06/06/2016

Structure de l’Évangile de Jean




Email: josleminhthong@gmail.com
Le 6 juin 2016.

Contenu

I. Les indices de la structuration
    1. Quelques éléments structurants
        1.1. Les éléments topographiques
        1.2. Les éléments thématiques
    2. Les critères de structure
        2.1. Le contenu, les procédés littéraires et le style
        2.2. Les cadres liturgiques ou géographiques
        2.3. Les titres proposés dans la structure
II. La structure générale et détaillée
    1. La structure générale
    2. La structure détaillée
        2.1. Le livre des Signes (1,19–12,50)
        2.2. Le livre de l’Heure (Jn 13–21)
        2.3. Le plan de l’Évangile
    3. La structure de quelques péricopes
        3.1. Structure de 1,1-18 : Le Prologue
        3.2. Structure de 18,28–19,16a : Jésus devant Pilate
        3.3. Structure de 17,1-8 : La mission et la glorification
        3.4. Structure de Jn 17 : La prière de Jésus
III. Conclusion
Bibliographie




Cette étude présentera les indices de la structuration et la structure de l’ensemble du quatrième Évangile. Les termes employés dans le découpage du texte en ordre décroissant sont une partie, une section, une péricope, une unité et une sous-unité.

I. Les indices de la structuration

Les indices de la structuration permettent à la fois de diviser l’Évangile en plusieurs péricopes et de tenir compte des liens ainsi que des complémentarités entre les unités littéraires. Nous traiterons d’abord de quelques éléments structurants et ensuite des critères de structure de l’Évangile.

    1. Quelques éléments structurants

En lisant l’ensemble de l’Évangile de Jean, le lecteur peut repérer certains éléments structurants de l’œuvre. Voici quelques indications topographiques et thématiques.

        1.1. Les éléments topographiques

Trois indications géographiques méritent d’être signalées : (1) au-delà du Jourdain ; (2) le Temple de Jérusalem et (3) le lac de Tibériade.

(1) L’expression « au-delà du Jourdain » (3 fois en 1,28 ; 3,26 ; 10,40) joue le rôle d’inclusion. Jésus a commencé son ministère « au-delà du Jourdain » par le témoignage de Jean Baptiste (1,19-34), c’est dans ce même lieu que Jésus se retire après la dernière controverse avec les autorités juives. Après cela, le narrateur note en 10,40 : « De nouveau il [Jésus] s’en alla au-delà du Jourdain, au lieu où Jean avait d’abord baptisé, et il y demeura. » Il n’existe plus de confrontation directe entre Jésus et ses adversaires en Jn 11–12.

(2) La péricope « Jésus et le Temple de Jérusalem » au début de l’Évangile (2,13-22) rapporte la première confrontation entre Jésus et les Juifs (2,18-20) à l’occasion de « la Pâque des Juifs » (2,13). L’inclusion se fait à la fin de la vie publique de Jésus. La dernière discussion entre ce dernier avec les Juifs se passe aussi sur l’esplanade du Temple de Jérusalem « sous le portique de Salomon » (10,23) à l’occasion d’une fête juive : « la fête de la Dédicace » (10,22). Le Temple de Jérusalem est donc un élément structurant de l’activité de Jésus.

(3) Jn 6 commence par « l’autre côté de la mer de Galilée » (6,1). Cette localité renvoie à la troisième manifestation de Jésus ressuscité « sur le bord de la mer de Tibériade » en 21,1-14. En 6,1-15, Jésus a nourri environ cinq mille hommes (6,10) à partir seulement de cinq pains (artous) et deux poissons (opsaria), cf. 6,9. À la fin de l’Évangile (Jn 21), Jésus a nourri les disciples avec du poisson (opsarion) et du pain (artos), cf. 21,9. Il y a donc un lien entre les signes et le discours du pain de vie en Jn 6 avec le signe de la pêche abondante et le repas offert par Jésus en 21,1-14. Ces deux récits donnent sens à la mission de Jésus qui est cadrée par un élément géographique. La mer de Tibériade marque la continuité entre l’avant et l’après Pâques.

