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Le 24 Mars 2015
Contenu
Introduction
I. Contexte de Jn
13–16
1. Ce qui précède et ce qui suit
2. Genre littéraire
3. L’espace et le temps
4. L’aporie johannique : « Où vas-tu ? »
5. Le lien entre Jn 13–14 et Jn 15–16
6. La relecture, l’intertextualité
II. Structure de
Jn 13–14
1. Délimitation
2. Structure de 13,1-32
a) Simon-Pierre et Judas
b) « Déposer »,
« reprendre », « se ceindre »
c) La méconnaissance des disciples
3. Structure de Jn 13,33-38
4. Structure de Jn 14
III. Structure de
Jn 15–16
1. Structure de Jn
15,1–16,15
2. Structure de Jn 16,4b-33
Conclusion
Bibliographie
Introduction
L’état actuel des
chapitres (ch.) 13–16 pose plusieurs problèmes : par exemple le passage
brutal entre 14,31 et 15,1 ; la reprise des thèmes des ch. 13–14 dans les
ch. 15–16 ; la question réitérée sur la destination de Jésus :
« Où vas-tu ? » en 13,33.36 ; 14,5 ; 16,5. Les études
contemporaines cherchent à comprendre l’état final de l’évangile. Craig S.
Keener a signalé cette tendance de la lecture synchronique du texte :
« Aujourd’hui l’exégèse, plus influencée par la critique narrative
contemporaine, soulignerait plus encore combien le discours est parfaitement
cohérent et s’inscrit dans la perspective de l’Évangile comme un tout. » [“Today
scholarship, more shaped by contemporary narrative criticism, would emphasize
still more how the discourse fits together and fits the perspective of the
Gospel as a whole”]. (C. S. KEENER, The Gospel of John,
vol. II, Peabody (MA), Hendrickson Publishers, 2003, p. 894).
Dans cette orientation, nous étudierons d’abord le contexte des ch. 13–16, et
ensuite la structure des ch. 13–14, puis les ch. 15–16.
Les citations
sont prises dans La Bible de Jérusalem,
(Nouvelle édition revue et augmentée), Paris, Le Cerf, 2000. Pour la division du texte, nous
situons une péricope à la place suivante en ordre décroissant : ensemble,
partie, section, péricope, unité, sous-unité. Selon la nature de chaque
passage, cet ordre n’est pas strictement retenu, par exemple, Jn 13–17 est un
ensemble, dans lequel Jn 17 est une partie avec quatre unités littéraires
(17,1-8 ; 17,9-19 ; 17,20-23 ; 17,24-26).
Nous incluons la
référence bibliographique dans le texte pour faciliter la lecture. La
convention est que la première référence qui apparaîtra sera une référence
complète. Les suivantes seront abrégées avec trois éléments : (1) le nom
de l’auteur (en minuscule) ; (2) quelques mots du titre (en italique s’il
s’agit d’un livre, entre guillemets s’il s’agit d’un article) ; (3) la
page concernée. La première occurrence du nom de l’auteur sera complète (prénom
et nom), les suivantes auront simplement le nom de l’auteur sans son prénom.
Une bibliographie sera
donnée à la fin de l’article (voir les abréviations).
Nous présentons
dans cette partie six points : (1) ce qui précède et ce qui suit les ch.
13–16 ; (2) le genre littéraire du discours d’adieu ; (3) l’espace et
le temps en Jn 13–16 ; (4) l’aporie johannique de la question « Où
vas-tu ? » (13,36 ; 14,5 ; 16,5) ; (5) le lien entre
Jn 13–14 et Jn 15–16 en analysant les différences du champ sémantique et la
reprise des thèmes de l’un à l’autre de ces sections ; (6) la relecture et
l’intertextualité entre Jn 13–14 et Jn 15–16.
1. Ce qui précède et ce qui suit
Les ch. 13–16
sont bien distincts de l’ensemble de l’évangile. à la fin du ch. 12, il y a deux épilogues en 12,37-50 pour
les douze premiers chapitres : l’épilogue du narrateur (12,37-43) et
l’épilogue de Jésus (12,44-50) qui se termine par sa parole en 12,50 :
« Je sais que son commandement est vie éternelle. Ainsi donc ce dont je
parle, tel que le Père me l’a dit j’en parle. » Au début du ch. 13, le
narrateur signale l’arrivée de l’heure de Jésus en 13,1 :
« Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue de
passer de ce monde vers le Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le
monde, les aima jusqu’à la fin. » Ce verset peut être considéré comme
l’introduction de l’ensemble des ch. 13–17, puisque les thèmes principaux de
ces chapitres sont signalés : le départ de Jésus et ses conséquences. La
dernière volonté de Jésus à la fin du ch. 17 (17,24-26) conclut les entretiens,
les dialogues, les discours (13–16) et la prière de Jésus (ch. 17) ; elle
conduit à la réalisation de l’heure de Jésus en 18,1. Ainsi les ch. 13–17 sont
composés d’un récit (13,1-32), des deux discours d’adieu (13,33–14,31 ;
15–16) et de la prière de Jésus (ch. 17).
2. Genre littéraire
L’ensemble des ch.
13–17 correspond au genre du discours d’adieu dans la littérature
vétérotestamentaire. Par exemple, avant leur mort (les Patriarches) ou avant
d’être enlevés dans le ciel (Hénoch, Baruch, Esdras), des grands personnages
bibliques ont fait leurs adieux à leurs proches par des recommandations ultimes,
des exhortations à la fidélité, des annonces… (cf. M.-é. BOISMARD ; é.
COTHENET, La tradition johannique, Paris, Desclée, 1977, p. 154-155 ; R. E. BROWN, Que
sait-on du Nouveau Testament ?, Paris, Bayard, (1997), 2000, p. 396).
Les discours d’adieu
en Jn 13–17 décrivent les ultimes paroles de Jésus à ses disciples avant son
départ vers le Père. Jésus annonce à ses disciples son départ imminent
(13,33 ; 14,2-3 ; 16,16), il évoque leur tristesse (14,1.27 ;
16,6.22), il leur rappelle ce qu’il a dit et ce qu’il a fait (13,33 ;
14,10 ; 15,3.20 ; 17,4-8), il leur demande de garder ses commandements
(14,15.21.23 ; 15,10.14), de demeurer unis (17,11.21-23). Il prévoit les difficultés, la persécution (15,18.20,
16,2-3), en même temps il leur donne sa paix, sa joie (14,27 ; 16,22.33)
et leur promet le Paraclet. Il les confie à la protection du Père (17,14-17).
Dans l’ensemble des ch. 13–17, Jn 13–16 forme une partie : Jésus s’adresse
aux disciples, tandis qu’en Jn 17 il s’adresse à son Père.
