Article en vietnamien:
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Le 22 Avril 2014.
Contenu
Introduction
I. Le commandement d’amour dans l’AT
II. Le commandement d’amour dans les Synoptiques
III. Le commandement d’amour dans l’Évangile de Jean
1. Le
commandement nouveau,
le fondement de la vie des disciples
2. Le commandement nouveau par rapport à l’AT
3. “Le
commandement nouveau” est
“le commandement ancien” dans les
épîtres de Jean
4. Le commandement de Jésus
5. La manière d’aimer dans le commandement nouveau
Conclusion
Introduction
Nous parlons souvent du commandement
d’amour et nous nous exhortons à nous aimer les uns les autres comme
Jésus nous l’a enseigné. Mais de quel commandement parlons-nous? C’est le
commandement d’“aimer le prochain” ou de “s’aimer les uns les autres”? Qu’est-ce
que le commandement nouveau? Quelle est
la différence entre le commandement nouveau et le commandement ancien? Quelle
est la différence entre “le commandement
d’amour” des Évangiles Synoptiques et celui de l’Évangile de Jean?
Pour déterminer le contenu et la manière d’aimer dans les commandements
d’amour, nous présentons dans cet article trois commandements d’amour dans la
Bible: (I) Le commandement d’amour
dans l’Ancien Testament (l’AT), (II) Le commandement
d’amour dans les Synoptiques, (III) Le commandement
d’amour dans l’Évangile de Jean avec ses caractéristiques. Les citations de la Bible sont prises dans la Bible de Jérusalem, 2000.
I. Le commandement
d’amour dans l’AT
L’Évangile de Matthieu relate un échange au sujet de deux commandements
d’amour dans l’AT en Mt 22,34-40: “34 Apprenant qu’il [Jésus] avait fermé la bouche aux Sadducéens, les
Pharisiens se réunirent en groupe, 35 et l’un d’eux lui demanda pour
l’embarrasser: 36 ‘Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi?’ 37
Jésus lui dit: ‘Tu aimeras le Seigneur
ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit: 38 voilà
le plus grand et le premier commandement. 39 Le second lui est semblable: Tu
aimeras ton prochain comme toi-même. 40 À ces deux commandements se rattache toute
la Loi, ainsi que les Prophètes.’ Dans ce passage, Jésus réunit deux
commandements dans l’AT:
(1) Le premier commandement d’amour
se trouve dans le livre du Deutéronome. (La Bible de Jérusalem vocalise le tétragramme YHWH par Yahvé. Pour
respecter le caractère imprononçable du nom divin YHWH, il est recommandé de
prononcer “le Seigneur” à la place de la vocalisation “Yahvé”, cf. La Bible
de Jérusalem, 2000, p. 14). Moïse transmet
au peuple d’Israël le commandement de Yahvé en Dt 6,4-5: “4 Écoute, Israël:
Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé. 5 Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur,
de toute ton âme et de tout ton pouvoir.” Pour Jésus, c’est “le plus grand et le premier commandement” (Mt 22,38). Le Deutéronome insiste sur le fait
de mettre ce commandement en pratique et de le transmettre aux générations
suivantes en Dt 6,6-9: “6 Que ces paroles que je te dicte aujourd’hui restent
dans ton cœur! 7 Tu les répéteras à tes fils, tu les leur diras aussi bien
assis dans ta maison que marchant sur la route, couché aussi bien que debout; 8
tu les attacheras à ta main comme un signe, sur ton front comme un bandeau; 9
tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes.” Le terme “ces
paroles” au début du v. 6 renvoie au commandement d’amour au v. 5 et aussi fait allusion au dix commandements (le Décalogue), dans
le chapitre précédent (Dt 5,1-22), qui sont le fondement de l’Alliance. L’observance
de tous les commandements de Yahvé se fonde sur l’amour pour Yahvé dans le
commandement en Dt 5,6.