En résumé, attentif aux éléments topographiques, le lecteur peut situer certains récits dans un cadre géographique. L’élargissement des lieux indiqués (le Temple de Jérusalem, au-delà du Jourdain, la mer de Tibériade) permet au lecteur d’élargir à l’infini l’espace géographique dans le sens que Jésus a indiqué à la femme samaritaine en 4,21.24 : « 21 Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père […] 24 Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c’est dans l’esprit et la vérité qu’ils doivent adorer. » Le lecteur dans le monde entier se trouve connecté à l’Évangile, puisque le narrateur s’adresse au lecteur à travers le récit.

        1.2. Les éléments thématiques

Certains thèmes parcourent l’Évangile ou se présentent au début et à la fin de l’œuvre. Ces thèmes sont des éléments structurants du récit. À titre d’exemple, nous présenterons ci-dessous cinq sujets : (1) l’origine céleste et la divinité de Jésus ; (2) le verbe « croire » ; (3) le conflit entre Jésus et ses adversaires ; (4) le rôle du lecteur après Pâques ; (5) le thème de « la vie ».

(1) L’origine céleste et la divinité de Jésus sont des sujets importants dans l’Évangile. D’abord le narrateur affirme la préexistence du Logos (le Verbe) en 1,1. Jésus est le Logos qui s’est fait chair (1,14). Au cours de sa mission, Jésus déclare qu’il est descendu du ciel (3,13). Il dit aux Juifs en 8,58 : « Avant qu’Abraham existât, Moi, Je Suis. » À la fin de sa mission, Jésus dévoile qu’il possède la gloire auprès de son Père, « avant que fût le monde » (17,5) et que son Père l’a aimé « avant la fondation du monde » (17,24). Devant Jésus ressuscité, Thomas confesse : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (20,28) La révélation sur l’origine céleste et la divinité de Jésus est l’un des projets principaux de l’Évangile.

(2) Le verbe « croire » (pisteuô) qui apparaît 99 fois dans l’Évangile, est un élément structurant. En effet, le Prologue communique l’objectif du témoignage de Jean Baptiste : « afin que tous crussent par lui [Jean Baptiste] » (1,7b). Ceux qui accueillent le Logos-Jésus sont « ceux qui croient en son nom » (1,12c). À la fin de l’Évangile, le témoignage du disciple que Jésus aimait au pied de la croix vise le lecteur : « pour que vous aussi vous croyiez » (19,35c). Il en est de même dans la première conclusion de l’Évangile : « Ceux-là [les signes] ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom » (20,31). L’ensemble de l’Évangile s’adresse donc à « vous » (le lecteur) pour répondre à deux questions : Comment parvient-on à croire réellement en Jésus ? Comment tient-on ferme cette foi face au défi, à la difficulté et à la persécution ?

(3) L’ensemble de l’Évangile se construit autour du thème du conflit avec les autorités juives (les Juifs, les Pharisiens, les grands prêtres). L’allusion à cette confrontation dans le prologue se présente dans trois versets (1,5.10.11) : « la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie [le Logos] » (1,5) ; « le monde ne l’a pas reconnu [le Logos] » (1,10c) ; « Il [le Logos] est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli » (1,11). Dans ces versets, il y a un verbe à l’affirmatif « luire » et trois verbes en négation : « ne pas saisir » et « ne pas reconnaître » et « ne pas accueillir ». Les derniers verbes expriment le refus et la confrontation entre la lumière et les ténèbres, entre Jésus et ses adversaires.

Après le Prologue, le contexte du procès commence en 1,19 quand les Juifs envoient de Jérusalem des prêtres et des lévites pour interroger Jean Baptiste sur son identité (1,19-28). La première controverse entre Jésus et les Juifs s’est produite dès la première montée de Jésus à Jérusalem (2,13-20). Après la guérison d’un paralytique à la piscine Bethesda en 5,1-9, le narrateur communique pour la première fois l’intention homicide des Juifs ainsi que le motif d’accusation en 5,18 : « Ainsi les Juifs n’en cherchaient que davantage à le tuer [Jésus], puisque, non content de violer le sabbat, il appelait encore Dieu son propre Père, se faisant égal à Dieu. » Le conflit s’intensifie par la suite, en particulier dans les chap. 7–10, pour aboutir à la décision du Conseil des grands prêtres et des Pharisiens à la fin du chap. 11 : « Dès ce jour-là donc, ils résolurent de le tuer [Jésus] » (11,53). Le chap. 12 et le livre de l’Heure (Jn 13–21) décrivent comment cette décision s’est réalisée, en même temps, ils dévoilent l’identité de Jésus à travers sa mort et sa résurrection.

