex Vaticanus :
Photo
en gros plan de la fin de l’Évangile selon Jean :
Le titre officiel du quatrième évangile : ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (SELON JEAN) est placé dans l’espace du texte. La fin de l’évangile est marquée par un dessin. Notons que dans le Codex Vaticanus, il n’y a pas de terme ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ (ÉVANGILE) dans le titre.
3. Le Codex Alexandrinus (A.02), Ve s.
Le
Codex Alexandrinus (sigle : A.02) est daté du Ve siècle. Ce
codex tire son nom de la ville d’Alexandrie où l’on suppose qu’il fut
rédigé. En 1098, il appartenait au Patriarche d’Alexandrie, puis il a été donné
à Charles Ier d’Angleterre en 1628, il est conservé maintenant
à la British Library de Londres. Ce manuscrit est disponible en
ligne : http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=royal_ms_1_d_viii_fs001r.
C’est un manuscrit qui contient la Septante et le Nouveau Testament lesquels sont presque
complets. Il est écrit en grec oncial avec deux colonnes sur chaque page, chaque
colonne contient entre 46 et 52 lignes et chaque ligne entre 20 et 25 lettres. On
dénombre 773 feuillets en vélin (630
pour l’Ancien Testament et 143
pour le Nouveau Testament). Pour les évangiles, au début de chaque livre figure
une table de titres ou sommaires numérotés représentant un système de division
datant de la fin du IVe siècle.
Début
de l’Évangile selon Jean :
http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=royal_ms_1_d_viii_fs001r.
Photo
en gros plan du début de l’Évangile selon Jean :
http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=royal_ms_1_d_viii_fs001r.
La
colonne à gauche est le sommaire, la colonne à droite est le début de
l’Évangile selon Jean. Notons que le texte ne donne pas le titre au
début de l’évangile. Le titre se trouve à la fin de l’évangile.
La fin de l’Évangile selon Jean :
http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=royal_ms_1_d_viii_fs001r.
Photo
en gros plan de la fin de l’Évangile selon Jean :
http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=royal_ms_1_d_viii_fs001r.
Le
titre de l’Évangile selon Jean est encadré et placé à la fin de l’évangile avec
les termes : ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (ÉVANGILE SELON JEAN).
4.
Le Codex de Bèze (D.05), IVe-Ve s.
Le
Codex de Bèze a le sigle D.05, il est daté autour des IVe-Ve
siècles. Ce manuscrit se trouvait auparavant à Lyon en France. Sa
présence y est attestée depuis le IXe siècle. Il est
conservé maintenant à l’université de Cambridge et mis en ligne : http://cudl.lib.cam.ac.uk/view/MS-NN-00002-00041/1.
C’est un manuscrit bilingue en grec (sur la page de gauche) et en latin (sur la
page de droite), écrit en grec oncial sur vélin. Il comporte 406
feuilles de 26 cm x 21,5 cm, une seule colonne, 33 lignes par colonne.
Le Codex de Bèze contient quatre évangiles selon l’ordre occidental : Mt –
Jn – Lc – Mc (comme dans le Codex Washingtonianus, ci-dessous), après quelques
pages manquantes se trouvent la troisième Épître de Jean, puis les Actes des
Apôtres jusqu’au chapitre 21. La péricope de la femme adultère se trouve
insérée au début du chapitre 8 de l’Évangile selon Jean. Les trois premières
lignes de chaque livre sont écrites à l’encre rouge et le reste avec de l’encre
brune.