(2) Le deuxième commandement d’amour
est dans le livre du Lévitique. Yahvé dit en Lv 19,18b: “Tu aimeras ton prochain comme toi-même.” Ce commandement se
trouve dans le passage Lv 19,11-17. Ce sont des prescriptions morales selon
l’Alliance entre Yahvé et le peuple par l’intermédiaire de Moïse (cf. Lv
19,1-2). Voici quelques prescriptions en Lv 19,17-18: “17 Tu n’auras pas dans ton cœur de haine pour ton frère. Tu dois
réprimander ton compatriote et ainsi tu n’auras pas la charge d’un péché. 18 Tu
ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune envers les enfants de ton
peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis Yahvé.”
Les Évangiles Synoptiques (Mt 22,36-40 // Mc 12,28-34 // Lc 10,25-28)
rappellent ces deux commandements: “aimer Yahvé” et “aimer son prochain” dans
l’AT et affirment que ce sont les deux commandements les plus importants. Jésus
dit en Mt 22,40: “À ces deux
commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes.” Le Nouveau
Testament (Le NT) applique ces deux commandements: “Aimer son Dieu” et “aimer
son prochain” aux disciples de Jésus. Mais une question se pose: “Qui est mon
prochain?”
Dans l’AT, le sens du terme “prochain” dépend de l’époque et du milieu
social ou religieux. Le Dictionnaire encyclopédique de la Bible définit
le prochain ainsi: “Dans les structures tribales, le prochain est le membre de
la tribu ou d’une tribu alliée (Gn 31,32; Jg 9,18). C’était le citoyen ou le
coreligionnaire dans l’idée que l’on se faisait de la société à époque de
l’ancien Israël (Is 66,20; Mi 5,7; Ne 5,8). Pour les esséniens, isolés dans
leur communauté, le prochain était un membre de la secte (1QS; Fl. Jos, B.J.
2,124 s). Le judaïsme orthodoxe de l’époque postbiblique et talmudique, peu
favorable aux contacts avec les gentils, considère généralement comme le
prochain le compatriote ou le prosélyte (BabBQ 38a; 113b). Dans le judaïsme
hellénistique ou alexandrin, qui entretenait des rapports journaliers avec les
Grecs, le prochain était, à des degrés divers, tout concitoyen (Sg 12,19; 2M
4,36; Lettre d’Aristée).” (Article “prochain”
dans Dictionnaire encyclopédique de la Bible (DEB), Centre
Informatique et Bible Abbaye de Maredsous, (dir.), (3è éd. rev. et aug.), Turnhout, Brepols,
2002). (Les abréviations dans la citation: 1QS: Manuel de Discipline ou Règle de la
Communauté, (Écrit qoumrânien); Fl. Jos, B.J.: L’oeuvre de Flavius Josèphe, Guerre juive; BabBQ: Talmud de Babylone
Baba’ qamma’; Lettre d’Aristée: Écrit
pseudépigraphe rédigé en grec par un Juif d’Égypte).
Dans l’AT, “aimer
le prochain” fait allusion à “aimer l’étranger” en Lv 19,33-34 et Dt 10,19.
Yahvé dit: “33 Si un étranger réside avec vous dans votre pays,
vous ne le molesterez pas. 34 L’étranger qui réside avec vous sera pour vous
comme un compatriote et tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été
étrangers au pays d’Égypte. Je suis Yahvé votre Dieu” (Lv 19,33-34); “Aimez l’étranger car au pays d’Égypte vous fûtes des étrangers” (Dt 10,19).
Ainsi la définition du “prochain” varie selon l’époque et le milieu social
ou religieux. Ce n’est pas facile de répondre à la question: “Qui est mon
prochain?” Comment Jésus répond-t-il à cette question? Quel est le sens du
terme “prochain” dans le NT?
II. Le commandement
d’amour dans les Synoptiques
Dans les Évangiles Synoptiques, Luc
rapporte le récit lié à deux commandements d’amour en Lc 10,25-28: “25 Et voici qu’un légiste se leva, et lui [Jésus]
dit pour l’éprouver: ‘Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie
éternelle?’ 26 Il lui dit: ‘Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit? Comment lis-tu?’