(4) Le lecteur après Pâques joue le rôle de destinataire de l’Évangile. Trois rappels explicites de la lecture postpascale de la mission de Jésus se trouvent en 2,22 ; 12,16 ; 20,9. La signification de l’enseignement de Jésus et sa mission ne sont saisissables qu’après sa mort et sa résurrection. C’est le Paraclet, l’Esprit de vérité, qui fait comprendre aux disciples les paroles de Jésus (14,26) et les guide dans la vérité tout entière (16,13). Le récit de l’Évangile est donc adressé au lecteur après Pâques. Le texte de l’Évangile, composé par deux éléments : « l’histoire racontée » et « la mise en récit » doit être lu comme un témoignage vivant de la communauté des disciples. C’est ainsi que le narrateur met en relief le rôle des témoins au début et à la fin de l’Évangile. En effet, il affirme en 1,14 : « Et le Verbe s’est fait chair et il a campé parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient du Père comme Unique-Engendré, plein de grâce et de vérité. » À la fin de l’Évangile, l’authenticité de l’ensemble de l’œuvre repose sur le témoignage du disciple que Jésus aimait : « C’est ce disciple qui témoigne de ces faits et qui les a écrits, et nous savons que son témoignage est véridique » (21,24), déclare le narrateur. L’Évangile est adressé au lecteur pour répondre à deux questions : qui est Jésus ? Et que fait-on pour avoir la vie éternelle ?

(5) Jésus est venu pour offrir à tous la vie éternelle. La révélation sur l’identité de Jésus est ainsi de faire connaître son don de la vie. En tant que le Fils Unique de Dieu et l’envoyé de Dieu, le Père, Jésus a le pouvoir d’offrir la vie éternelle à tous ceux qui croient en lui. C’est la vie en plénitude que la mort physique ne peut pas atteindre. Une seule condition pour recevoir ce don de la vie est de croire en Jésus et de garder sa parole. Jésus dit aux Juifs en 8,51 : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si quelqu’un garde ma parole, il ne verra jamais la mort. » Il révèle à Marthe en 11,25-26a : « 25 Moi, je suis la résurrection. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; 26a et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. » Le thème de « la vie » est exprimé par les substantifs : « zôè » (la vie, 36 f.), « psuchè » (vie, âme, 10 f.) et les verbes : « zaô » (vivre, 17 f.), « iopoieô » (faire vivre, 3 f.). Ce thème parcourt l’ensemble de l’Évangile, en particulier dans le livre des signes (Jn 1–12). Le terme « vie » revient dans la première conclusion (20,30-31) pour indiquer le but de l’Évangile : « …pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom [de Jésus] » (20,31b).

En résumé, la révélation dans le quatrième Évangile concerne l’origine céleste et la divinité de Jésus. Plusieurs thèmes christologiques sont révélés à travers le conflit entre Jésus et ses adversaires. L’Évangile s’adresse au lecteur après Pâques pour l’inviter à recevoir le don de la vie éternelle. Il y a encore d’autres thèmes clés et d’autres éléments structurants que nous aborderons plus tard.

    2. Les critères de structure

Les critères de structure se trouvent dans le texte lui-même. Ce sont (2.1) le contenu du récit, les procédés littéraires, le style et (2.2) les cadres liturgiques ou géographiques. Dans le dernier point (2.3), nous parlerons des limites de titres proposés pour désigner des unités littéraires.

        2.1. Le contenu, les procédés littéraires et le style

Trois éléments qui nous aident à repérer la structure du texte sont le contenu du récit, les procédés littéraires et le style. D’abord, le contenu du récit permet de délimiter les péricopes, par exemple, « les noces de Cana » (2,1-12) ; « Jésus au Temple de Jérusalem » (2,13-22)… ou des grandes parties : « la vie publique de Jésus » (1,19–12,50) ; « les discours d’adieux » (Jn 13–17), « la mort et la résurrection » (Jn 19–21). Ensuite, les procédés littéraires d’inclusion et de transition indiquent les liens entre le début et la fin (l’inclusion) ou les liens entre les récits (la transition), par exemple, le terme « Dieu » présenté au début et à la fin du Prologue (1,1.18) est une forme d’inclusion ; l’unité littéraire 2,23-25 est à la fois une conclusion et une transition ; cette unité est liée à ce qui précède et introduit à ce qui suit. Enfin, le changement de style ou de genre littéraire est un indice de la structure du texte. Par exemple, le style du Prologue (1,1-18) est plutôt poétique, tandis qu’à partir de 1,19, le style est plutôt narratif, l’auteur raconte la vie publique de Jésus, le style du discours se trouve en Jn 14–16 ou de la prière en Jn 17. Parfois l’auteur s’adresse directement au lecteur au cours de la narration, cette communication entre l’auteur et le lecteur permet de repérer des bilans, des conclusions, des explications, des commentaires explicites ou implicites dans le récit.

