15/03/2015

Les titres “Évangile selon Jean”, “Évangile de Jean” et “quatrième évangile”

Email: josleminhthong@gmail.com
Le 15 Mars 2015

Contenu

Introduction
I. Le titre « Évangile selon Jean » aux IIe et IIIe siècles
    1. Le Papyrus P52 (Papyrus Rylands 457)
    2. Le Papyrus P66 (Papyrus Bodmer II)
    3. Le Papyrus P75 (Papyrus Bodmer XIV-XV)
II. Le titre « Évangile selon Jean » aux IVe et Ve siècles
    1. Le Codex Sinaiticus (א.01), IVe s.
    2. Le Codex Vaticanus (B.03), IVe s.
    3. Le Codex Alexandrinus (A.02), Ve s.
    4. Le Codex de Bèze (D.05), IVe-Ve s.
    5. Le Codex Washingtonianus (W.032), IV-Ve s.
    6. Résumé des titres dans les manuscrits
III. L’utilisation des titres de l’évangile de nos jours
    1. « Selon Jean » (κατα ιωαννην)
    2. « Évangile selon Jean »
    3. « Évangile selon saint Jean »
    4. « Évangile de Jean »
    5. « Quatrième Évangile »
IV. Le « titre » dans l’interprétation d’une « œuvre »
Conclusion




Introduction

En général, le titre donné à une œuvre littéraire résume le contenu du texte et guide la lecture. Dans cet article nous observerons l’utilisation des titres : « Évangile selon Jean », « Évangile de Jean » et « quatrième évangile » pour rapporter le récit de la vie de Jésus en 21 chapitres. La partie principale présente le titre de cet évangile sur les manuscrits grecs du IIe au Ve siècles. Ce sont les papyrus : P52, P66, P75 et les Codex : Sinaiticus, Vaticanus, Alexandrinus, de Bèze et Washingtonianus. Ensuite nous notons brièvement l’utilisation des titres ci-dessus dans les textes grecs, les traductions, les commentaires et les études de cet évangile aujourd’hui. Enfin nous faisons quelques remarques sur le lien entre le « titre » et l’interprétation d’une « œuvre ». Nous utilisons la suscription « Évangile selon Jean » comme il est indiqué sur les manuscrits présentés ci-dessous.

I. Le titre « Évangile selon Jean » aux IIe et IIIe siècles

Il semble que l’auteur (ou rédacteur) historique des quatre évangiles canoniques n’a pas donné de titre à son évangile. Les titres de ces évangiles ont donc été attribués par des lecteurs. Il est convenu que l’Évangile selon Jean a pris sa forme finale et a été mis à la disposition des lecteurs vers la fin du Ier siècle. Actuellement, nous avons un témoin textuel de cet évangile provenant d’un fragment de papyrus P52, daté du début du IIe siècle. Cependant, le titre de l’évangile ne figure pas dans ce fragment. C’est seulement sur les papyrus P66 et P75, datés de la fin du IIe et du début du IIIe siècle, que le titre du quatrième évangile est attesté. Ces trois papyrus : P52, P66 et P75 sont les objets de notre présentation.

    1. Le Papyrus P52 (Papyrus Rylands 457)

Le fragment papyrus P52, appelé aussi Papyrus Rylands 457, daté des années 125-150, est le plus ancien texte du Nouveau Testament connu de nos jours. Ce papyrus a été trouvé en Égypte au début du XXe siècle et il est conservé maintenant à John Rylands Library de Manchester, au Royaume-Uni. La taille de ce fragment est de 9 cm x 6 cm, c’est un extrait d’un codex de papyrus, écrit en grec ancien. Le Papyrus P52 contient quelques mots de certains versets de l’Évangile selon Jean. Il figure au recto des lettres de Jn 18,31-33 au verso des lettres de Jn 18,37-38.

Le recto et le verso du P52 (Papyrus Rylands 457)

http://www.katapi.org.uk/BibleMSS/P52.htm

Les lettres grecques en majuscules et en gras ci-dessous
sont visibles sur le fragment P52.



Nous n’avons pas de trace du titre de cet évangile dans ce fragment. C’est-à-dire que nous n’avons pas de témoin du titre du quatrième évangile à la première moitié du IIe siècle. L’attestation la plus ancienne de la suscription du quatrième évangile se trouve dans le papyrus P66, daté de la fin du IIe siècle.