27 Celui-ci répondit: ‘Tu aimeras le
Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force
et de tout ton esprit; et ton prochain
comme toi-même.’ – 28 ‘Tu as bien répondu, lui dit Jésus; fais cela et tu
vivras.’” En Lc 10,25-28, le légiste répond à la question et lie les deux
commandements dans l’AT, tandis qu’en Mt 22,36-40 // Mc 12,28-34, c’est Jésus
lui-même qui répond à la question. Il y trois détails notables au sujet de ces
deux commandements dans les Synoptiques: (1) Lier le commandement “aimer Yahvé”
et “aimer le prochain” (Mt 22,37-39), (2) ce sont les deux commandements les
plus importants (Mt 22,38; Mc 12,31b), (3) Toute la Loi et les prophètes
s’appuient sur ces deux commandements (Mt 22,40).
En Lc 10,28, Jésus exhorte le légiste ainsi: “Tu as bien répondu, fais cela et tu vivras” (10,28), mais
l’histoire ne s’arrête pas là. Le narrateur relate: “Mais lui [le légiste], voulant se justifier,
dit à Jésus: ‘Et qui est mon prochain?” (10,29). Il est difficile de répondre à cette
question pour les disciples de Jésus, parce que lorsqu’on détermine qui est son
prochain cela veut dire que les autres ne sont pas vos prochains. Jésus répond
à cette question par la parabole du bon Samaritain en Lc
10,30-35: “30 Un homme
descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba au milieu de brigands qui, après
l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à demi mort. 31
Un prêtre vint à descendre par ce chemin-là; il le vit et passa outre. 32
Pareillement un lévite, survenant en ce lieu, le vit et passa outre. 33 Mais un
Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut pris de
pitié. 34 Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis
le chargea sur sa propre monture, le mena à l’hôtellerie et prit soin de lui.
35 Le lendemain, il tira deux deniers et les donna à l’hôtelier, en disant:
‘Prends soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai,
moi, à mon retour.’”
Après avoir raconté
la parabole, Jésus demande au légiste: “Lequel de ces trois, à ton avis, s’est
montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands?” (Lc 10,36) Le
légiste lui répond: “Celui-là qui a exercé la miséricorde envers lui” (10,37a).
Jésus lui dit: “Va, et toi aussi, fais de même” (10,37b). Au lieu de
répondre à la question du légiste en 10,36, Jésus a retourné sa question. Le légiste questionne Jésus sur “Qui est
mon prochain?” (10,29b) mais Jésus le questionne sur “Qui s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands?” (10,36b). C’est-à-dire au lieu de
s’interroger sur “qui est mon prochain?”, Jésus propose de s’interroger sur “de qui suis-je le
prochain?”
Jésus met en valeur le personnage principal de la parabole: le Samaritain
qui n’est pas juif. Jésus élargit donc la notion du “prochain”. Désormais, le
prochain ne se limite pas au peuple d’Israël, l’Élu de Dieu. Jésus définit le prochain
comme celui qui est solidaire avec les autres, qui porte secours aux personnes
en danger. La question n’est plus “qui est mon prochain?” Mais qu’ai-je fait
pour l’autre pour devenir son prochain? Pour éviter la différenciation entre
ceux qui sont prochains et ceux qui ne le sont pas, Jésus invite à se faire le
prochain des autres sans aucun jugement préalable sur le statut de la personne
(comme sa nationalité, sa religion, son métier, etc...) Ce qui est important
est que l’autre est dans une situation de détresse et a besoin d’aide. La
victime dans la parabole est simplement “un homme” (anthrôpos tis), dont on
ignore son identité et son statut social. En plus le Samaritain ne cherche pas
la victime, il est simplement “en voyage” (Lc 10,33a), il voit un homme “à demi
mort” (10,30b) et il est pris de pitié (10,33b). Les détails dans la parabole
sont révélateurs pour définir le prochain selon le point de vue de Jésus.