        2.2. Les cadres liturgiques ou géographiques

Le quatrième Évangile se structure autour des fêtes (la Pâque, la fête des Tentes, la fête de la Dédicace…) et des indications géographiques (Cana, Galilée, Samarie, Judée, Jérusalem, etc.). Nous sommes attentifs à ces deux éléments dans la recherche de structure, par exemple, les sections : « de Cana à Cana » (Jn 2–4) ; « la fête des Tentes » (7,1–10,21)… Chaque péricope doit être interprétée dans son contexte littéraire et dans le contexte de l’ensemble de l’Évangile. Puisque les unités littéraires contribuent au développement de l’œuvre, en même temps l’œuvre dans son ensemble oriente l’interprétation de ses composants. Dans cette perspective, le Prologue (1,1-18) oriente le lecteur dans l’interprétation du contenu de l’Évangile (1,19–21,25) et inversement le récit de la vie et de la mort de Jésus éclaire le sens des termes utilisés dans le Prologue.

        2.3. Les titres proposés dans la structure

Tous les titres proposés pour désigner une péricope ou une partie du texte ne sont que des suggestions, par exemple, le titre « l’eau devenue vin aux noces de Cana » désigne la péricope 2,1-11 ; le titre « de Cana à Cana » nomme la section Jn 2–4, etc. En réalité, il est souvent difficile de donner à une péricope un titre qui puisse exprimer son contenu. À titre d’exemple, voici les propositions concernant la péricope 2,13-22 et deux parties de l’Évangile : 1,19–12,50 et Jn 13–21.

Comment appelle-on la péricope 2,13-22 ? Selon Léon-Dufour*, I, 247 : « L’épisode raconté ne peut être réduit au fait divers qu’on intitule “L’expulsion des vendeurs du Temple” ou “la purification du Temple”. Maintenir ce titre chez Jn, ce serait méconnaître la différence entre le IVe évangile et la tradition synoptique dans l’interprétation de l’événement. » L’auteur propose le titre « Jésus et le temple de Dieu (2,13-22 » (Léon-Dufour*, I, 246). Cependant le texte parle du « Temple de Jérusalem » et non pas du « Temple de Dieu » proprement dit. Pour Simoens*, II, 159 : « “La purification du temple” ne convient pas comme titre pour cet épisode : ni le verbe ni le substantif de la racine “purifier” ne figurent dans le texte. » L’auteur intitule ce passage : « Le sanctuaire du corps (Jn 2, 13-25 » (Simoens*, II, 159), mais ce titre ne dit rien sur le fait que Jésus a chassé les commerçants du Temple (2,14-16). Constatons que le récit 2,13-22 contient deux unités : (1) 2,13-17, Jésus ne veut pas que la maison de son Père devienne une maison de commerce, il chasse donc les vendeurs et les changeurs du parvis du Temple. (2) 2,18-22, devant le sanctuaire de pierre, Jésus parle du sanctuaire de son corps. Ces deux unités ont un thème commun : la relation entre Jésus et le Temple de Jérusalem. D’une part, le Temple est la maison de son Père (2,13-17), et d’autre part, ce sanctuaire en pierre symbolise le sanctuaire de son corps (2,18-22). Pour exprimer cette double relation, nous proposons de nommer la péricope 2,13-22 : « Jésus et le Temple de Jérusalem ».