    2. Le Papyrus P66  (Papyrus Bodmer II)

Le papyrus P66, appelé aussi Papyrus Bodmer II, est daté environ de l’an 200. Il est découvert en 1952 à Pabau près de Dishna, en Égypte et il est conservé maintenant à la Bibliothèque Bodmer à Cologny près de Genève. Ce papyrus est mis en ligne : http://earlybible.com/manuscripts/p66-Joh-150.html. Il est écrit en grec ancien sans séparation entre les mots et il est composé de 39 folios, soit 78 feuilles, 156 pages. La taille de chaque feuille est de 14,2 cm x 16,2 cm avec 15 à 25 lignes par page. Il contient presque tout l’Évangile selon Jean : Jn 1,1–6,11 ; 6,35–14,26.29-30 ; 15,2-26 ; 16,2-4.6-7 ; 16,10–20,20.22-23 ; 20,25–21,9. Les dernières feuilles sont très abîmées. L’épisode de la femme adultère (Jn 7,53–8,11) ne figure pas sur le papyrus P66. 

Le papyrus P66 (Papyrus Bodmer II) :

 http://legacy.earlham.edu/~seidti/iam/tc_pap66.html

Près de la marge supérieure du texte de la première feuille de ce papyrus (voir la photo ci-dessus), le titre de l’évangile est identifiable : ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (ÉVANGILE SELON JEAN), en minuscules : ευαγγελιον κατα Ιωαννην (évangile selon Jean). Les lettres en gras sont visibles sur le papyrus.

Généralement, dans la littérature antique, la suscription placée au début d’une œuvre littéraire n’est que secondaire, le titre officiel se trouve à la fin d’une œuvre. Malheureusement, les dernières feuilles du manuscrit P66 sont endommagées, nous n’avons donc pas la fin de l’Évangile selon Jean. Un autre témoin intéressant du titre des évangiles est le papyrus P75.

    3. Le Papyrus P75 (Papyrus Bodmer XIV-XV)

Le papyrus P75, dénommé aussi Papyrus Bodmer XIV-XV, est daté des années 175–225. Il est découvert en Égypte et conservé maintenant à la Bibliothèque du Vatican. Ce papyrus, écrit en grec ancien sans séparation entre les mots, est composé de 36 folios, soit 72 feuilles, 144 pages. La dimension de chaque feuille est de 13 cm x 26 cm avec 38-45 lignes par page. Il contient Lc 3,18–24,53 avec des lacunes et Jn 1,1–11,45.48-57 ; 12,3–13,10 ; 14,8–15,10. Comme sur le papyrus P66 présenté plus haut, le papyrus P75 ne contient pas l’épisode de la femme adultère (Jn 7,53–8,11).

La fin de Luc et le début de Jean sur le papyrus P75 :

 http://en.wikipedia.org/wiki/Papyrus_75

Après la dernière ligne de l’Évangile selon Luc, le titre de cet évangile est présenté sur trois lignes (voir la photo ci-dessus), et avant de commencer l’Évangile selon Jean, le titre de cet évangile apparaît sur deux lignes comme suit :

Les suscriptions à la fin de l’Évangile selon Luc
et au début de l’Évangile selon Jean sur le papyrus P75

          (La dernière ligne de l’Évangile selon Luc)

             ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ                      ÉVANGILE
                   ΚΑΤΑ                                 SELON
                ΛΟΥΚΑΝ                               LUC

             ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ                       ÉVANGILE
           ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ                 SELON JEAN

        (La première ligne de l’Évangile selon Jean)

Ces titres sont écrits en minuscules : ευαγγελιον κατα Λουκαν (évangile selon Luc), ευαγγελιον κατα Ιωαννην (évangile selon Jean). Cette présentation sur le manuscrit montre que le titre officiel est mis à la fin de l’évangile où il occupe un espace plus important (trois lignes pour Luc) que le titre secondaire qui est placé au début de l’évangile (deux lignes pour Jean). La fin de l’Évangile selon Jean est omise sur le papyrus P75. Mais il est probable qu’il ait existé un titre à la fin de l’Évangile selon Jean et qu’il soit présenté de la même façon que l’Évangile selon Luc (sur trois lignes).

Ces deux témoins de la suscription du quatrième évangile sur les papyrus P66 et P75 sont les plus anciens (fin du IIe et début du IIIe siècles) que nous connaissons aujourd’hui. Cependant, nous n’avons pas encore le titre véritable, placé à la fin de cet évangile. Les grands codex de la Bible aux IVe-Ve siècles présentent le titre au début et à la fin de l’Évangile selon Jean.