Selon l’enseignement de Jésus dans la parabole du bon Samaritain (Lc 10,29-37),
le prochain est donc tous les hommes sans distinction de race, de nationalité,
de culture, de religion et de langue... Le NT lie les deux commandements
d’amour de l’AT et élargit le sens du terme “prochain”. Dans cette perspective,
Paul invite les chrétiens de Rome à vivre le commandement
d’amour en Rm 13,8-10: “8
N’ayez de dettes envers personne, sinon celle de l’amour mutuel (to allêlous
agapan). Car celui qui aime autrui a de ce fait accompli la loi. 9 En effet, le
précepte: Tu ne commettras pas
d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, et
tous les autres se résument en cette formule: Tu aimeras ton prochain (plêsion) comme toi-même. 10 La charité ne
fait point de tort au prochain (plêsion). La charité (agapê) est donc la Loi
dans sa plénitude.” Le terme “plêsion” (prochain, proche, voisin) en Rm
13,9.10 désigne tout homme. Aimer le prochain veut dire aimer tous les hommes sans
distinction et sans discrimination. De ce fait, l’amour pour le prochain dans
le NT a une dimension universelle (cf. Ga 5,14; Jc 2,8).
En conclusion, nous avons présenté le double commandement: “aimer Yhavé”
(Dt 6,5) et “aimer le prochain” (Lv 19,18b) dans l’AT. Ce sont les
commandements que Yahvé a donnés au peuple d’Israël. Dans cette vision, le
prochain désigne le membre des communautés d’Israël. Nous pouvons considérer
que ce double commandement est le premier commandement
d’amour dans la Bible (l’AT).
Dans le NT, Jésus lie ces deux commandements (Dt 6,5; Lv 19,18b) et élargit
le sens du prochain à tout le monde. Nous pouvons considérer que ce double
commandement est le deuxième commandement
d’amour dans la Bible. L’humanité est invitée à garder ce double
commandement, en particulier les disciples de Jésus. Ces derniers aiment Dieu
et aiment tous les hommes en se faisant prochains des autres. Il y a encore un
autre commandement d’amour qui est
différent des deux commandements ci-dessus, c’est le troisième commandement d’amour présenté dans
l’Évangile de Jean.
III. Le commandement d’amour dans l’Évangile de Jean
Jésus nomme “le commandement d’amour”
dans l’Évangile de Jean par “le commandement nouveau” (Jn 13,34). Ce commandement a son originalité théologique par rapport au
commandement d’“aimer le prochain” analysé plus haut. L’Évangile de Jean ne
parle pas d’“aimer le prochain (plêsion)” mais de “s’aimer les uns les autres (allêlous)”
entre les disciples de Jésus. Dans cette partie, nous traitons le commandement d’amour dans l’Évangile de Jean en cinq points: (1) Le commandement nouveau, le
fondement de la vie des disciples, (2) Le commandement nouveau par rapport à
l’AT, (3) “Le commandement nouveau” est “le commandement ancien” dans les
épîtres de Jean, (4) Le commandement de Jésus, (5) La manière d’aimer dans le commandement nouveau.
1. Le
commandement nouveau, le fondement de la vie des disciples
Avant d’entrer dans sa Passion, Jésus dit à ses
disciples en Jn 13,34-35: “34
Je vous donne un commandement nouveau (entolên kainên): vous aimer les uns les autres (hina agapate allêlous); comme je vous ai aimés (êgapêsa), aimez-vous les uns les autres (agapate
allêlous). 35 À ceci tous
reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l’amour (agapên) les uns pour les autres (allêlois).” Jésus redit ce commandement aux disciples
en 15,12-13.17: “12 Voici quel est mon commandement (hê
entolê hê emê): vous aimer les
uns les autres (hina agapate allêlous) comme je vous ai aimés (êgapêsa). 13 Nul n’a plus grand amour (agapên) que celui-ci: déposer sa vie pour ses amis (tôn
philôn)” (15,12-13); “Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres (hina agapate
allêlous)” (15,17).
“Le commandement nouveau” (13,34) est une
caractéristique importante du commandement d’amour dans l’Évangile de Jean. Ce commandement est le cœur de la vie des
disciples. Selon Jean-Pierre Lémonon, “[Le commandement nouveau] constitue la charte des derniers temps ouverts par la mort
et résurrection de Jésus.” (J.-P. Lémonon,
“Agapè dans le Nouveau Testament”, dans B.-M.