La première partie de l’Évangile (1,19–12,50) est souvent appelée « le livres des Signes », cette appellation renvoie à sept signes dans cette partie, mais elle ne reflète pas explicitement les controverses et le conflit entre Jésus et ses adversaires. Pourtant, la décision de faire mourir Jésus de la part des autorités juives est le point culminant de la première partie.  Cette décision introduit au récit de la Passion et de la Résurrection de Jésus. De plus, à côté des signes, il y a d’autres thèmes importants dans la première partie de l’Évangile, par exemple, la lumière, la vie... Dans cette partie, la mission de Jésus est présentée comme une journée de travail. M. Gourgues, « Superposition du temps », 182, propose le titre : « le livre du jour » (1–12) suivi par « le livre de l’heure » (13–20). Pour la deuxième partie de l’Évangile (Jn 13–21), les titres : « le livre de l’Heure » ou « le livre de la Gloire » sont proposés, puisque le thème de « l’Heure » et celui de « la Gloire » sont étroitement liés. Quant à Y. Simoens*, II, 11, il divise l’Évangile en deux parties : « Vie de Jésus » (1,19–12,50) et « Mort de Jésus » (13–21). Dans cette diversité de titres proposés, il vaut donc mieux reconnaître la limite des titres attribués à un récit et les utiliser comme des suggestions qui aident le lecteur dans l’analyse du texte. Le lecteur est libre de proposer un titre qui exprime mieux le contenu d’une unité textuelle. Une proposition pertinente n’est possible qu’après l’étude du texte et en tenant compte de toutes les données du récit.

II. La structure générale et détaillée

La structure de l’Évangile sera présentée en trois points : (1) la structure générale, (2) la structure détaillée et (3) la structure de quelques péricopes à titre d’exemple. Il existe plusieurs propositions qui concernent la structure ainsi que la délimitation de certaines péricopes. La présentation ci-dessous n’est qu’un guide pour la lecture du texte.

    1. La structure générale

Le quatrième Évangile commence par le Prologue (1,1-18) et se termine par deux conclusions : 20,30-31 (2 versets) ; 21,24-25 (2 versets). Le reste de l’œuvre se divise en 2 parties : (1) « le livre des Signes » (1,19–12,50) raconte la vie publique de Jésus et (2) « le livre de l’Heure » (Jn 13–21) relate la Passion et les apparitions de Jésus ressuscité. Voici la structure générale de l’Évangile en quatre parties :

[1] Le Prologue (1,1-18)

[2] Le livre des Signes : la vie publique de Jésus (1,19–12,50)
            - Le témoignage et les premiers disciples (1,1-51)
            - De Cana à Cana (Jn 2–4)
            - Les signes et les discours (5–6)
            - La section de la fête des Tentes (7,1–10,21)
            - La fin de la vie publique de Jésus (10,22–12,36)
            - Les bilans (12,37-50)

[3] Le livre de l’Heure : la Passion et la Résurrection (13–21)
- Les discours d’adieu (13–17)
- Le récit de la Passion (18–19)
- Les apparitions du Ressuscité (20–21)

[4] Les deux conclusions (la 1ère : 20,30-31 ; la 2è : 21,24-25)

    2. La structure détaillée

La structure détaillée est présentée d’abord par (2.1) la structure du livre des Signes (1,19–12,50), et ensuite (2.2) la structure du livre de l’Heure (Jn 13–21). Enfin, nous proposons (2.3) le plan de l’Évangile, en indiquant toutes les péricopes pour une vue d’ensemble de l’œuvre.

        2.1. Le livre des Signes (1,19–12,50)

Le livre des Signes (1,19–12,50) se structure autour des sept signes, des fêtes Juives, des rencontres, des discours, des débats et des controverses entre Jésus et les autorités juives. Cette partie est introduite par le témoignage de Jean Baptiste (1,19-34) et les premiers disciples de Jésus (1,35-51). Le livre des Signes se termine par deux bilans : l’un est une remarque du narrateur (12,37-43) et l’autre est un dernier appel de Jésus à croire en lui (12,44-50).