II. Le titre « Évangile selon Jean » aux IVe et Ve siècles

Cette partie montre le titre de l’Évangile selon Jean dans cinq codex de la Bible, datés des IVe et Ve siècles : (1) Codex Sinaiticus ; (2) Codex Vaticanus ; (3) Codex Alexandrinus ; (4) Codex de Bèze ; et (5) Codex Washingtonianus.

    1. Le Codex Sinaiticus (א.01), IVe s.

Le Codex Sinaiticus a le sigle de la première lettre en hébreu (alep) suivi par le numéro 01 (א.01), daté du IVsiècle. Il est découvert par Tischendorf au monastère Sainte-Catherine, au mont Sinaï, en Égypte. Depuis 2005, les quatre institutions qui conservent ce manuscrit sont la British Library ; l’Université de Leipzig ; le Monastère Sainte-Catherine du Sinaï ; et la Bibliothèque nationale russe. Ces institutions s’entendent pour numériser la totalité des textes qui est mise en ligne en 2008 (http://www.codexsinaiticus.org/en/). Le texte est rédigé en écriture grecque onciale sans séparation entre les mots, sur quatre colonnes par page. Avec une excellente qualité de l’encre et des feuilles en parchemin de vélin, le Codex Sinaiticus se compose de 346 folios et demi, dont 199 pour l'Ancien Testament et 147 et demi pour le Nouveau Testament d’un format de 43 × 38 cm. L’ordre des quatre évangiles est Mt – Mc – Lc – Jn. La péricope de la femme adultère en Jn 7,53-8,11 est omise.

La forme du Codex Sinaiticus :

 http://codexsinaiticus.org/en/codex/

Une page du Codex Sinaiticus (Mt 3,8–4,19) :



Sur le Codex Sinaiticus, le quatrième évangile commence au début de la page de droite avec le titre : ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (SELON JEAN) en marge, en haut à gauche :

 http://www.codexsinaiticus.org/en/

La transcription en lettre minuscules :

 http://www.codexsinaiticus.org/en/

Les caractères en rouge sont des annotations ; les mots en bleu donnent plus d’informations sur le web http://www.codexsinaiticus.org/en/, il s’agit souvent d’une correction.

La véritable suscription se trouve à la fin du quatrième évangile ; elle est écrite dans l’espace du texte et non pas dans la marge comme au début de l’évangile. À la fin de la quatrième colonne à la page de droite se trouve le titre officiel sur trois lignes qui marque la fin du quatrième évangile :

La fin de l’Évangile selon Jean dans le Codex Sinaiticus :

 http://www.codexsinaiticus.org/en/

           (La dernière ligne de l’Évangile)

     ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ                       ÉVANGILE
          ΚΑΤΑ                                   SELON
       ΙΩΑΝΝΗΝ                             JEAN

La transcription en lettre minuscules :

 http://www.codexsinaiticus.org/en/

En résumé, dans le Codex Sinaiticus, le titre au début du quatrième évangile est placé dans la marge de la page et sous une forme brève : ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (SELON JEAN). Le titre complet et officiel figure à la fin du texte de l’évangile : ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (ÉVANGILE SELON JEAN).

    2. Le Codex Vaticanus (B.03), IVe s.

Le Codex Vaticanus (sigle : B.03) est daté vers les années 325-350 et il est conservé à la Bibliothèque apostolique vaticane. C’est le plus ancien manuscrit connu qui transmet le texte presque complet de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le Codex Vaticanus est un manuscrit sur vélin, en écriture grecque onciale. Il est composé de 759 feuilles, écrites sur trois colonnes, 42 lignes par colonne, excepté les livres poétiques, écrits sur deux colonnes. L’épisode de la femme adultère (Jn 7,53–8,11) ne figure pas dans ce Codex.

La fin de l’Évangile selon Luc et le début de l’Évangile selon Jean dans le codex Vaticanus :

 Photo de Joseph Lê Minh Thông

Photo en gros plan de la fin de l’Évangile selon Luc :

  Photo de Joseph Lê Minh Thông

Le titre officiel de l’Évangile selon Luc est placé à la fin du troisième évangile et dans le texte : ΚΑΤΑ ΛΟΥΚΑΝ (SELON LUC).