Le
début de l’Évangile selon Jean en grec sur la page de gauche :
http://cudl.lib.cam.ac.uk/view/MS-NN-00002-00041/1
Et
en latin sur la page de droite :
http://cudl.lib.cam.ac.uk/view/MS-NN-00002-00041/1
La
fin de l’Évangile selon Matthieu et le début de l’Évangile selon Jean en grec dans
le Codex de Bèze :
À la fin de cette
page sont écrites les mentions :
ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ ÉVANGILE SELON
ΜΑΘΘΑΙΟΝ ΕΤΕΛΕΣΘΗ MATTHIEU
EST FINI
AΡΧΕΤΑΙ ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ COMMENCE ÉVANGILE
ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ SELON
JEAN
En minuscules :
ευαγγελιον κατα évangile selon
Μαθθαιον ετελεσθη Matthieu
est fini
aρχεται ευαγγελιον commence évangile
κατα Ιωαννην selon Jean
La fin de l’Évangile selon Jean
et le début de l’Évangile selon Luc en
grec :
http://cudl.lib.cam.ac.uk/view/MS-NN-00002-00041/1
À la fin de cette
page sont écrites les mentions :
ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ ÉVANGILE
SELON
ΙΩΑΝΝΗΝ ΕΤΕΛΕΣΘΗ JEAN EST FINI
AΡΧΕΤΑΙ ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ COMMENCE ÉVANGILE
ΚΑΤΑ ΛΟΥΚΑΝ SELON LUC
En minuscules :
ευαγγελιον κατα évangile selon
Ιωαννην ετελεσθη Jean est fini
aρχεται ευαγγελιον commence évangile
κατα Λουκαν selon Luc
Le
Codex de Bèze présente le titre « Évangile selon Jean » au début et à
la fin de l’Évangile dans l’espace du texte et non pas dans la marge. En
fait, le titre est une phrase avec un verbe conjugué qui indique le
commencement et la fin de l’Évangile : « commence évangile selon
Jean » et « évangile selon Jean est fini ».
5. Le Codex Washingtonianus (W.032),
IV-Ve s.
Le
Codex Washingtonianus reçoit le sigle W.032, il est appelé aussi « Codex
Washingtoniensis », « Codex Washington » ou « Évangiles de
Freer » (Freer Gospels), daté du IVe-Ve siècle. Il
est découvert en Égypte et conservé maintenant à la Smithsonian Institution
(Freer Gallery of Art) à Washington DC. Ce codex est écrit sur vélin, en
écriture grecque onciale, il se compose de 187 folios de 20,75 cm x
13,75 cm, il est écrit sur une colonne et comporte 30 lignes par colonne. Il
contient quatre évangiles avec quelques lacunes, selon l’ordre
occidental : Mt – Jn – Lc – Mc comme dans le Codex de Bèze. La partie de
Jn 1,1–5,11 est écrite vers le VIIe siècle pour remplacer les
feuilles vraisemblablement endommagées. Le verset Jn 5,4 et la péricope de la
femme adultère (Jn 7,53–8,11) sont omis sur le Codex Washingtonianus.
Le
début de l’Évangile selon Jean sur le Codex Washingtonianus :
Photo de Joseph Lê Minh Thông
Au
début de l’Évangile selon Jean, près de la marge supérieure du texte se trouve le
titre : ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ
(ÉVANGILE SELON JEAN).
La
fin de l’Évangile selon Jean dans le Codex Washingtonianus :
La
fin de l’Évangile selon Jean est marquée par un dessin et suivie par le titre
officiel dans l’espace du texte : ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (SELON JEAN).
Notons que l’écriture du début de l’Évangile
selon Jean est différente de celle de la fin de cet Évangile. C’est parce que
la section du texte Jn 1,1–5,11 est tardive (vers le VIIe siècle),
le titre donné au début de cet évangile est daté donc du VIIe siècle.
Cependant ce titre est identique au titre original, puisqu’il est écrit de la
même façon que le titre original au début de l’Évangile selon Luc : ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ ΛΟΥΚΑΝ (ÉVANGILE SELON LUC).
6.
Résumé des titres dans les manuscrits
Pour le titre du quatrième évangile dans les manuscrits, il
existe trois possibilités : Le titre est indiqué quand il
apparaît dans le manuscrit ; il n'est pas indiqué dans le
texte : c'est le cas au début de l'Évangile selon Jean dans le Codex Alexandrinus. Il peut y avoir lacune lorsque
le manuscrit est endommagé ou qu'on ne dispose pas de la totalité du texte. Ces
états sont récapitulés dans le tableau suivant :
Les
manuscrits aux IIe–Ve siècles attestent que le titre
du quatrième évangile est « Évangile
selon Jean ». Seul le Codex
Vaticanus contient le titre bref : « selon Jean » au début (dans
la marge) et à la fin de l’évangile (dans l’espace du texte).
III. L’utilisation des titres de l’évangile
de nos jours
La
plupart des manuscrits contiennent le titre « Évangile selon Jean ». Quels
sont les titres utilisés dans le texte grec standard du Nouveau Testament, les
traductions, les commentaires et les études johanniques aujourd’hui pour désigner
cet évangile ? Nous abordons les titres : (1) « Selon
Jean », (2) « Évangile selon Jean », (3) « Évangile selon
saint Jean », (4) « Évangile de Jean » et (5) « Quatrième
évangile ».