3. L’espace et le temps
L’espace et le
temps dans les ch. 13–16 méritent quelques remarques. Le début du ch. 13
indique le moment : « au cours du repas » (13,2), le lieu
géographique n’est pas indiqué. Les ch. 15–16 se situent après l’ordre de
Jésus : « Levez-vous ! Partons d’ici ! » (14,31b), on
ne sait pas où se déroulent les évènements des ch. 15–16. R. E. Brown signale
que le passage brutal entre 14,31 et 15,1 « a conduit à postuler une
insertion, ajoutée postérieurement à l’ouvrage original de l’évangéliste par un
rédacteur. » (Brown, Que sait-on du Nouveau Testament ?, p.
396). Cependant la lecture synchronique permet de situer les ch. 13–16 dans
leur contexte littéraire et leur visée théologique.
En effet, selon
la narration, la partie Jn 13–16 se situe à la veille de la mort de Jésus. Le
temps des verbes au futur renvoie à l’événement de la croix qui n’a pas encore
eu lieu. Il est question de « comprendre par la suite » (13,7) et de « suivre
plus tard » (13,36b) ; il y a le « maintenant » de la
tristesse, et le « futur » de la joie (16,22). En même temps la visée
théologique dans ces chapitres se manifeste dans l’emploi des verbes à
l’aoriste et au parfait de l’indicatif.
Jésus qui se
révèle dans les ch. 13–16 est celui qui a accompli sa mission et a traversé son
heure. Par exemple en 15,12 le verbe « agapaô » (aimer) dans
l’expression : « comme je vous ai aimés (hêgapêsa) » (15,12b)
est à l’aoriste de l’indicatif. L’amour de Jésus est exprimé par le don de sa
vie (15,13) a eu lieu. En 16,11 « le prince de ce monde est jugé (kekritai) »,
le verbe « krinô » est au parfait de l’indicatif : « kekritai ».
En 16,33 Jésus a vaincu le monde, le verbe « nikaô » est au parfait de l’indicatif : « nenikêka »
(16,33). Le jugement du prince de ce monde (16,11) et le triomphe de Jésus sur
le monde (16,33) sont définitivement réalisés. Cela n’est possible qu’en raison
de l’élévation de Jésus sur la croix et dans la gloire.
La révélation de
Jésus au sujet de la paix (14,27a ; 16,33a) et de la joie (15,11 ;
16,24) dès à présent s’adresse aux disciples au cœur de la crise. Avec ces
indices littéraires les ch. 13–16 peuvent être lus à deux niveaux. Au premier
niveau, le Jésus historique encourage les siens avant son départ vers le Père.
Il dévoile la situation des disciples à la fin de sa mission terrestre. Au
deuxième niveau de lecture, Jésus glorifié exhorte la communauté johannique
dans l’épreuve. Ainsi les ch. 13–16 décrivent explicitement la situation des
disciples avant Pâques et implicitement la situation de la communauté après
Pâques, porteuse de l’évangile.
4. L’aporie johannique :
« Où vas-tu ? »
L’aporie johannique
se développe sur la question de la destination de Jésus, en 13,36a Simon-Pierre
demande à Jésus : « Seigneur, où vas-tu (pou hupageis) ? » Thomas
insiste en 14,5 : « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas (pou
hupageis). Comment saurions-nous le chemin ? ». Comment Jésus peut-il
dire aux disciples en 16,5 : « Mais maintenant je m’en vais vers
celui qui m’a envoyé et aucun de vous ne me demande : “Où vas-tu (pou
hupageis) ?” »
Devant cette
aporie certains auteurs voient soit un remaniement soit l’œuvre de plusieurs
mains mal harmonisée par le rédacteur. (Cf. Charles Harold DODD, L’interprétation du quatrième Évangile,
(LeDiv 82), Paris, Le Cerf, (1953), 1975, n. 25, p. 520). Certains autres
pensent que le rédacteur final de l’évangile a placé côte à côte deux versions.
(Cf. R. E. BROWN, The
Gospel According to John, XIII–XXI, vol. II, (AB 29A), New York (NY), Doubleday, 1970, p.710). En 1997, Raymond E. Brown
écrit : « Différentes versions du dernier discours peuvent avoir été
mises côte à côte, un indice en est fourni par la comparaison de 16,5 avec les
mots de Thomas en 14,5. » (Brown, Que sait-on du Nouveau
Testament ?, n. 52, p. 397). Pour John Painter, il y a trois versions
en 13,31–16,33 : (1) 13,31–14,31 ; (2) 15,1–16,4a ; (3)
16,4b–16,33 et chaque version correspond à une situation de crise dans
l’histoire de la communauté johannique. (Cf. J. PAINTER, “The Farewell
Discourses and the History of Johannine Christianity”, NTS 27 (1981) p.
526). Quelques auteurs proposent de
réorganiser les ch. 13–16. (Cf. J. H. Bernard, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to St.
John, vol. I,
II, (ICC), Edinburgh, T & T Clark, (1928), 1953, p. xx ; R.
BULTMANN, The
Gospel of John, A Commentary, Oxford, Basil Blackwell, (1941), 1971, p. 459-461).
Cependant il y a
des auteurs qui proposent une explication de l’aporie en 16,5. Pour eux, il n’y
a pas de contradiction dans la question de Jésus (16,5). Par exemple, selon Charles
Harold Dodd, 13,36 et 14,5 conduisent à la révélation sur le chemin
(14,6) ; ensuite Jésus révèle sa destination : « Je vais au
Père » (14,12.28). Quant à 16,5, Dodd écrit : « Si Jésus leur
fait des reproches, ce n’est pas parce qu’ils ne l’interrogent pas sur sa
destination, mais parce que, sachant qu’il va chez le Père, ils gardent encore
une peur découragée devant l’avenir. » (Dodd, L’interprétation du quatrième Évangile, p. 520).
à travers cette aporie
(16,5) le lecteur peut comprendre le départ de Jésus à la fois comme une
évidence et comme une énigme. En effet la destination de Jésus est
évidente : « Il va vers le Père » (cf. 13,1 ;
14,12.28 ; 16,5.10.17.28). Le Père, la maison du Père (14,2-3). Auprès du
Père, voilà la destination explicite de Jésus. Elle reste toutefois une énigme,
parce que l’annonce du départ de Jésus (13,33) et sa réponse (13,36) ne portent
pas sur la destination de Jésus mais sur l’impossibilité pour le disciple d’y
venir (13,33) et de suivre Jésus maintenant (13,36). En 14,5-6 la réponse de
Jésus concerne le chemin et non pas la destination, Jésus dit à
Thomas : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient
au Père sinon par moi » (14,6). En 16,5 Jésus décrit la situation des
disciples, il leur dit : « Mais maintenant je m’en vais vers celui
qui m’a envoyé et aucun de vous ne me demande : “Où vas-tu ?” »
(16,5). Pourtant, plusieurs fois auparavant, Jésus a communiqué aux disciples
qu’il allait vers le Père (14,2-3.12.28).