Photo en gros plan du début de l’Évangile selon Jean :

  Photo de Joseph Lê Minh Thông 

Le titre au début du quatrième évangile : ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (SELON JEAN) est placé dans la marge supérieure de la page. Il est moins important que le véritable titre qui se trouve à la fin de cet évangile.

La fin de l’Évangile selon Jean dans le Codex Vaticanus :

  Photo de Joseph Lê Minh Thông 

Photo en gros plan de la fin de l’Évangile selon Jean :

  Photo de Joseph Lê Minh Thông 

Le titre officiel du quatrième évangile : ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (SELON JEAN) est placé dans l’espace du texte. La fin de l’évangile est marquée par un dessin. Notons que dans le Codex Vaticanus, il n’y a pas de terme ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ (ÉVANGILE) dans le titre.

    3. Le Codex Alexandrinus (A.02), Ve s.

Le Codex Alexandrinus (sigle : A.02) est daté du Ve siècle. Ce codex tire son nom de la ville d’Alexandrie où l’on suppose qu’il fut rédigé. En 1098, il appartenait au Patriarche d’Alexandrie, puis il a été donné à Charles Ier d’Angleterre en 1628, il est conservé maintenant à la British Library de Londres. Ce manuscrit est disponible en ligne : http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=royal_ms_1_d_viii_fs001r. C’est un manuscrit qui contient la Septante et le Nouveau Testament lesquels sont presque complets. Il est écrit en grec oncial avec deux colonnes sur chaque page, chaque colonne contient entre 46 et 52 lignes et chaque ligne entre 20 et 25 lettres. On dénombre 773 feuillets en vélin (630 pour l’Ancien Testament et 143 pour le Nouveau Testament). Pour les évangiles, au début de chaque livre figure une table de titres ou sommaires numérotés représentant un système de division datant de la fin du IVe siècle.

Début de l’Évangile selon Jean :

http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=royal_ms_1_d_viii_fs001r.

Photo en gros plan du début de l’Évangile selon Jean :

http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=royal_ms_1_d_viii_fs001r.

La colonne à gauche est le sommaire, la colonne à droite est le début de l’Évangile selon Jean. Notons que le texte ne donne pas le titre au début de l’évangile. Le titre se trouve à la fin de l’évangile.

La fin de l’Évangile selon Jean :

http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=royal_ms_1_d_viii_fs001r.

Photo en gros plan de la fin de l’Évangile selon Jean :

http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=royal_ms_1_d_viii_fs001r.

Le titre de l’Évangile selon Jean est encadré et placé à la fin de l’évangile avec les termes : ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (ÉVANGILE SELON JEAN).

    4. Le Codex de Bèze (D.05), IVe-Ve s.

Le Codex de Bèze a le sigle D.05, il est daté autour des IVe-Ve siècles. Ce manuscrit se trouvait auparavant à Lyon en France. Sa présence y est attestée depuis le IXe siècle. Il est conservé maintenant à l’université de Cambridge et mis en ligne : http://cudl.lib.cam.ac.uk/view/MS-NN-00002-00041/1. C’est un manuscrit bilingue en grec (sur la page de gauche) et en latin (sur la page de droite), écrit en grec oncial sur vélin. Il comporte 406 feuilles de 26 cm x 21,5 cm, une seule colonne, 33 lignes par colonne. Le Codex de Bèze contient quatre évangiles selon l’ordre occidental : Mt – Jn – Lc – Mc (comme dans le Codex Washingtonianus, ci-dessous), après quelques pages manquantes se trouvent la troisième Épître de Jean, puis les Actes des Apôtres jusqu’au chapitre 21. La péricope de la femme adultère se trouve insérée au début du chapitre 8 de l’Évangile selon Jean. Les trois premières lignes de chaque livre sont écrites à l’encre rouge et le reste avec de l’encre brune.

Le début de l’Évangile selon Jean en grec sur la page de gauche :

http://cudl.lib.cam.ac.uk/view/MS-NN-00002-00041/1

Et en latin sur la page de droite :

http://cudl.lib.cam.ac.uk/view/MS-NN-00002-00041/1

La fin de l’Évangile selon Matthieu et le début de l’Évangile selon Jean en grec dans le Codex de Bèze :

 http://cudl.lib.cam.ac.uk/view/MS-NN-00002-00041/1

À la fin de cette page sont écrites les mentions :

ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ                       ÉVANGILE SELON
ΜΑΘΘΑΙΟΝ ΕΤΕΛΕΣΘΗ                MATTHIEU EST FINI
AΡΧΕΤΑΙ ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ                 COMMENCE ÉVANGILE
ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ                              SELON JEAN