Duffé, (dir.), Agapè,
sources et interprétation de la charité, 1999, p. 78). Ainsi, le commandement nouveau devient l’identité du disciple. Ce
commandement constitue le nouveau peuple de Dieu et quand le croyant le garde,
tous reconnaîtront qu’il est le disciple de Jésus (13,35).
Dans l’Évangile de Jean, la nature du disciple est la
participation à la circulation d’amour entre Le Père et Jésus, entre Jésus et
ses disciples et entre les disciples eux-mêmes. Jésus parle de cette
circulation d’amour en 15,9-10: “9
Comme le Père m’a aimé (kathôs êgapêsen me ho patêr), moi aussi je vous ai aimés (kagô humas
êgapêsa). Demeurez en mon amour
(meinate
têi agapêi têi emêi). 10 Si vous gardez mes commandements, vous
demeurerez en mon amour (meneite en têi agapêi), comme moi j’ai gardé les commandements de
mon Père et je demeure en son amour (menô en têi agapêi).” Ce flux d’amour n’est parfait qu’avec
l’amour mutuel des disciples à vivre le commandement que Jésus leur a
donné en 15,12: “Voici quel est
mon commandement (hê entolê hê emê): vous aimer les uns les autres (hina agapate
allêlous) comme je vous ai
aimés (êgapêsa).”
2. Le commandement nouveau par rapport
à l’AT
L’adjectif “kainos” (nouveau) dans “le commandement nouveau” (Jn 13,34)
marque une étape décisive dans l’histoire du salut. Parler du “commandement
nouveau” suppose qu’il a existé “un commandement ancien.” En effet, le commandement d’amour dans l’Évangile de
Jean renvoie au commandement d’amour
en Lv 19,18b: “Tu aimeras (agapêseis) ton prochain (plêsion) comme toi-même.” Il y a une
continuité entre le commandement nouveau (Jn 13,34) et le commandement ancien
(Lv 19,18b), en même temps, le commandement nouveau contient des nouveautés
inédites par rapport à l’ancien (Lv 19,18b). La continuité figure dans le fait
que le commandement nouveau (Ga 13,34) s’enracine dans l’amour de Dieu pour le
monde-humanité et pour Jésus. Quant aux nouveautés, elles figurent dans ces deux
caractéristiques:
(1) La nouveauté dans le commandement nouveau n’est pas l’amour en lui-même
mais c’est l’objet de l’amour. Dans l’Évangile de Jean, c’est “aimer les uns
les autres (allêlous)” entre les disciples de Jésus. Dans le livre du
Lévitique, c’est “aimer le prochain (plêsion)” qui est généralement des membres
du peuple Israël.
(2) Celui qui donne le commandement a changé. Dans l’AT, c’est Yahvé qui
donne les commandements au peuple d’Israël, tandis que dans l’Évangile de Jean,
c’est Jésus qui donne le commandement
d’amour à ses disciples. Jésus donne ce commandement en tant que Fils de
Dieu, Envoyé de Dieu et unique intermédiaire entre Dieu et l’homme comme il le
dit aux disciples en 14,6b: “Nul
ne vient au Père sinon par moi.” Avec la présence de Jésus, une étape décisive
dans l’histoire du salut est venue. Désormais, l’homme ne peut entrer en communion
avec Dieu et accueillir son amour que par l’intermédiaire de Jésus. En tant
qu’unique médiateur, Jésus donne le commandement
d’amour aux disciples.
Par ailleurs, l’Évangile de Jean permet de relever la nouveauté par rapport
au commandement “aimer Yahvé” en Dt 6,5. Dans l’Évangile de Jean Jésus invite
ses disciples à “l’aimer et à garder ses commandements” (14,15-23), à “demeurer
dans son amour” (15,9-10). Celui qui aime
Jésus sera aimé du Père (14,21.23; 16,27). Dans cette perspective, “aimer
Yahvé” dans l’AT devient “aimer Jésus” dans le NT. Ces nouveautés font que le
commandement nouveau dans l’Évangile de Jean marque une nouvelle étape dans
l’histoire du salut.