Si les disciples
dans les ch. 13–14 savent que Jésus va vers le Père, c’est logique qu’ils ne le
lui demandent plus. De ce fait le thème de la destination de Jésus en Jn 13–16
est à la fois évident et énigmatique parce qu’il ne s’agit pas simplement du
« départ vers le Père » dans le sens premier de l’expression. Le
départ de Jésus est une affirmation théologique pour exprimer sa mort. Comment
la mort de Jésus est-elle le départ vers le Père ? Le chemin de Jésus vers
le Père par sa mort sur la croix est une énigme, un paradoxe pour l’esprit
humain. Ainsi « aller vers le Père » est une interprétation théologique
de la mort de Jésus. La destination de Jésus est visiblement sur la croix et
théologiquement auprès du Père.
Pour signaler au
lecteur le paradoxe de la destination de Jésus, la question « Où
vas-tu ? » (16,5) se présente comme une aporie, elle est à la fois de
toute évidence et sans réponse. Jésus invite donc les disciples à croire que sa
destination sur la croix est son départ vers le Père. De plus nous avons
signalé que le Jésus dans les discours d’adieu est à la fois le Jésus
historique et le Jésus glorifié qui s’adresse à la communauté après Pâques. La
parole de Jésus en 16,5 peut renvoyer à la situation de désarroi de la communauté
après Pâques. Elle se heurte à l’hostilité
et à la persécution du monde (15,18-20 ; 16,2), elle ne pose plus la question
« Où va Jésus ? » (16,5b) dans le sens que Jésus a été glorifié
auprès du Père, parce que « la tristesse a rempli le cœur » (16,6)
des membres de la communauté. Selon les mots de Xavier Léon-Dufour, « Leur
[les disciples] mutisme signifie qu’ils sont déjà coupés de lui. » (X. LÉON-DUFOUR, Lecture de
l’Évangile selon Jean, t. III: Les adieux du Seigneur (chapitre 13–17), (Parole
de Dieu), Paris, Le Seuil, 1993, p. 222).
5. Le lien entre Jn 13–14 et Jn 15–16
Pour ce qui est
de la relation entre les ch. 13–14 et 15–16, les différences se situent au
niveau de la sémantique et les ressemblances éclatent dans la reprise des
thèmes. En effet le vocabulaire de la crise et le vocabulaire lié au thème de l’amour
sont différents en Jn 13–14 et Jn 15–16. Au ch. 14, les encouragements de Jésus
à ses disciples de ne pas se troubler et ne pas s’effrayer en 14,1.27 indiquent que les disciples subissent une épreuve dans leur foi (14,1) et face au monde
(14,17.27).
Les verbes
« tarassô » (se
troubler) en 14,1.17 et « deiliaô » (s’effrayer) en 14,27 ne
figurent pas en Jn 15–16. Dans ces chapitres, la crise des disciples est
présentée avec les termes : « miseô » (haïr) en 15,18-19 ;
« diôkô » (persécuter) en 15,20 ; « skandalizô »
(scandaliser) en 16,1 ; « aposunagôgos » (exclu de la synagogue)
et « apokteinô » (tuer) en 16,2 ; « lupê » (la tristesse) en 16,6.20.21.22 ; « lupeô » (attrister) en 16,20 ; « klaiô »
(pleurer) et « thrêneô » (se lamenter) en 16,20 ; « thlipsis »
(la détresse) » en (16,21.33) et « skorpizô » (se
disperser) en 16,32. Ainsi le thème de la crise dans les ch. 15–16
a une place importante par rapport aux ch. 13–14. Le champ sémantique du
désarroi, abondant en Jn 15–16, signale un acharnement contre les disciples de
la part du monde.
Le commandement
de l’amour en 13,34 est repris en 15,12 mais la différence se trouve dans les
termes utilisés. Jn 13–14, en particulier l’unité 14,15-24, n’emploie que le
verbe « agapaô » (aimer). Il s’agit d’« aimer (agapaô) Jésus »
(14,15.21.23.24) et de « garder ses commandements » (14,15.21) pour
devenir l’aimé (agapaô) de Jésus et du Père (14,15-23). Tandis qu’en 15,14-15,
le thème de l’ami (philos) est introduit. Il s’agit de « devenir ami (philos)
de Jésus ». Celui-ci dit aux disciples en 15,14 : « Vous
êtes mes amis (philoi), si vous faites ce que je vous commande. »
Le substantif « philos » (ami) en 15,13.14.15 et le verbe
« phileô » (aimer d’amitié) en 15,19 ; 16,27a.27b dans les ch.
15–16 ne figurent pas dans les ch. 13–14.
La reprise des
thèmes des ch. 13–14 dans les ch. 15–16 est une caractéristique de ces
chapitres. En effet la péricope 15,1-17 développe le thème de
« demeurer » (14,16-17.20.23) et de « l’amour »
(13,34-35 ; 14,15.21.23.28) des ch. 13–14. Ces deux sujets ont une place
importante dans le thème de l’inhabitation entre Jésus et ses disciples. La
péricope 15,18–16,4a révèle la haine et la persécution du monde hostile envers
Jésus et les disciples. Ce monde du refus est évoqué dans le ch. 14
(14,17.22.27.30). Les deux péricopes 15,1-17 (l’amour et l’amitié) et 15,18–16,4a
(la haine et la persécution) contribuent donc à la révélation de l’ensemble des
ch. 13–16.
Le thème de « revoir »
Jésus dans « un peu de temps » est un parallèle entre le ch. 14
(14,18-19) et le ch. 16 (16,16-22). La joie liée au départ de Jésus en 14,28 se
retrouve en 16,22. L’amour du Père pour les disciples figure en 14,21.23 et en
16,27. Le thème de la prière au nom de Jésus en 14,13-14 est repris en
16,23b.24.26. Jésus promet la paix à la fin du ch. 14 (14,27) et à la fin du ch.
16 (16,33). Le thème du Paraclet parcourt les ch. 14–16 avec cinq paroles
(14,15-17 ; 14,25-26 ; 15,26 ; 16,7-11 ; 16,12-15). L’envoi
du Paraclet en 14,16.26a est repris en 15,26 ; 16,7. Quant aux activités
du Paraclet, on voit un parallèle entre 14,26 (enseigner, rappeler) et
16,13-15 (guider, annoncer). Le rapport entre le Paraclet et le monde est présent
en 14,17 et en 16,8-11. En bref, les ressemblances entre Jn 13–14 et Jn 15–16
sont nombreuses. En même temps, Jn 15–16 apportent des contributions nouvelles
et révèlent un contexte différent par rapport aux ch. 13–14.