En minuscules :
ευαγγελιον κατα                     évangile selon
Μαθθαιον ετελεσθη              Matthieu est fini
aρχεται ευαγγελιον               commence évangile
κατα Ιωαννην                         selon Jean

La fin de l’Évangile selon Jean
et le début de l’Évangile selon Luc en grec :

http://cudl.lib.cam.ac.uk/view/MS-NN-00002-00041/1

À la fin de cette page sont écrites les mentions :

  ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ                     ÉVANGILE SELON
ΙΩΑΝΝΗΝ ΕΤΕΛΕΣΘΗ                     JEAN EST FINI
AΡΧΕΤΑΙ ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ              COMMENCE ÉVANGILE
    ΚΑΤΑ ΛΟΥΚΑΝ                               SELON LUC

En minuscules :
ευαγγελιον κατα                                évangile selon
Ιωαννην ετελεσθη                             Jean est fini
aρχεται ευαγγελιον                           commence évangile
κατα Λουκαν                                       selon Luc

Le Codex de Bèze présente le titre « Évangile selon Jean » au début et à la fin de l’Évangile dans l’espace du texte et non pas dans la marge. En fait, le titre est une phrase avec un verbe conjugué qui indique le commencement et la fin de l’Évangile : « commence évangile selon Jean » et « évangile selon Jean est fini ».

    5. Le Codex Washingtonianus (W.032), IV-Ve s.

Le Codex Washingtonianus reçoit le sigle W.032, il est appelé aussi « Codex Washingtoniensis », « Codex Washington » ou « Évangiles de Freer » (Freer Gospels), daté du IVe-Ve siècle. Il est découvert en Égypte et conservé maintenant à la Smithsonian Institution (Freer Gallery of Art) à Washington DC. Ce codex est écrit sur vélin, en écriture grecque onciale, il se compose de 187 folios de 20,75 cm x 13,75 cm, il est écrit sur une colonne et comporte 30 lignes par colonne. Il contient quatre évangiles avec quelques lacunes, selon l’ordre occidental : Mt – Jn – Lc – Mc comme dans le Codex de Bèze. La partie de Jn 1,1–5,11 est écrite vers le VIIe siècle pour remplacer les feuilles vraisemblablement endommagées. Le verset Jn 5,4 et la péricope de la femme adultère (Jn 7,53–8,11) sont omis sur le Codex Washingtonianus.

Le début de l’Évangile selon Jean sur le Codex Washingtonianus :

Photo de Joseph Lê Minh Thông

Au début de l’Évangile selon Jean, près de la marge supérieure du texte se trouve le titre : ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (ÉVANGILE SELON JEAN).

La fin de l’Évangile selon Jean dans le Codex Washingtonianus :

 Photo de Joseph Lê Minh Thông

La fin de l’Évangile selon Jean est marquée par un dessin et suivie par le titre officiel dans l’espace du texte : ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (SELON JEAN).

Notons que l’écriture du début de l’Évangile selon Jean est différente de celle de la fin de cet Évangile. C’est parce que la section du texte Jn 1,1–5,11 est tardive (vers le VIIe siècle), le titre donné au début de cet évangile est daté donc du VIIe siècle. Cependant ce titre est identique au titre original, puisqu’il est écrit de la même façon que le titre original au début de l’Évangile selon Luc : ΕΥΑΓΓΕΛΙΟΝ ΚΑΤΑ ΛΟΥΚΑΝ (ÉVANGILE SELON LUC).

    6. Résumé des titres dans les manuscrits

Pour le titre du quatrième évangile dans les manuscrits, il existe trois possibilités : Le titre est indiqué quand il apparaît dans le manuscrit ; il n'est pas indiqué dans le texte : c'est le cas au début de l'Évangile selon Jean dans le Codex Alexandrinus. Il peut y avoir lacune lorsque le manuscrit est endommagé ou qu'on ne dispose pas de la totalité du texte. Ces états sont récapitulés dans le tableau suivant :


Les manuscrits aux IIe–Ve siècles attestent que le titre du quatrième évangile est « Évangile selon Jean ». Seul le Codex Vaticanus contient le titre bref : « selon Jean » au début (dans la marge) et à la fin de l’évangile (dans l’espace du texte).