1. « Selon Jean » (κατα ιωαννην)
Les
textes grecs du Nouveau Testament présentent le titre bref : ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (SELON JEAN), placé au début de l’évangile.
C’est le titre sur le Codex Vaticanus, par exemple :
- ALAND, B.; ALAND, K. (et al.),
(eds.), The Greek New Testament, (Fourth Revised Edition), Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 2001.
- Nestle-Aland,
Novum Testamentum Graece, (28th Revised Edition), Stuttgart, Deutsche
Bibelgesellschaft, 2012.
- CARREZ, M., Nouveau
Testament, interlinéaire Grec/Français, Composition réalisée par
The British and Foreign Bible Society, Swindon, Angleterre, 1993.
Dans
la traduction du quatrième évangile et son commentaire, Yves Simoens utilise le
titre « Selon Jean » :
-
SIMOENS, Yves, Selon Jean 1: Une traduction; Selon Jean 2: Une
interprétation; Selon Jean 3: Une interprétation, (IET 17), Bruxelles,
IET, 1997.
2.
« Évangile selon Jean »
Le
titre « Évangile selon Jean » est attesté par les papyrus P66,
P75 et les Codex : Sinaiticus, Alexandrinus et de Bèze. La
plupart des traductions placent le titre « Évangile selon Jean » au
début du quatrième évangile, par exemple :
-
La Bible, Traduction œcuménique, (TOB),
(12e édition), Paris – Villiers-le-Bel, Le Cerf - Société Biblique
Française, 2011.
- JEANNE D’ARC, Évangile selon Jean, Présentation du texte grec,
traduction et notes, (Les évangiles), Paris, Les Belles Lettres - DDB,
1990.
- ZUMSTEIN, Jean, Évangile selon Jean. Introduction et traduction, Paris (France) –
Cologny (Suisse), Presses universitaires de France – Fondation Martin Bodmer,
2008.
Les commentateurs emploient souvent le titre
« Évangile selon Jean » :
- LÉON-DUFOUR,
Xavier, Lecture de l’Évangile selon Jean, 4 volumes, Paris,
Le Seuil, 1988, 1990, 1993, 1996.
- KRUSE, Colin G., The Gospel
according to John: An Introduction and Commentary, (TynNTC), Grand
Rapids (MI) - Cambridge, U.K, Eerdmans, 2003.
- CARSON, D. A., The Gospel
According to John, Leicester (England) – Grand Rapids (MI),
Inter-Varsity Press – William B. Eerdmans Publishing Company, 1991.
- BROWN, Raymond E., The Gospel According to John, 2
volumes, (AB 29, 29A), New York (NY), Doubleday 1966, 1970.
3. « Évangile selon saint Jean »
Certains
traducteurs et commentateurs ajoutent le terme « saint », alors le
titre devient “Évangile selon saint Jean”, par exemple :
- ÉCOLE BIBLIQUE DE JÉRUSALEM, (dir.,) La
Bible de Jérusalem, (Nouvelle édition revue et
augmentée), Paris, Le Cerf, 2000.
- OSTY, E.;
TRINQUET, J., La Bible, Paris, Le
Seuil, 1973.
Le
titre ci-dessus dans quelques commentaires :
- BARRETT, C. K., The Gospel
According to St. John. An Introduction with Commentary and Note on the Greek
Text, (Second Edition), London, SPCK, (11955), 21978.
- LAGRANGE,
Marie-Joseph, Évangile selon saint Jean, (EtB), Paris,
(1925), 81947.
- SCHNACKENBURG, Rudolf, The Gospel According
to St. John, 3 vol. New York, The Crossroad Publishing
Company. Vol 1: [1965], 1987, vol. 2: [1971], 1987, vol. 3: [1975], 1982.
(Orig. Das Johannesevangelium).
- WESTCOTT, Brooke Foss, The Gospel
According to St. John, London, John Murray, Albemarle Street, 1919.
- ZUMSTEIN, Jean, L’Évangile selon
saint Jean (1–12), (CNT IVa, deuxième série), Genève, Labor et Fides,
2014. Id., L’Évangile selon saint Jean (13–21), (CNT IVb, deuxième
série), Genève, Labor et Fides, 2007.