3. “Le commandement nouveau” est “le commandement ancien”
dans les épîtres de Jean
Dans la tradition johannique (l’Évangile et trois épîtres), le commandement
nouveau (Jn 13,34) tient une place particulière. Pour parler de ce
commandement, l’auteur de la première épître utilise un jeu de mots: “nouveau”
et “ancien” en 1Jn 2,7-8: “7
Bien-aimés, ce n’est pas un commandement nouveau (entolên kainên) que je vous écris, c’est un commandement
ancien (entolên palaian), que vous
avez reçu dès le début. Ce commandement ancien (hê entolê hê palaia) est la parole que vous avez entendue. 8 Et
néanmoins, encore une fois, c’est un commandement nouveau (entolên kainên) que je vous écris – ce qui est vrai pour
vous comme pour lui – puisque les ténèbres s’en vont et que la véritable
lumière brille déjà.” Dans la deuxième épître, l’auteur écrit en 2Jn 4-6: “4 Je me suis beaucoup réjoui d’avoir
rencontré de tes enfants qui vivent dans la vérité, selon le commandement
(entolên) que nous avons reçu du Père. 5 Et maintenant, Dame, bien que ce ne
soit pas un commandement nouveau (entolên kainên) que je t’écris mais celui que
nous possédons depuis le début, je te le demande, aimons-nous les uns les
autres (hina agapômen allêlous). 6 L’amour consiste à vivre selon ses
commandements. Et le premier commandement, ainsi que vous l’avez appris dès le
début, c’est que vous viviez dans l’amour.” Le terme “Dame” (2Jn
5) en grec: “kuria” est une métaphore pour désigner une communauté
particulière, une Église locale ou le chef de cette communauté. Les expressions
en 1Jn 2,7-8; 2Jn 4-6: “Le commandement nouveau”, “le commandement ancien”, “le
commandement reçu dès le début”, “aimons-nous les uns les autres”, “c’est
que vous viviez dans l’amour” renvoient au commandement nouveau dans l’Évangile
de Jean (Jn 13,34; 15,12).
Au moment où les épîtres de Jean ont été écrites, le commandement nouveau
dans l’Évangile de Jean est à la fois “ancien” et “nouveau.” La première épître
a été écrite dans un contexte différent par rapport à l’Évangile. Le contenu de
1Jn montre une grave crise au sein de la communauté causée par les
interprétations divergentes sur l’identité de Jésus. Le problème christologique
que l’auteur a réfuté est la division entre l’humanité et la divinité de Jésus
(cf. 1Ga 2,21-22; 4,2-3). Dans cette
situation, l’auteur appelle sa communauté à la communion et à la pratique du commandement d’amour. Ce commandement n’est
pas nouveau parce qu’il a existé dès le commencement de la communauté, et c’est
à elle que Jésus a donné ce commandement
d’amour en Jn 13,34; 15,12. Dans cette perspective, l’auteur écrit en
1Jn 2,7b: “C’est un
commandement ancien (entolên palaian), que vous avez reçu dès le début.” La deuxième épître utilise la même expression: C’est
le commandement “que nous
possédons depuis le début” (2Jn 5b).
Le jeu de mot des adjectifs: “ancien” et “nouveau” dans la première épître
de Jean met en valeur “le commandement nouveau.” En effet, l’auteur écrit: “Ce n’est pas un commandement nouveau (entolên
kainên) que je vous écris,
c’est un commandement ancien (entolên palaian)” (1Jn 2,7a). Et puis, il précise:
“Ce commandement ancien (hê entolê hê
palaia) est la parole que vous
avez entendue” (1Jn 2,7b). Enfin l’auteur conclut paradoxalement: “C’est un commandement nouveau (entolên
kainên) que je vous écris” (1Jn 2,8a).