III. L’utilisation des titres de l’évangile de nos jours

La plupart des manuscrits contiennent le titre « Évangile selon Jean ». Quels sont les titres utilisés dans le texte grec standard du Nouveau Testament, les traductions, les commentaires et les études johanniques aujourd’hui pour désigner cet évangile ? Nous abordons les titres : (1) « Selon Jean », (2) « Évangile selon Jean », (3) « Évangile selon saint Jean », (4) « Évangile de Jean » et (5) « Quatrième évangile ».

    1. « Selon Jean » (κατα ιωαννην)

Les textes grecs du Nouveau Testament présentent le titre bref : ΚΑΤΑ ΙΩΑΝΝΗΝ (SELON JEAN), placé au début de l’évangile. C’est le titre sur le Codex Vaticanus, par exemple :
- ALAND, B.; ALAND, K. (et al.), (eds.), The Greek New Testament, (Fourth Revised Edition), Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 2001.
- Nestle-Aland, Novum Testamentum Graece, (28th Revised Edition), Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 2012.
- CARREZ, M., Nouveau Testament, interlinéaire Grec/Français, Composition réalisée par The British and Foreign Bible Society, Swindon, Angleterre, 1993.

Dans la traduction du quatrième évangile et son commentaire, Yves Simoens utilise le titre « Selon Jean » :
- SIMOENS, Yves, Selon Jean 1: Une traduction; Selon Jean 2: Une interprétation; Selon Jean 3: Une interprétation, (IET 17), Bruxelles, IET, 1997.

    2. « Évangile selon Jean »

Le titre « Évangile selon Jean » est attesté par les papyrus P66, P75 et les Codex : Sinaiticus, Alexandrinus et de Bèze. La plupart des traductions placent le titre « Évangile selon Jean » au début du quatrième évangile, par exemple :
- La Bible, Traduction œcuménique, (TOB), (12e édition), Paris – Villiers-le-Bel, Le Cerf - Société Biblique Française, 2011.
- JEANNE D’ARC, Évangile selon Jean, Présentation du texte grec, traduction et notes, (Les évangiles), Paris, Les Belles Lettres - DDB, 1990.
- ZUMSTEIN, Jean, Évangile selon Jean. Introduction et traduction, Paris (France) – Cologny (Suisse), Presses universitaires de France – Fondation Martin Bodmer, 2008.
Les commentateurs emploient souvent le titre « Évangile selon Jean » :
- LÉON-DUFOUR, Xavier, Lecture de l’Évangile selon Jean4 volumes, Paris, Le Seuil, 1988, 1990, 1993, 1996.
- KRUSE, Colin G., The Gospel according to John: An Introduction and Commentary, (TynNTC), Grand Rapids (MI) - Cambridge, U.K, Eerdmans, 2003.
- CARSON, D. A., The Gospel According to John, Leicester (England) – Grand Rapids (MI), Inter-Varsity Press – William B. Eerdmans Publishing Company, 1991.
- BROWN, Raymond E., The Gospel According to John, 2 volumes, (AB 29, 29A), New York (NY), Doubleday 1966, 1970.

    3. « Évangile selon saint Jean »

Certains traducteurs et commentateurs ajoutent le terme « saint », alors le titre devient “Évangile selon saint Jean”, par exemple :
- ÉCOLE BIBLIQUE DE JÉRUSALEM, (dir.,) La Bible de Jérusalem, (Nouvelle édition revue et augmentée), Paris, Le Cerf, 2000.
- OSTY, E.; TRINQUET, J., La Bible, Paris, Le Seuil, 1973.

Le titre ci-dessus dans quelques commentaires :
- BARRETT, C. K., The Gospel According to St. John. An Introduction with Commentary and Note on the Greek Text, (Second Edition), London, SPCK, (11955), 21978.
- LAGRANGE, Marie-Joseph, Évangile selon saint Jean, (EtB), Paris, (1925), 81947.
- SCHNACKENBURGRudolf, The Gospel According to St. John, 3 vol. New York, The Crossroad Publishing Company. Vol 1: [1965], 1987, vol. 2: [1971], 1987, vol. 3: [1975], 1982. (Orig. Das Johannesevangelium).
- WESTCOTT, Brooke Foss, The Gospel According to St. John, London, John Murray, Albemarle Street, 1919.
- ZUMSTEIN, Jean, L’Évangile selon saint Jean (1–12), (CNT IVa, deuxième série), Genève, Labor et Fides, 2014. Id., L’Évangile selon saint Jean (13–21), (CNT IVb, deuxième série), Genève, Labor et Fides, 2007.