4. « Évangile de Jean »
Le
titre « Évangile de Jean » ne figure pas dans les manuscrits anciens
et il est peu utilisé dans la traduction de cet évangile (par exemple : DELEBECQUE,
Édouard, Évangile de Jean, Texte traduit
et annoté, (CRB 23), Paris, J. Gabalda et Cie, 1987), cependant ce titre est
utilisé assez souvent dans les commentaires :
-
BOISMARD, Marie-Émile; LAMOUILLE, Arnaud, Synopse des quatre Évangiles
en français, l’Évangile de Jean, t. III, Paris, Le Cerf, 1977.
- KEENER, Craig S., The Gospel of John. A Commentary, (2
volumes), Peabody (MA), Hendrickson Publishers, 2003.
- MICHAELS, J. Ramsey, The Gospel of
John, (NICNT), Grand Rapids (MI) / Cambridge, U.K, W. B. Eerdmans Publishing
Company, 2010.
- MOLONEY, Francis J., The Gospel of
John, (SPS 4), Collegeville (MN), The Liturgical Press, 1998.
- VON WAHLDE, Urban C., The Gospel
of John and Letters of John, 3 volume, (Eerdmans Critical Commentary),
Grand Rapids (MI) / Cambridge, U.K, W. B. Eerdmans Publishing Company, 2010.
Dans
l’appellation « Évangile de Jean », le génitif « de » peut
être compris comme un génitif objectif ou un génitif subjectif. Dans
le sens du génitif objectif, l’Évangile est la bonne nouvelle de Jésus racontée
par Jean. Dans le sens du génitif subjectif, « Jean » est considéré
comme l’auteur de ce texte, c’est donc son Évangile.
5. « Quatrième Évangile »
L’appellation
« quatrième évangile » n’est pas utilisée dans les traductions de
l’Évangile selon Jean et rarement employée dans les commentaires (par
exemple : LOISY, Alfred, Le Quatrième Évangile, Paris, Alphonse
Picard et Fils, 1903). Néanmoins, ce titre apparaît fréquemment dans les
études johanniques, par exemple :
- ANDERSON, Paul N., “Aspects of Historicity in the Fourth
Gospel: Consensus and Convergences”, in ANDERSON, Paul N.; JUST, Felix;
THATCHER, Tom, (eds.), John, Jesus, and
History, volume 2: Aspects of Historicity in the Fourth Gospel, (SBL),
Atlanta, 2009, p. 379-386.
- ASHTON, John, “Second Thoughts on the
Fourth Gospel”, in THATCHER, Tom, (ed.), What
We Have Heard from the Beginning. The Past, Present, and Future of Johannine
Studies, Waco (TX), Baylor University Press, 2007, p. 1-18.
- BIERINGER, R.; POLLEFEYT, D.;
VANDECASTEELE -VANNEUVILLE, F., (ed.), Anti-Judaism
and the Fourth Gospel. Papers of the Leuven Colloquium 2000,
(Jewish and Christian Heritage Series, vol. 1), Assen, Royal van Gorcum, 2001.
- CULPEPPER, R. A.; SEGOVIA, F. F., (ed.), The
Fourth Gospel from a Literary Perspective, Atlanta (GA), Scholars
Press, 1991.
- VOUGA, François, “Le quatrième évangile
comme interprète de la tradition synoptique: Jean 6”, in DENAUX, A., (ed.), John and the Synoptics, (BETL 101), Leuven, Leuven University Press, 1992, p.
261-279.
- ZUMSTEIN, Jean, “Interpréter le quatrième
évangile aujourd’hui. Question de méthode”, RHPhR
92/2 (2012) 241-258.
Le
titre « quatrième évangile » renvoie à l’ordre établi des quatre
évangiles dans le canon du Nouveau Testament : Mt – Mc – Lc – Jn. Notons
que dans le Codex de Bèze et le Codex Washingtonianus, l’ordre des quatre
évangiles est Mt – Jn – Lc – Mc. Cependant l’ordre retenu par le Canon est Mt –
Mc – Lc – Jn. Dans cet ordre canonique l’Évangile selon Jean est placé après
l’Évangile selon Luc. Le papyrus P75 atteste que l’Évangile selon
Jean est placé après l’Évangile selon Luc (voir photo de P75
ci-dessus). Dans le fragment de Muratori, daté du IIe–IIIe
siècles, les quatre évangiles sont présentés dans l’ordre Mt – Mc – Lc – Jn, où
le quatrième évangile est l’Évangile selon Jean.