En insistant sur l’aspect “ancien”, l’auteur de l’épître ne dit rien de
nouveau, il redit seulement ce qui a existé déjà dès le commencement de la communauté
croyante. L’auteur de l’épître s’appuie sur la révélation dans l’Évangile de
Jean pour appeler sa communauté à la communion en 1Jn 1,3: “Ce que nous avons vu et entendu, nous vous
l’annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre
communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ.” Cette
communion dans la communauté se fonde sur le commandement
d’amour mutuel que Jésus a donné aux disciples en Jn 13,34; 15,12. En
même temps, “ce commandement ancien” est “le commandement nouveau” (1Jn 2,8a)
parce que le commandement d’amour
dans l’Évangile de Jean est appelé “le commandement nouveau” (Jn 13,34a). Jésus
dit à ses disciples: “Je vous
donne un commandement nouveau (entolên kainên):…” (Jn 13,34a). Selon l’auteur de l’épître, ce commandement est ancien par
rapport au temps, parce que celui-ci existe dès le commencement de la
communauté. En même temps, ce commandement est nouveau parce que le nom du commandement d’amour en Jn 13,34 est “le
commandement nouveau.”
4. Le commandement de Jésus
Dans les Évangiles Synoptiques (Mt 22,36-40 //
Mc 12,28-34 // Lc 10,25-28), il s’agit de la
reprise des commandements de Yahvé dans l’AT (Dt 6,5; Lv 19,18b), tandis que dans l’Évangile de Jean, c’est Jésus
lui-même qui donne le commandement d’amour aux disciples. C’est son commandement et non pas celui
de quelqu’un d’autre. Jésus le dit aux disciples en Jn 13,34a et 15,12a: “Je
vous donne (didômi) un commandement nouveau:...” (13,34a); “Voici quel est mon commandement (hê entolê hê emê):..” (15,12a). Ce commandement nouveau est le
commandement de Jésus, non pas celui de Yahvé. Pour ainsi dire, Jésus reçoit le
commandement du Père et Jésus le donne aux disciples comme il le dit en
12,49-50: “49 Car ce
n’est pas de moi-même que j’ai parlé, mais le Père qui m’a envoyé m’a lui-même
commandé (entolên) que dire et de
quoi parler; 50 et je sais que son commandement (hê entolê) est vie éternelle. Ainsi donc ce dont je
parle, tel que le Père me l’a dit j’en parle.”
Ainsi “Vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés” (13,34; 15,12)
est le commandement de Jésus et c’est lui qui le donne aux disciples. Ces
remarques sont des caractéristiques christologiques importantes du “commandement
nouveau.” En tant que possesseur et donateur du commandement d’amour, Jésus est mis en parallèle avec Yahvé qui
possède et qui donne les commandements au peuple d’Israël dans l’AT.
5. La manière d’aimer dans le commandement nouveau
Le deuxième volet du commandement
d’amour: “COMME je vous ai aimés” (13,34c; 15,12c) indique la manière
d’aimer dans ce commandement. La conjonction “comme” (kathôs) dans le
commandement: “Vous aimer les
uns les autres; comme (kathôs) je vous ai aimés” (13,34; 15,12) n’est pas une simple comparaison mais ce terme a une
portée théologique. Le terme “kathôs” (comme) exprime le fondement, l’origine
et la source de l’amour mutuel entre les disciples. Autrement dit, ce terme
affirme que l’amour de Jésus pour ses disciples est le fondement et la source
de l’action d’“aimer les
uns les autres” des disciples. Nous pouvons dire
que l’amour de Jésus engendre sans cesse l’amour mutuel des disciples et cet
amour ne peut exister que “dans”, “par” et “avec” l’amour de Jésus pour eux.
Ainsi, le deuxième volet du commandement nouveau: “comme je vous ai aimés” (13,34c;
15,12c) est un élément constitutif et inséparable
du premier volet: “Vous
aimer les uns les autres” (13,34b; 15,12b). S’il
n’y avait pas le deuxième volet, il n’aurait pas non plus le premier. Le deuxième
volet sert à préciser la nature de l’amour mutuel des disciples avec ces deux
éléments: (1) La manière d’aimer: les disciples s’aiment les uns les autres du même amour que Jésus a pour eux. (2) Le
fondement de l’amour mutuel: l’amour mutuel des disciples doit être fondé sans
cesse sur l’amour de Jésus pour eux, cet amour est défini en 15,13: “Nul n’a plus grand amour (agapên) que celui-ci: déposer sa vie pour ses amis.”