    4. « Évangile de Jean »

Le titre « Évangile de Jean » ne figure pas dans les manuscrits anciens et il est peu utilisé dans la traduction de cet évangile (par exemple : DELEBECQUE, Édouard, Évangile de Jean, Texte traduit et annoté, (CRB 23), Paris, J. Gabalda et Cie, 1987), cependant ce titre est utilisé assez souvent dans les commentaires :  
- BOISMARD, Marie-Émile;  LAMOUILLE, Arnaud, Synopse des quatre Évangiles en français, l’Évangile de Jean, t. III, Paris, Le Cerf, 1977.
- KEENER, Craig S., The Gospel of John. A Commentary, (2 volumes), Peabody (MA), Hendrickson Publishers, 2003.
- MICHAELS, J. Ramsey, The Gospel of John, (NICNT), Grand Rapids (MI) / Cambridge, U.K, W. B. Eerdmans Publishing Company, 2010.
- MOLONEY, Francis J., The Gospel of John, (SPS 4), Collegeville (MN), The Liturgical Press, 1998.
- VON WAHLDE, Urban C., The Gospel of John and Letters of John, 3 volume, (Eerdmans Critical Commentary), Grand Rapids (MI) / Cambridge, U.K, W. B. Eerdmans Publishing Company, 2010.

Dans l’appellation « Évangile de Jean », le génitif « de » peut être compris comme un génitif objectif ou un génitif subjectif. Dans le sens du génitif objectif, l’Évangile est la bonne nouvelle de Jésus racontée par Jean. Dans le sens du génitif subjectif, « Jean » est considéré comme l’auteur de ce texte, c’est donc son Évangile.

    5. « Quatrième Évangile »

L’appellation « quatrième évangile » n’est pas utilisée dans les traductions de l’Évangile selon Jean et rarement employée dans les commentaires (par exemple : LOISY, Alfred, Le Quatrième Évangile, Paris, Alphonse Picard et Fils, 1903). Néanmoins, ce titre apparaît fréquemment dans les études johanniques, par exemple :
- ANDERSON, Paul N., “Aspects of Historicity in the Fourth Gospel: Consensus and Convergences”, in ANDERSON, Paul N.; JUST, Felix; THATCHER, Tom, (eds.), John, Jesus, and History, volume 2: Aspects of Historicity in the Fourth Gospel, (SBL), Atlanta, 2009, p. 379-386.
- ASHTON, John, “Second Thoughts on the Fourth Gospel”, in THATCHER, Tom, (ed.), What We Have Heard from the Beginning. The Past, Present, and Future of Johannine Studies, Waco (TX), Baylor University Press, 2007, p. 1-18.
- BIERINGER, R.; POLLEFEYT, D.; VANDECASTEELE -VANNEUVILLE, F., (ed.), Anti-Judaism and the Fourth Gospel. Papers of the Leuven Colloquium 2000, (Jewish and Christian Heritage Series, vol. 1), Assen, Royal van Gorcum, 2001.
- CULPEPPER, R. A.; SEGOVIA, F. F., (ed.), The Fourth Gospel from a Literary Perspective, Atlanta (GA), Scholars Press, 1991.
- VOUGA, François, “Le quatrième évangile comme interprète de la tradition synoptique: Jean 6”, in DENAUX, A., (ed.), John and the Synoptics, (BETL 101), Leuven, Leuven University Press, 1992, p. 261-279.
- ZUMSTEIN, Jean, “Interpréter le quatrième évangile aujourd’hui. Question de méthode”, RHPhR 92/2 (2012) 241-258.

Le titre « quatrième évangile » renvoie à l’ordre établi des quatre évangiles dans le canon du Nouveau Testament : Mt – Mc – Lc – Jn. Notons que dans le Codex de Bèze et le Codex Washingtonianus, l’ordre des quatre évangiles est Mt – Jn – Lc – Mc. Cependant l’ordre retenu par le Canon est Mt – Mc – Lc – Jn. Dans cet ordre canonique l’Évangile selon Jean est placé après l’Évangile selon Luc. Le papyrus P75 atteste que l’Évangile selon Jean est placé après l’Évangile selon Luc (voir photo de P75 ci-dessus). Dans le fragment de Muratori, daté du IIe–IIIe siècles, les quatre évangiles sont présentés dans l’ordre Mt – Mc – Lc – Jn, où le quatrième évangile est l’Évangile selon Jean.