6. La relecture, l’intertextualité
L’état actuel des
ch. 13–16 montre une rédaction en plusieurs étapes, mais il est impossible de
savoir comment ces chapitres ont été composés. En respectant l’ordre final de
Jn 13–16 nous essayons de chercher une cohérence possible du côté de
l’élaboration théologique.
Nous sommes
d’accord avec les auteurs (Rudolf Schnackenburg ; Léon-Dufour et Jean Zumstein)
pour interpréter les ch. 15–16 dans une perspective de relecture et
d’intertextualité avec les ch. 13–14. Selon
Schnackenburg le ch. 16 est un processus de “re-reading”, “relecture”,
“rethought” du ch. 14. (Cf. R. schnaCkenburg, The Gospel According to St. John, vol.
III: Commentary on Chapters 13–21, (Herder’s Theological Commentary on the New Testament), London, Burns
& Oates, [1975], 1982, p. 123-124).
À propos de 16,4b-33, Léon-Dufour
remarque qu’« Il ne s’agit pas d’une simple reprise du Discours
fondamental, mais de sa ‘relecture’ en fonction d’une situation nouvelle. »
(Léon-Dufour, Lecture de l’Évangile selon Jean, t. III, p. 217). Selon
Zumstein, l’intertextualité permet de maintenir trois aspects de la composition
des ch. 13–16 : (1) ils sont composés en plusieurs étapes ; (2) la
reprise et le développement (hypertexte) s’appuient sur la séquence précédente
(hypotexte) ; (3) les nouveaux développements contiennent une
réorientation, un approfondissement et une adaptation à la situation nouvelle
par rapport aux thèmes précédents. (Cf. Jean ZUMSTEIN, “L’adieu de Jésus aux
siens. Une lecture intertextuelle de Jean 13–17”, dans Steffek, E., Bourquin, Y., (éd.), Raconter, interpréter, annoncer. Parcours de
Nouveau Testament, (MdB 47), Genève, Labor et Fides, 2003, p. 213).
À propos de
l’intertextualité, Gérard Genette écrit : « J’entends par là
[intertextualité] toute relation unissant un texte B (que j’appellerai hypertexte)
à un texte antérieur A (que j’appellerai, bien sûr, hypotexte) sur
lequel il se greffe d’une manière qui n’est pas celle du commentaire. » (Gérard
GENETTE, Palimpsestes. La littérature au second degré, (Points. Essais
257), Paris, Seuil, 1992, p. 13). L’intertextualité « est la relation de
co-présence entre deux ou plusieurs textes (par le biais de la citation,
de la référence, de l’allusion ou du plagiat) ou la relation de dérivation
d’un texte à un autre (la parodie qui transforme ou le pastiche qui imite). »
(Daniel MARGUERAT; Adrian CURTIS, “Préface”, in Id, (éds.), Intertextualités,
La Bible en échos, (MdB 40) Genève, Labor et Fides, 2000, p. 7). L’intertextualité
a des termes techniques : « la métatextualité (commentaire du
texte), la paratextualité (présence de l’entourage du texte : titre,
sous-titre, préface, postface…) et l’architextualité (reprise
d’un genre littéraire ou d’une structure formelle antérieure). » (Marguerat ;
Curtis, “Préface”, p. 9).
Ce processus de
relecture a en vue une actualisation et une adaptation à la situation présente. La relecture
contient donc des éléments anciens et des développements nouveaux. Selon Gail
R. O’Day, les discours d’adieu sont construits en maille : « Comme
dans d’autres discours du quatrième évangile, le discours d’adieu emploie une
construction en maille. Le raisonnement du discours se développe souvent en
revenant en arrière, en retournant à ce qui a été dit auparavant et en le
reformulant dans un nouveau contexte. » [“As in other discourses in
the Fourth Gospel, the Farewell discourse employs a web-like construction. The
argument of the discourse often moves forward by moving backward, by returning
to what has been said before and restating it in a new context”]. (G. R. O’DAY, The Gospel of
John, Introduction,
Commentary, and Reflections, (NIB, vol. IX),
Nashville (TN), Abingdon Press, 1995, p. 770).
Les ch. 13–16
forment donc un tout dans l’élaboration de la théologie de Jean. Ils décrivent
à la fois la situation des disciples avant Pâques et la situation de la
communauté après Pâques. Dans cette lecture, la reprise des thèmes des ch. 13–14
par les ch. 15–16 n’est pas une simple répétition ou une mauvaise organisation
du texte. Les propositions pour réorganiser les ch. 13–16 ne s’avèrent pas
pertinentes. Fernando F. Segovia a signalé l’unité et la cohérence des ch. 13–16.
C’est « un tout artistique et stratégique avec une structure et un
développement littéraires cohérents et très unifiés, des préoccupations et des
buts unifiés et cohérents, et une situation rhétorique particulière. » [C’est
“an artistic and strategic whole with a highly unified and coherent literary
structure and development, unified and coherent strategic concerns and aims,
and a distinctive rhetorical situation”]. (F Fernando F. SEGOVIA, The
Farewell of the Word, the Johannine Call to Abide, Minneapolis (MN),
Augsburg Fortress Press, 1991, p. 284).
Le changement du
sujet (entre 12,50 et 13,1) et de l’interlocuteur (entre 16,33 et 17,1) permet
de lire les ch. 13–16 comme une partie de l’ensemble Jn 13–17. Ce sont les
dernières paroles de Jésus adressées aux disciples avant son départ vers le
Père. Cependant, la coupure à la fin du ch. 14 (14,31) divise la partie Jn 13–16
en deux sections : Jn 13–14 et Jn 15–16.
La section Jn 13–14
peut se structurer en deux péricopes : 13,1-32 et 13,33–14,31. La première
unité (13,33-38) de la péricope 13,33–14,31 a des liens avec la péricope
13,1-32 et avec le discours (14,1-31). Nous aborderons la délimitation des ch.
13–14, et puis la structure de 13,1-32, de 13,33-38 et celle du ch. 14.
1. Délimitation
Les ch. 13–14 se
situent « au cours d’un repas… » (13,2a). Au début de Jn 13, le verbe
« egeirô » (se lever) en 13,4 et le verbe « anapiptô » (se
remettre à table) en 13,12 sont employés. Le verbe « egeirô » (se
lever) revient à la fin du ch. 14 : « Levez-vous, partons
d’ici ! » (14,31b). Les ch. 13–14 se déroulent donc au cours d’un
repas. Cependant l’ambiance du repas n’est explicite que dans la péricope
13,1-32 (nous expliquerons par la suite le découpage de cette péricope). On y
trouve deux occurrences du terme « deipnon » (repas) en 13,2.4 ;
une occurrence du verbe « egeirô » (se lever) en 13,4 ; deux
occurrences du verbe « anapiptô » (se remettre à table) en 13,12.25 :
la première concerne Jésus (13,12) et la deuxième décrit la position du
disciple que Jésus aimait (13,25) ; et une occurrence du verbe
« anakeimai » (être allongé, être à table) en 13,23. Tous ces termes
(deipnon, egeirô, anapiptô, anakeimai) qui décrivent l’ambiance d’un repas ne
figurent plus après 13,32, sauf une occurrence du verbe « egeirô »
(se lever) à la fin du ch. 14 (14,31).