Le commandement nouveau est donné aux disciples et il est réservé aux
disciples (les croyants), parce qu’ils s’aiment les uns les autres par l’amour
de Jésus pour eux. Seuls ceux qui croient en Jésus peuvent percevoir et vivre
l’amour de Jésus pour eux et s’aimer les uns les autres de cet amour. “S’aimer
les uns les autres comme Jésus a aimé” est un signe par excellence pour que
tous reconnaissent disciples de Jésus (13,35) et pour distinguer l’amour du
commandement nouveau et les autres types d’amour, par exemple “aimer les
ténèbres” (3,19), “aime sa vie” (12,25), ou “aimer la gloire des hommes” (12,43).
Voir la présentation sur “l’amour produit la vie” et “l’amour conduit à la
perte” dans l’article “Le
thème de l’amour et de l’amitié dans l’Évangile de Jean.”
Conclusion
Les analyses plus haut au sujet du commandement d’aimer Dieu et d’aimer le
prochain dans l’AT et dans les Évangiles Synoptiques, en particulier le
commandement nouveau dans la tradition johannique, permettent de parler de trois
commandements d’amour dans la Bible:
1) Le double commandement: “aimer Dieu” (Dt 6,5) et “aimer le prochain” (Lv
19,18) selon la tradition de l’AT, dans laquelle le prochain renvoie aux Israélistes
en général.
2) Le double commandement: “aimer Dieu” et “aimer le prochain” selon la
tradition du NT (Lc 10,25-28), dans laquelle le prochain désigne tous les
hommes. Le disciple de Jésus est invité à se faire prochain de l’autre.
3) Le commandement nouveau dans l’Évangile de Jean: “Aimer les uns les
autres comme Jésus a aimé” (Jn 13,34; 15,12), c’est le commandement de Jésus.
Ce dernier le donne aux disciples et ce commandement est réservé aux disciples
de Jésus (les croyants).
En particulier, le commandement nouveau dans l’Évangile de Jean révèle la
continuité et la nouveauté du NT par rapport à l’AT. Le NT est dans la
continuité de l’AT parce le commandement nouveau s’enracine dans l’amour
réciproque de Jésus et de son Père (Jn 10,18; 12,49.50; 15,9-10). La nouveauté
du commandement nouveau dans le NT porte sur trois changements: (1) L’amour
entre les membres du peuple d’Israël devient l’amour entre les disciples de
Jésus. (2) Le commandement d’amour de
Dieu (Lv 19,18b) devient le commandement de Jésus (Jn 15,12). (3) Aimer son
prochain comme soi-même (Lv 19,18b) devient s’aimer les uns les autres comme
Jésus a aimé (Ga 13,34; 15,12). Ainsi le commandement nouveau dans le NT va
plus loin et a une portée plus large par rapport au commandement d’amour dans l’AT (Lv 19,18b).
Un autre élément important du commandement nouveau est la manière d’aimer: s’aimer
les uns les autres comme Jésus a aimé. Cette caractéristique fait que ce
commandement n’est donné qu’aux disciples de Jésus, parce que l’amour dans le
commandement nouveau est inséparable de l’amour de Jésus pour eux. Désormais,
tout le monde peut devenir disciple de Jésus et vivre le commandement nouveau.
De cette manière, le disciple est en communion parfaite avec Jésus, avec son
Père et avec les autres. Vivre et pratiquer ce commandement nouveau est le témoignage
par excellence de l’amour de Dieu pour
l’humanité et de l’amour du disciple pour Jésus./.
Source: http://leminhthongtinmunggioan.blogspot.com/2014/04/trois-commandements-damour-dans-la-bible.html
Voir
+ Les articles sur le thème de l’amour:
+ Tableau:
+ Terminologie
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