La première section s’appelle « de Cana à Cana (Jn 2–4), le terme « Cana » apparaît en 2,1.11 et 4,46. L’activité publique de Jésus débute par le signe de l’eau devenue bon vin aux noces de Cana (2,1-12), suivie par les gestes et les paroles de Jésus au Temple de Jérusalem (2,13-22). Ces deux péricopes mettent en place le programme de l’ensemble de l’œuvre à travers les thèmes clés : « les signes » (2,11a), « la gloire » (2,11b), le Temple de pierre, le Temple du corps (2,21), et le renvoi à la mort et à la résurrection de Jésus (2,22). Les chap. 3–4 rapportent les rencontres et les révélations de Jésus sur son identité et sa mission. La rencontre avec Nicodème est suivie par le monologue de Jésus (3,1-21). De même la discussion entre Jean Baptiste et ses disciples (3,22-30) est suivie par le monologue de Jean Baptiste sur l’origine de Jésus (3,31-36). À Sychar en Samarie (4,4-5), Jésus dialogue avec la femme samaritaine (4,5-30) et avec les disciples (4,31-38), puis il rencontre les Samaritains et séjourne avec eux deux jours (4,39-42). La section « de Cana à Cana » (Jn 2–4) se termine par le deuxième signe à Cana : « La guérison du fils d’un fonctionnaire royal (4,46-54). Dans ces récits, la révélation concerne l’origine et la mission de Jésus, la naissance d’en haut, l’eau vive, la véritable adoration, la mission des disciples et la foi en Jésus. Certains sujets sont repris et approfondis par la suite.

Les chap. 5–6 se construisent sur le même modèle : « signe + discours ». Un signe au chap. 5 (5,1-9) et deux signes au chap. 6 (6,1-21) sont suivis par un long discours de Jésus (5,19-47 et 6,22-59). Notons qu’il n’y a pas de transition entre les chap. 4 et 5 et entre les chap. 5 et 6. La fin du chap. 4 se déroule à Cana en Galilée, le chap. 5 se passe à Jérusalem. Jn 5 commence par le signe de la guérison d’un paralytique un jour de sabbat (5,1-9) suivi d’une controverse (5,10-18), puis d’un long discours de Jésus (5,19-47). Le chap. 6 raconte l’activité de Jésus de l’autre côté de la mer de Tibériade en Galilée. Jn 6 présente d’abord deux signes : « la multiplication des pains » (6,1-15) et « la marche sur la mer » (6,16-21), ensuite les échanges avec la foule et les Juifs dans le discours sur le pain de vie (6,22-59), enfin les réactions opposées des disciples (6,60-71). Dans un sens, « beaucoup de ses disciples [de Jésus] se retirèrent, et ils n’allaient plus avec lui » (6,66), dans un autre sens, au nom des Douze, Simon-Pierre confesse la foi en Jésus en 6,68b-69 : « 68b Tu as les paroles de la vie éternelle. 69 Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu ». Par rapport aux chap. 2–4, les chap. 5–6 continuent la révélation sur l’identité et l’origine de Jésus et dévoilent pour la première fois, l’intention des autorités juives : « chercher à tuer Jésus » (5,18).

La révélation de Jésus à travers le conflit et la controverse se poursuit dans une longue section : « la fête des Tentes » en 7,1–10,21 (trois chapitres et demi). La péricope de la femme adultère (7,53–8,11) ne figure pas dans plusieurs anciens manuscrits du quatrième Évangile, par exemple, elle est omise dans P66, P75. Dans quelques manuscrits, la péricope 7,53–8,11 est placée après Lc 21,38. La section 7,1–10,21 se structure en trois scènes. La première scène (7,1-52) décrit la discussion et la révélation de Jésus liées à la fête des Tentes. Trois moments de la fête sont signalés : la montée de Jésus à Jérusalem pour la fête (7,1-13), au milieu de la fête (7,14-36) et au dernier jour de la fête (7,37-52). Le conflit et la controverse dans le chap. 7 se poursuivent en 8,12-59 (la deuxième scène). Le débat entre Jésus et les Juifs dans cette scène concerne plusieurs sujets : Jésus est la lumière du monde, le thème du témoignage et l’origine de Jésus (8,12-31) ; le vrai disciple de Jésus, l’hostilité des Juifs et la figure d’Abraham (8,31-59). Au cours de la controverse dans la deuxième scène (8,12-59), Jésus accuse ses adversaires de ne pas connaître ni lui ni son Père (8,19) et de ne pas faire les œuvres d’Abraham (8,39b) ; en cherchant à tuer Jésus, les Juifs ont le diable pour père (8,44). La troisième scène (9,1–10,21) relate d’abord le signe de la guérison d’un aveugle de naissance (Jn 9), ensuite la métaphore de la porte des brebis et le bon pasteur en relation avec ses brebis (10,1-21). La section de la fête des Tentes (7,1–10,21) dévoile au lecteur l’identité de Jésus et indique les démarches à faire pour devenir un vrai disciple de Jésus (cf. 8,31-32 ; 9,1-41 ; 10,1-21).
Après la dernière controverse avec les Juifs au cours de la fête de la Dédicace au Temple de Jérusalem (10,22-39), Jésus se retire au-delà du Jourdain (10,40-42). À partir de 10,40, il n’y a plus de confrontation directe entre Jésus et ses adversaires. Le signe de la résurrection de Lazare (11,1-44) donne sens à la mort et à la résurrection de Jésus comme il le dit à Marthe en 11,25a : « Moi, je suis la résurrection. » Le signe de « donner la vie à Lazare » conduit Jésus à la mort, puisque après ce signe, le conseil des grands prêtres et des Pharisiens décident de tuer Jésus (11,53).