Dans
l’appellation « quatrième évangile » ne figure pas le nom de « Jean »,
cela permet d’éviter la référence à l’auteur historique auquel la tradition attribue
le nom de « Jean ». Le titre « quatrième évangile » met
donc en relief le texte comme une œuvre littéraire dans l’ordre du canon sans faire
aucun jugement sur l’auteur historique de cette œuvre.
IV. Le « titre » dans
l’interprétation d’une « œuvre »
L’objet de l’interprétation
du quatrième évangile est de saisir le message du récit. Nous nous
intéressons donc à l’auteur implicite et non pas à l’auteur réel (l’auteur
historique) de cette œuvre. C’est pour cela que les appellations : « Évangile
selon Jean », « Évangile de Jean » ou « quatrième
évangile » peuvent être considérées comme le titre d’un récit d’évangile
de 21 chapitres. Pour être fidèle à la tradition textuelle des manuscrits depuis
le IIe siècle, nous préférons employer la suscription « Évangile
selon Jean » en nous concentrant sur l’étude du texte. Cette suscription a
du sens dans l’interprétation de cet évangile.
Dès la fin du IIe
siècle, ce récit de la vie de Jésus a été considéré comme un « évangile ».
« Bien que le concept “évangile” (ευαγγελιον) ne soit
pas utilisé dans la littérature johannique, il fut choisi pour désigner cet
écrit. Il servit également pour désigner les évangiles synoptiques et s’établit
au début du deuxième siècle comme terme technique pour dénommer les récits de
la vie de Jésus. La suscription “évangile” attribua donc le quatrième évangile
à ce genre littéraire et le mit ainsi en relation avec les œuvres de ce type
déjà existantes. Dès cet instant, la vita johannique de Jésus fut lue
comme évangile. » (ZUMSTEIN, Jean, “Processus de relecture et réception de
l'Écriture dans le quatrième évangile”, Estudios
Bíblicos 70/1 (2012) p. 46).
La suscription
« Évangile selon Jean » a donc placé cet évangile dans son rapport
avec les trois autres évangiles (Mt, Mc et Lc). Cette suscription a d’abord
une fonction appellative qui permet à la fois d’identifier l’œuvre et de la distinguer
d’autres œuvres, ensuite grâce à la suscription, l’œuvre est placée dans un
corpus. Désormais, d’une part, l’Évangile selon Jean est l’un des quatre
évangiles canoniques, et d’autre part, cet évangile et les trois épîtres de
Jean forment le corpus johannique. (Cf. Zumstein, “Processus de relecture”, p.
45-46). La réception du quatrième
évangile dans le canon du Nouveau Testament avec une suscription montre que ce
récit de la vie de Jésus n’appartient plus uniquement à la communauté
johannique, mais que cet Évangile appartient aux Églises primitives, puis à la
Grande Église dans son ensemble. Ainsi, la suscription « Évangile selon
Jean » est la marque d’un processus de décontextualisation par rapport à
la communauté johannique et de recontextualisation de cet évangile dans la
Grande Église. Le titre « Évangile selon Jean » ainsi que le prologue
(Jn 1,1-18), la conclusion (Jn 20,20-31) et l’épilogue (Jn 21) peuvent être considérés
comme les paratextes qui encadrent l’interprétation de cet évangile et guident
le lecteur.
Conclusion
Pour le quatrième
évangile, les manuscrits du IIe au Ve siècles attestent le
titre « Évangile selon Jean », sauf dans le Codex Vaticanus où figure
le titre bref : « Selon Jean ». Ce titre a été attribué
par des lecteurs dans le processus de la réception de ce texte par des
communautés croyantes. L’Évangile selon Jean s’étend donc à une audience plus large
que la communauté johannique qui a été le premier récipiendaire de cette œuvre.
Les appellations
« Évangile de Jean » (l’Évangile raconté par Jean), « quatrième
évangile » (selon l’ordre canonique des quatre évangiles), en particulier la
suscription « Évangile selon Jean » doivent être considérées comme un
élément interprétatif. D’une part, la suscription place le lecteur
devant un texte qui appartient à un corpus canonique et d’autre part, le titre désigne
une œuvre littéraire qui communique avec les lecteurs à travers l’histoire
racontée et la mise en récit de cet Évangile./.
Bibliographie sur le web
Papyrus P52
Papyrus P66
Papyrus P75
Codex Sinaiticus (א.01)
Codex Vaticanus (B.03)
Codex Alexandrinus (A.02)
Codex de Bèze (D.05)
Codex Washingtonianus (W.032)
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