à partir de 13,33, le
discours d’adieu de Jésus commence avec l’appellation « petits
enfants » (13,33a) et le thème du départ de Jésus est introduit :
« C’est pour peu de temps que je suis encore avec vous… » (13,33a).
Ainsi la section Jn 13–14 peut se structurer en deux péricopes : le récit (13,1-32)
et le discours (13,33–14,31). Dans la péricope 13,33–14,31, l’unité 13,33-38
joue le rôle de transition. Cette unité est à la fois liée avec ce qui précède
(13,1-32) et avec ce qui suit (14,1-31). En effet, dans l’unité 13,33-38, le
dialogue avec Simon-Pierre sur le « suivre plus tard » (13,36) est en
parallèle avec le « comprendre dans la suite » (13,7). Simon-Pierre
reste dans l’incompréhension de la parole de Jésus dans la péricope 13,1-32
(13,6-9) et dans l’unité 13,33-38 (13,36-37). L’annonce de l’action de
« nier » (arneomai) de Simon-Pierre (13,38) est en parallèle avec
celle de « livrer » (paradidômi) de Judas (13,21). Pour ce qui suit,
l’unité 13,33-38 introduit aux thèmes du départ de Jésus (13,33) et de l’amour
(13,34-35) dans le ch. 14. L’unité 13,33-38
joue donc le rôle de transition, elle contient à la fois le monologue (13,33-35) et le dialogue (13,36-38). Judas
et Simon-Pierre ne sont plus évoqués en Jn 14–16. Ils réapparaîtront au
début du ch. 18 accomplissant ainsi les annonces de Jésus au ch. 13.
2. Structure de Jn 13,1-32
On a souvent considéré Jn 13,1-30 comme une péricope et les versets 13,31-32 appartiennent
donc à la péricope suivante (13,31–14,31). (Cf. Francis J. MOLONEY, The
Gospel of John, (SPS 4), Collegeville (MN), The Liturgical Press,
1998, p. 371; Brown, The Gospel According to John, XIII–XXI, p.
605-616).
Cependant, selon
Léon-Dufour la division entre 13,30 et 13,31 « ne respecte ni le donné
textuel ni la manière johannique ; elle occulte même le sens du passage. »
(Léon-Dufour, Lecture de l’Évangile selon Jean, t. III, p. 23). Pour
cet auteur 13,1-32 forme une péricope (cf. Ibid.,
p. 23-24). Voici les cinq
indices littéraires qui sont en faveur d’une coupure entre 13,32 et
13,33 :
(1) En 13,31, le
nom « Judas » ne figure pas : « Quand il fut sorti »,
le « il » de 13,31 renvoie au terme « ekeinos » (celui-là)
en 13,30, et ce pronom renvoie à 13,29, où le nom « Judas » est signalé :
« Comme Judas tenait la bourse… » (13,29).
(2) La
proclamation de Jésus sur sa glorification est liée à la sortie de Judas par locution
conjonctive « oun » (dès que) en 13,31a: « dès que (oun) Judas
fut sorti, Jésus dit :… »
(3) L’adverbe
« euthus » (aussitôt) en 13,30a : « Aussitôt (euthus) la
bouchée prise, il [Judas] sortit » est repris en 13,32c :
« c’est aussitôt (euthus) qu’il [Dieu] le [le Fils de l’homme]
glorifiera. » La sortie de Judas (13,30) ouvre le processus de la
glorification (13,31-32).
(4) Les deux
occurrences du verbe « exerkhomai » (sortir) en 13,30.31 lient ces
deux versets : « ekeinos exêlthen » (celui-ci sortit) »
(13,30) et « hote oun exêlthen » (quand il fut sorti) » (13,31).
La sortie de Judas est donc une explication de la venue de l’heure de Jésus
(13,1) : l’heure de la mort est l’heure de la glorification (13,31-32).
(5) Le thème de
la glorification est absent en Jn 13,33–16,33, et ne revient qu’en 17,1.5.24.
Le renvoi entre 13,31-32 (la glorification) et 31,1 (la venue de l’heure de
Jésus) rend une lecture obligée de 13,31-32 avec 13,1-30. Jn 13,33 ouvre un
nouveau thème : le départ de Jésus, avec l’appellation :
« Petits enfants (teknia) » (13,33a).
En raison de ces
cinq indices littéraires, le passage 13,1-32 forme donc une péricope qui
commence par un verset d’introduction solennelle (13,1) et se termine avec le
thème de la glorification (13,31-32). Dans cette perspective, la péricope
13,1-32 est une interprétation de la mort de Jésus, préfigurée par le geste du
lavement des pieds et l’action de « livrer » de Judas. La mission de
Jésus est comprise comme un processus de glorification (doxazô) réciproque
entre le Père et le Fils dans le passé exprimé par l’aoriste de l’indicatif du verbe « glorifier » :
« edoxasthê » en 13,31a.31b.32a et dans l’événement de l’heure
de Jésus exprimé par le futur de l’indicatif du verbe :
« doxasei » en 13,32b.32c. La péricope 13,1-32 peut se structurer
comme suit :
Dans la péricope
13,1-32, l’introduction (A. 13,1) : « l’Heure est venue » est en
parallèle avec la conclusion (A’. 13,31-32) : « l’Heure de la glorification ». Le contenu du récit (B.
13,2-31) donne sens à cette Heure (le lavement des pieds) et explique l’arrivée
de cette Heure (l’action de Judas).