La section de la dernière semaine de la vie publique de Jésus (11,55–12,36) débute par l’indication : « la Pâque des Juifs était proche » (11,55). La péricope « l’onction à Béthanie » (12,1-11), est datée « six jours avant la Pâque » (12,1). Après l’entrée à Jérusalem (12,12-19), Jésus révèle (aux disciples, aux Grecs et à la foule) que son heure est venue. C’est « l’heure où doit être glorifié le Fils de l’homme », dit Jésus en 12,23. La vie publique de Jésus prend fin en 12,36b : « Ainsi parla Jésus, et s’en allant il se cacha loin d’eux ». Le passage de 12,37-50 est la conclusion du ministère de Jésus en deux péricopes : (1) le bilan du narrateur (12,37-43) concernant l’incrédulité des adversaires de Jésus et (2) la conclusion de Jésus (12,44-50) par une dernière invitation à croire en lui. Cet appel renvoie à la première conclusion de l’Évangile : « Ceux-là [les signes] ont été mis par écrit, pour que vous croyiez » (20,31a).

        2.2. Le livre de l’Heure (Jn 13–21)

Le livre de l’Heure (13–21) relate l’événement de l’Heure de Jésus en trois sections : (1) le repas d’adieu, les discours et la prière d’intervention de Jésus (13–17), (2) le récit de la Passion (18–19) et (3) les apparitions de Jésus ressuscité (20–21).

(1) La section « le repas d’adieu, les discours et la prière » (13–17) est introduite par la venue de l’heure (13,1). La mort de Jésus est son heure « de passer de ce monde vers le Père » (13,1a), c’est le moment où Jésus manifeste son amour pour les siens « jusqu’à la fin » (13,1b). Cette section commence par un récit : « le lavement de pieds et celui qui livrera Jésus » (13,1-32), suivie par deux longs discours d’adieu (13,33–14,31 et 15–16) et elle se termine par l’intervention de Jésus auprès du Père (Jn 17). Dans ces cinq chapitres (13–17), Jésus dévoile le sens de sa mort imminente et affirme sa présence et sa protection auprès de la communauté des disciples qui subit la persécution. Jésus révèle plusieurs aspects de la relation entre lui et son Père, le Paraclet, ses disciples et le monde. Ces révélations sont adressées aux disciples pour qu’ils puissent tenir ferme leur foi en Jésus face à la menace du monde hostile (15,18) avec son chef, nommé « le prince de ce monde » (14,30), « le diable » (13,2), « Satan » (13,27), « le Mauvais » (17,15). Les chap. 13–17 montrent à la communauté des disciples et au lecteur les démarches à faire pour surmonter les difficultés et vivre pleinement la paix et la joie de Jésus. Il s’agit de connaître qui est Jésus, de communier avec lui, de s’appuyer sur sa présence et de mettre en pratique sa parole, en particulier de se laisser guider par le Paraclet.