Dans l’appellation « quatrième évangile » ne figure pas le nom de « Jean », cela permet d’éviter la référence à l’auteur historique auquel la tradition attribue le nom de « Jean ». Le titre « quatrième évangile » met donc en relief le texte comme une œuvre littéraire dans l’ordre du canon sans faire aucun jugement sur l’auteur historique de cette œuvre.

IV. Le « titre » dans l’interprétation d’une « œuvre »

L’objet de l’interprétation du quatrième évangile est de saisir le message du récit. Nous nous intéressons donc à l’auteur implicite et non pas à l’auteur réel (l’auteur historique) de cette œuvre. C’est pour cela que les appellations : « Évangile selon Jean », « Évangile de Jean » ou « quatrième évangile » peuvent être considérées comme le titre d’un récit d’évangile de 21 chapitres. Pour être fidèle à la tradition textuelle des manuscrits depuis le IIe siècle, nous préférons employer la suscription « Évangile selon Jean » en nous concentrant sur l’étude du texte. Cette suscription a du sens dans l’interprétation de cet évangile.

Dès la fin du IIe siècle, ce récit de la vie de Jésus a été considéré comme un « évangile ». « Bien que le concept “évangile” (ευαγγελιον)  ne soit pas utilisé dans la littérature johannique, il fut choisi pour désigner cet écrit. Il servit également pour désigner les évangiles synoptiques et s’établit au début du deuxième siècle comme terme technique pour dénommer les récits de la vie de Jésus. La suscription “évangile” attribua donc le quatrième évangile à ce genre littéraire et le mit ainsi en relation avec les œuvres de ce type déjà existantes. Dès cet instant, la vita johannique de Jésus fut lue comme évangile. » (ZUMSTEIN, Jean, “Processus de relecture et réception de l'Écriture dans le quatrième évangile”, Estudios Bíblicos 70/1 (2012) p. 46).

La suscription « Évangile selon Jean » a donc placé cet évangile dans son rapport avec les trois autres évangiles (Mt, Mc et Lc). Cette suscription a d’abord une fonction appellative qui permet à la fois d’identifier l’œuvre et de la distinguer d’autres œuvres, ensuite grâce à la suscription, l’œuvre est placée dans un corpus. Désormais, d’une part, l’Évangile selon Jean est l’un des quatre évangiles canoniques, et d’autre part, cet évangile et les trois épîtres de Jean forment le corpus johannique. (Cf. Zumstein, “Processus de relecture”, p. 45-46). La réception du quatrième évangile dans le canon du Nouveau Testament avec une suscription montre que ce récit de la vie de Jésus n’appartient plus uniquement à la communauté johannique, mais que cet Évangile appartient aux Églises primitives, puis à la Grande Église dans son ensemble. Ainsi, la suscription « Évangile selon Jean » est la marque d’un processus de décontextualisation par rapport à la communauté johannique et de recontextualisation de cet évangile dans la Grande Église. Le titre « Évangile selon Jean » ainsi que le prologue (Jn 1,1-18), la conclusion (Jn 20,20-31) et l’épilogue (Jn 21) peuvent être considérés comme les paratextes qui encadrent l’interprétation de cet évangile et guident le lecteur.

Conclusion

Pour le quatrième évangile, les manuscrits du IIe au Ve siècles attestent le titre « Évangile selon Jean », sauf dans le Codex Vaticanus où figure le titre bref : « Selon Jean ». Ce titre a été attribué par des lecteurs dans le processus de la réception de ce texte par des communautés croyantes. L’Évangile selon Jean s’étend donc à une audience plus large que la communauté johannique qui a été le premier récipiendaire de cette œuvre.

Les appellations « Évangile de Jean » (l’Évangile raconté par Jean), « quatrième évangile » (selon l’ordre canonique des quatre évangiles), en particulier la suscription « Évangile selon Jean » doivent être considérées comme un élément interprétatif. D’une part, la suscription place le lecteur devant un texte qui appartient à un corpus canonique et d’autre part, le titre désigne une œuvre littéraire qui communique avec les lecteurs à travers l’histoire racontée et la mise en récit de cet Évangile./.



Bibliographie sur le web

Papyrus P52
Papyrus P66
Papyrus P75
Codex Sinaiticus (א.01)
Codex Vaticanus (B.03)
Codex Alexandrinus (A.02)
Codex de Bèze (D.05)
Codex Washingtonianus (W.032)



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