Mises à part l’introduction
(13,1) et la conclusion (13,31-32), le récit commence par la présentation des
personnages du récit (13,2-5). Cette unité introduit à la fois l’histoire de
Judas (13,2b) et le lavement des pieds (13,4-5). Ces deux thèmes sont
développés en deux unités : (1) l’unité 13,6-17 présente la signification
du lavement des pieds et (2) l’unité 13,18-30 concerne l’action de Judas. Dans
ces unités, le thème de la méconnaissance des disciples (Simon-Pierre et les
disciples) est indéniablement présent. Dans la péricope 13,1-32, le lavement
des pieds (13,3-17) doit être interprété avec l’action de Judas (13,2.18-32)
dans la perspective de la venue de l’heure de Jésus (13,1). Une brève analyse
des personnages (Simon-Pierre et Judas), des verbes (déposer, reprendre, se
ceindre) et le thème de la méconnaissance
des disciples nous aident à comprendre la dynamique de la péricope 13,1-32.
a) Simon-Pierre et Judas
Le personnage
Simon-Pierre apparaît en 13,6. Le dialogue entre Jésus et Simon-Pierre (13,6-11)
montre l’incompréhension de ce dernier. En 13,12-17 Jésus explique la
signification du lavement des pieds en gardant la signification fondamentale de
ce geste pour une compréhension « par la suite » (13,7). Jésus dit à
Simon-Pierre : « Ce que je fais, tu ne le sais pas à présent, mais
par la suite tu comprendras » (13,7). La traduction littérale de
13,7b : « Mais avec les choses (qui arriveront dans la suite), tu
comprendras. » « Les choses » (tauta) renvoient à l’avènement de
l’heure de Jésus dans les ch. 18–21. Simon-Pierre ne pourra comprendre le geste
du lavement des pieds qu’après Pâques. Le geste du lavement des pieds symbolise
donc la mort de Jésus. Cette compréhension est confirmée par la présence du
personnage de Judas.
En effet, le
récit du lavement des pieds (13,4-10) est encadré par l’intention de Judas de
livrer Jésus (13,2) et sa réalisation (13,21-30). Judas est présent au début
(13,2) et à la fin du récit (13,30). À l’intérieur de la péricope 13,1-32 le
personnage de Judas est mentionné implicitement dans le dialogue entre Jésus et
Simon-Pierre. Jésus lui dit en 13,10b : « Vous êtes purs ; mais pas
tous. » Le narrateur reprend cette parole une seconde fois en 13,11b pour
désigner explicitement Judas. Jésus parle de lui dans l’explication du lavement
des pieds : « Ce n’est pas de vous tous que je parle… » (13,18).
En bref, dans la péricope 13,1-32, le geste du lavement des pieds est
inséparable du projet de Judas. La présence de Judas nous fait comprendre que
le geste du lavement des pieds symbolise l’amour de Jésus pour les siens
jusqu’à la mort.
b) « Déposer »,
« reprendre », « se ceindre »
L’emploi des
verbes : « tithêmi » (déposer, donner), « lambanô »
(reprendre) et « diazônnumi » (se ceindre) en 13,4.12 traduit
pleinement l’interprétation ci-dessus. Ce n’est pas par hasard que le geste du lavement des pieds
est décrit avec les verbes qui font allusion à la mort dans l’évangile de
Jean, le narrateur raconte : « Il [Jésus] se lève de table, dépose (tithêsin)
ses vêtements, et prenant (lambôn) un linge, il s’en ceignit (diezôsen) »
(13,4). Le verbe « tithêmi » dans l’expression « tithêmi ta himatia »
(déposer les vêtements) » renvoie à l’expression « tithêmi tên
psukhên » (donner ou déposer la vie) » en 10,17. Les expressions « déposer
les vêtements » (tithêmi ta himatia) en 13,4 et « reprendre les
vêtements » (lambanô ta himatia) en 13,12 font allusion aux paroles de
Jésus en 10,17-18 au sujet de déposer (tithêmi) et de reprendre (lambanô) sa
vie (tên psukhên). Jésus dit aux Pharisiens en 10,17-18 : « 17 C’est
pour cela que le Père m’aime, parce que je dépose ma vie, pour la reprendre.
18 Personne ne me l’enlève; mais je la dépose de moi-même. J’ai pouvoir de
la déposer et j’ai pouvoir de la reprendre; tel est le commandement que j’ai reçu
de mon Père. »
Le verbe « diazônnumi »
(se ceindre) est employé deux fois (13,4 ; 21,18) dans l’Évangile selon
Jean. L’un décrit le geste du lavement des pieds (13,4) et l’autre renvoie à la
mort de Pierre en 21,18. Jésus lui dit : « En vérité, en vérité,
je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu
allais où tu voulais; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne
voudrais pas » (21,18).
En résumé, les verbes :
« déposer », « reprendre » et « se ceindre » dans
la péricope 13,1-32 montrent que le geste symbolique du lavement des pieds
renvoie à l’acte de « donner (déposer) sa vie » de Jésus.
c) La méconnaissance des
disciples
Dans la péricope
13,1-32, il existe un contraste entre la connaissance de Jésus et la méconnaissance des disciples. Le narrateur insiste
sur le « savoir » de Jésus (13,1.3.11.18), tandis que la
réaction de Pierre manifeste qu’il n’a pas compris le sens du geste du lavement
des pieds (13,6.8a). Il ne comprend pas non plus la parole de Jésus en 13,9.
Les disciples ne savent pas qui va livrer Jésus (13,22-24). Ils ne savent pas
non plus (13,28-29) ce que Jésus a dit à Judas en 13,27. De plus, il
existe un parallèle entre Simon-Pierre et Judas : Judas va livrer Jésus
(13,21), Simon-Pierre va le renier (13,38). Tous les deux ignorent
(implicitement pour Judas, explicitement pour Simon-Pierre) ce que Jésus a fait
et ce qu’il a dit dans la péricope 13,1-32. Cette méconnaissance et cette
ignorance sont les éléments de la crise à l’intérieur du groupe des disciples. En
bref, la péricope 13,1-32 est une interprétation de la
mort de Jésus et elle décrit la situation de crise des disciples.
3. Structure de Jn 13,33-38
Pour la structure
de l’unité 13,33-38, elle se présente ainsi :
L’unité 13,33-38
est construite en forme concentrique (A, B, A’). L’élément A (13,33) :
l’annonce du départ de Jésus est en parallèle avec A’ (13,36-38) : le
dialogue sur ce qui va suivre. Entre les deux événements « le départ de
Jésus » (A. 13,33) et « être avec lui » (A’. 13,36-38), les
disciples sont invités à vivre le commandement nouveau (B. 13,34-35) lequel est
offert par Jésus pour la première fois
dans l’Évangile selon Jean.
L’unité 13,33-38
joue le rôle de transition entre le récit (13,1-32) et le discours (14,1-31).
Elle renvoie au récit qui précède et au discours qui suit. Le dialogue entre
Simon-Pierre et Jésus en 13,36-38 renvoie à leur dialogue en 13,6-9. Les thèmes
de « ne pas pouvoir venir » (13,33) et de « suivre plus
tard » (13,36) renvoient au thème de « connaître dans la suite »
en 13,7. La volonté de Pierre de « déposer sa vie » (13,37) pour
Jésus fait allusion à la méconnaissance de Simon-Pierre en 13,6-9. L’annonce du
reniement de Pierre (13,38) est en parallèle avec l’action de
« livrer » de Judas (13,21). L’annonce de « livrer »
(13,21) et celle de « nier » (13,38) sont mises en relief par le
double « amen » qui marque l’importance de la révélation de Jésus. Ce
dernier dit aux disciples en 13,21 : « En vérité, en vérité (amên,
amên) je vous le dis, l’un de vous me livrera » et en 13,38, il répond à
Simon-Pierre : « Tu déposeras ta vie pour moi ? En vérité, en
vérité (amên, amên), je te le dis, le coq ne chantera pas que tu ne m’aies
renié trois fois. »
Il existe un lien
entre 13,33-38 et le ch. 14, l’unité 13,33-38 introduit aux thèmes principaux
présents en Jn 14–16 : le départ de Jésus (13,33 ; 14,1-31 ;
16,4b-33) et l’amour (13,24-35 ;
14,15-24 ; 15,12-17). Ainsi l’unité 13,33-38 joue le rôle de transition
et elle-même se compose d’un monologue (13,33-35) et d’un dialogue (13,36-38).
4. Structure de Jn 14
Le chapitre 14
peut se structurer en trois unités :
Le ch. 14
commence par une exhortation : « Que votre cœur ne se trouble
pas » (14,1a) et se termine par la même exhortation : « Que
votre cœur ne se trouble ni ne s’effraie » (14,27b). Pourtant ces deux
exhortations se situent dans deux contextes différents. Le trouble des
disciples en 14,1 est le trouble de « croire » lié au départ de Jésus
(14,2-4), tandis que le trouble et l’effroi en 14,27 ont un lien avec le monde,
Jésus dit aux disciples en 14,27 : « Je vous laisse la paix ;
c’est ma paix que je vous donne ; je ne vous la donne pas comme le monde
la donne. Que votre cœur ne se trouble ni ne s’effraie ». Ce monde du
refus est signalé en 14,17. Le trouble et l’effroi en 14,27 se situent dans le
contexte de la venue du prince de ce monde (14,30).
La première unité
(14,1-14) se concentre sur l’exhortation à « croire » (pisteuô), ce
verbe apparaît en 6 occurrences dans Jn 14 (14,1a.1b.10.11a.11b.12). La
deuxième unité (14,15-24) traite de la promesse de « demeurer » à
condition d’« aimer Jésus », de « garder ses
commandements » (14,15.21), de « garder sa parole » (14,23) et
de « garder ses paroles » (14,24). « Aimer Jésus » et
« devenir l’aimé de Jésus et du Père » renvoient au thème de l’amour
réciproque entre le Père, Jésus et les disciples en 15,9-12. L’inhabitation du
Paraclet, de Jésus et le Père dans l’unité 14,15-24 permettra aux disciples de
surmonter les difficultés. La troisième unité (14,25-31) reprend et développe
les thèmes annoncés plus haut : le Paraclet (14,26 // 14,16-17),
l’exhortation (14,27 // 14,1), la foi (14,29 // 14,10-12) l’amour (14,31 //
14,15.21.23) avec trois éléments nouveaux : le don de la paix
(14,27) ; la joie des disciples (14,28) ; et l’arrivée du prince du
monde (14,30).
Ainsi les
derniers versets du ch. 14 (14,29-31) concluent l’ensemble du discours par
l’exhortation à croire. Jésus dit aux disciples en 14,29 : « Je vous
le dis maintenant avant que cela n’arrive, pour qu’au moment où cela arrivera,
vous croyiez. » La même exhortation se trouve en 13,19 mais dans le
contexte de l’allusion à Judas. Jn 14 se termine en évoquant le moment du
départ, et d’abord la raison du départ de Jésus : « Le prince de
ce monde vient » (14,30), ensuite la signification de ce départ :
manifester au monde son amour pour le Père (14,31a) et enfin l’ordre de
partir : « Levez-vous ! Partons d’ici » (14,31b).
La structure du
ch. 14 en trois unités nous aide à suivre la narration du texte. Cependant
l’ensemble de Jn 14 forme un tout. En effet, l’épreuve de la foi (14,1-14) est
inséparable du trouble face au monde (14,27). Le thème de
« demeurer » dans la maison du Père en 14,2-3 revient à la fin de la
deuxième unité en 14,23, mais il est inversé : Jésus et le Père
établissent une demeure chez celui qui aime Jésus (14,23). Nous trouvons la
promesse de la venue du Paraclet dans la deuxième unité (14,15-17) et dans la
troisième (14,26). Le ch. 14 est bien construit en trois unités (14,1-15 ;
14,16-24 ; 14,25-31) avec des liens entre elles, et la troisième unité
(14,25-31) joue le rôle de conclusion.
Les ch. 15–16
peuvent être structurés en trois péricopes : 15,1-17 ; 15,18–16,4a ;
16,4b-33 et chacune de ces péricopes a sa propre structure. Ici nous nous intéressons
à la structure du plus long monologue de Jésus (15,1–16,15) et à celle de la
péricope 16,4b-33. Selon Dodd, le monologue de Jésus (15,1–16,15) est composé
de trois péricopes : (1) 15,1-17 : à l’intérieur de la confraternité
de l’Église et sa relation avec son Seigneur ressuscité et exalté. (2)
15,18–16,11 : la relation avec le monde hostile. (3) 16,12-15 : la
vie interne de l’Église. (Cf. Dodd, L’interprétation du quatrième Évangile,
p. 517). Quant à nous, nous proposons une structure en chiasme ci-dessous.
1. Structure de Jn 15,1–16,15
Le monologue 15,1–16,15
est construit en chiasme A, B, C, B’, A’ comme suit :
La vie interne (A.
15,1-17) et la vie externe (B. 15,18–16,4a) de la communauté des disciples sont
en parallèle avec deux paroles du Paraclet dans l’unité 16,4b-15 : B’. 16,8-11
et A’. 16,12-15. Après le départ de Jésus, le Paraclet vient (C. 16,4b-7),
« il établira la culpabilité du monde » ( B’. 16,8-11) et « il
guidera les disciples » (A’. 16,12-15). Les deux unités sur le Paraclet en
16,8-11 (B’) et 16,12-15 (A’) renvoient donc aux deux unités précédentes :
15,18–16,4a (B) et 15,1-17 (A).
L’unité 15,1-17
(A) est la révélation de la vie interne de la communauté. Elle est en parallèle
avec l’unité 16,12-15 (A’), dans laquelle Jésus annonce que le Paraclet guidera
les disciples dans la vérité toute entière. L’unité 15,18–16,4a (B) qui décrit
la situation des disciples face au monde hostile, renvoie à l’unité 16,8-11
(B’) où Jésus annonce que le Paraclet révèlera aux disciples le péché du monde
(16,9), la justice de Jésus (16,10) et le jugement définitif du prince de ce
monde (16,11).
L’élément central
C (16,4b-7) concerne le départ de Jésus et la venue du Paraclet, ces deux
thèmes forment le cœur de la révélation des ch. 13–16. Celle-ci peut s’exprimer
en deux volets : la crise des disciples (liée au départ de Jésus) et le
remède (grâce à la venue du Paraclet et à ses effets).
Le monologue
15,1–16,15 fait allusion à la situation de la communauté après Pâques. Pour le lecteur,
au-dehors (B. 15,18–16,4a), le Paraclet établira la culpabilité du monde (B’.
16,8-11) ; au-dedans (A. 15,1-17), le Paraclet communiquera aux disciples tout ce qui vient de Jésus (A’. 16,12-15).
Cette double activité du Paraclet permet aux disciples avant Pâques et à
la communauté après Pâques de tenir ferme
dans leur foi en Jésus, au cœur de la détresse.
2. Structure de Jn 16,4b-33
Selon la
structure de la partie Jn 15–16, l’unité 16,4b-15 appartient à la péricope 16,4b-33.
Le rôle du Paraclet en 16,8-15 est lié au départ de Jésus (16,4b-7), et ce
thème est développé en 16,16-33. La péricope 16,4a-33 peut se structurer en
quatre unités littéraires comme suit :
Dans la première
unité (16,4b-15), le passage 16,4b-7 décrit le départ de Jésus avec ses
conséquences négatives (la crise des disciples) et positives (la venue du
Paraclet). En effet, du fait du départ de Jésus la tristesse a rempli le cœur
des disciples (16,6), mais ce départ est la condition de la venue du Paraclet
(16,7). L’activité du Paraclet agit sur le monde (16,8-11) et sur les disciples
(16,12-15).
La deuxième unité
(16,16-23a) s’ouvre par une parole de Jésus en 16,16 : « Encore
un peu et vous ne me verrez plus, et puis un peu encore et vous me verrez. »
Cette parole soulève les questions des disciples (16,17-18). La réponse de
Jésus en 16,20-23b renvoie à la situation des disciples face aux épreuves à
venir, à l’image d’une femme sur le point d’accoucher (16,21). La tristesse des
disciples se changera en joie parce qu’ils verront Jésus de nouveau (16,22).
La troisième
unité (16,23b-28) commence par le double « amen » de Jésus en 16,23b :
« En vérité, en vérité (amên amên), je vous le dis… » pour introduire
aux thèmes de demande (16,23b.24.26) et de « parler en figure »
(maintenant) et de ne plus parler en figure (quand l’heure vient) en 16,25. En
16,27-28, Jésus révèle, d’une part, l’amour du Père pour les disciples, l’amour
des disciples pour Jésus, et d’autre part, la foi des disciples et le départ de
Jésus vers le Père.
La révélation en
16,27-28 s’enchaîne avec la dernière unité (16,29-33). En 16,30, les disciples
proclament leur foi en Jésus : « Nous savons maintenant que tu sais
tout et n’as pas besoin qu’on te questionne. À cela nous croyons que tu es
sorti de Dieu » (16,30). Cette déclaration de foi des disciples peut être
considérée comme la conséquence de la révélation de Jésus dans les ch. 13–16.
Cependant cette foi acquise doit se confronter à la réalité de la crise liée à
l’heure de Jésus. Il dit aux disciples en 16,32 : « Voici venir
l’heure – et elle est venue – où vous serez dispersés chacun de votre côté et
me laisserez seul. Mais je ne suis pas seul: le Père est avec moi. »
Le verset suivant (16,33) conclut les ch. 15–16 dans une perspective
d’encouragement, d’espérance, et de triomphe. Jésus dit aux disciples :
« Je vous ai dit ces choses, pour que vous ayez la paix en moi. Dans le
monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! J’ai vaincu le monde. »
En même temps, ce dernier verset du ch. 16 (16,33) est aussi la conclusion de
l’ensemble des ch. 13–16 avant de passer à la prière de Jésus adressée au Père
(Jn 17).
Ces quatre unités
littéraires de la péricope 16,4b-33 traitent du thème du départ de Jésus. Ce
départ introduit la tristesse chez les disciples (16,6.20.22.33) et les confronte
aux difficultés face au monde hostile (16,20.33). Mais Jésus leur promet la
venue du Paraclet (16,7), la joie (16,29b.22b.24), la paix (16,33b) et le
triomphe (16,33c).
Conclusion
Il est probable
que les ch. 13–16 ont été formés en plusieurs étapes. Cependant dans la
perspective de la relecture et de l’intertextualité, l’étude du contexte et de
la structure de ces chapitres montre qu’ils ont bien leur place dans l’évangile
de Jean, qu’ils sont bien structurés en vue de présenter la théologie de
l’évangile sur la signification et les effets de la mort de Jésus ainsi que la
situation de la communauté des disciples.
Nous n’avons
présenté que brièvement le contexte et la structure de Jn 13–16 sans analyser
le contexte de chaque péricope. L’étude de chaque péricope traitera de son
contexte littéraire et proposera sa structure. Les structures du texte
proposées ci-dessus ne sont que des suggestions qui ont laissé de côté
plusieurs éléments du texte. Devant la richesse du texte, sa structure peut
être présentée de plusieurs manières selon l’objectif de l’étude. Ce qui est important
est le respect des données du texte et reconnaître la limite d’une structure. La
richesse d’un récit dans tous les détails ne peut pas être réduite ni renfermé dans
une structure. La structure est donc un support pour éclairer certains aspects
du texte. Le lecteur, guidé par le texte, est donc libre de proposer la structure
qui permet d’effectuer une lecture à la fois respectueuse de l’altérité du
texte et révélatrice de l’engagement et de la responsabilité du lecteur.
C’est-à-dire, une lecture faisant vivre le texte et au retour un lecteur vivant
le texte.
Voir les structures
et les analyses des autres passages dans la partie Jn 13–16 dans les
articles : (1) « Jn
14,15-24 : Les bienfaits réservés à celui qui aime Jésus et garde ses
commandements » ; (2) « Jn
15,9-13 : La circulation d’amour entre le Père, Jésus et ses disciples. »
Source : http://leminhthongtinmunggioan.blogspot.co.il/2015/03/le-contexte-et-la-structure-de-jn-1316.html
Note: Cet article est
la reprise d’une partie de la thèse de Joseph LÊ MINH THÔNG, Aimer et haïr
dans l’Évangile de Jean, Université Catholique de Lyon, 2007, avec certaines
modifications et mises à jour. Dans la thèse, nous avons présenté
« Contexte et structure de Jn 13–16 » (p. 328-339) avant d’aborder
« La crise des disciples et les solutions » (le deuxième chapitre de
la troisième partie de la thèse).
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