(2) Le récit de la Passion (Jn 18–19) commence par Jésus se livrant aux autorités juives (18,1-11). Dans la péricope 18,12-27 qui suit, Anne, le beau-père de Caïphe, interroge Jésus sur ses disciples et sa doctrine (18,19), l’interrogatoire est encadré par trois reniements de Pierre (18,17.25.27). La péricope « Jésus devant Pilate » (18,28–19,16a) est construite avec soin, rythmée par les allers-retours de Pilate entre l’intérieur et l’extérieur du prétoire. Par le procédé littéraire de l’ironie, le récit révèle la royauté de Jésus au lecteur, Jésus est bien le vrai roi et le vrai juge. Pilate ne juge pas Jésus, il ne prononce pas le verdict, puisque le récit veut montrer de « quelle mort il [Jésus] devait mourir » (18,32) et non le jugement sur l’accusé. Le récit met en relief l’irresponsabilité de Pilate et l’intention meurtrière des accusateurs. La crucifixion, la mort et l’ensevelissement (19,16b-42) se déroulent en 7 unités : (1) le crucifiement (19,16b-22) ; (2) le partage des vêtements (19,23-24) ; (3) Jésus, sa mère et le disciple (19,25-27) ; (4) la mort de Jésus (19,28-37) ; (5) le coup de lance et le témoignage (19,28-37) ; (6) l’onction du corps (19,38-40) et (7) la sépulture (19,41-42).

Selon la théologie du quatrième Évangile, la mort de Jésus est la manifestation de son amour pour le Père (14,31) et l’amour du Père pour lui (10,17), c’est le moment où Jésus exprime son amour le plus grand pour les siens jusqu’au bout (13,1 ; 15,13). La Passion est l’heure où « le Prince de ce monde va être jeté bas » (12,31) et où Jésus a vaincu définitivement le monde (16,33). C’est à travers cette heure que Jésus va vers le Père (13,1), attire tous à lui (12,32), est glorifié par le Père (12,28 ; 13,31-32 ; 17,1.5) et glorifie le Père (13,31 ; 17,1.4). Le départ de Jésus vers le Père est la condition de la venue du Paraclet sur des disciples (16,7).

(3) Les apparitions de Jésus ressuscité (Jn 20–21) se passent d’abord à Jérusalem (Jn 20), puis à la mer de Tibériade en Galilée (Jn 21). Le récit de la Résurrection s’ouvre par la découverte du tombeau vide par Marie de Magdala, puis se poursuit par la visite de Pierre et du disciple que Jésus aimait au tombeau (20,1-10). Jésus apparaît d’abord à Marie de Magdala (20,11-18) puis aux disciples sans Thomas (20,19-25). Huit jours après (20,26), Jésus réapparaît aux disciples avec la présence de Thomas (20,26-29). La profession de Thomas devant Jésus « Mon Seigneur et mon Dieu » (20,28) et la bénédiction de Jésus aux croyants : « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru » sont suivies par la première conclusion de l’Évangile (20,30-31). Le chap. 21 relate la troisième manifestation de Jésus ressuscité aux disciples, elle a lieu au bord de la mer de Tibériade. D’abord, Jésus se fait connaître aux disciples par le signe de la pêche abondante (21,1-14). Ensuite il confie à Simon-Pierre sa tâche pastorale et annonce son destin (21,15-19). Enfin, Jésus parle du destin du disciple que Jésus aimait (21,20-23). À la fin de ce chapitre, le narrateur clôt son évangile par la deuxième conclusion (21,24-25).

        2.3. Le plan de l’Évangile

[1] Le Prologue, 1,1-18

[2] Le livre des Signes (la vie publique), 1,19–12,50
1,19-51 : Le début de la vie publique de Jésus
       1,19-34 : Le témoignage de Jean
       1,35-51 : Les premiers disciples de Jésus

2–4 : De Cana à Cana
       2,1-12 : L’eau devenue vin aux noces de Cana (1er signe)
(1ere Pâque, 2,13)
       2,13-22 : Jésus et le Temple de Jérusalem
       2,23–3,21 : Jésus et Nicodème
2,23-25 : Le séjour à Jérusalem (bilan et transition)
3,1-12 : Le récit et le dialogue, Jésus et Nicodème
3,13-21 : Le monologue de Jésus
       3,22-36 : L’ultime témoignage de Jean
3,22-30 : Le récit et le dialogue, Jean et ses disciples
3,31-36 : Le monologue de Jean
       4,1-42 : Jésus en Samarie
4,1-4 : L’arrivée à Samarie
4,5-30 : Jésus et la femme samaritaine
4,31-38 : Jésus et les disciples
4,39-42 : Jésus et les Samaritains
       4,43-54 : Jésus en Galilée
4,43-45 : L’accueil en Galilée (transition)
4,46-54 : La guérison du fils d’un fonctionnaire (2e signe)

5–6 : Les signes et les discours
       5,1-47 : La guérison, le conflit et le discours de Jésus
5,1-18 : La guérison (3e signe) et le conflit
5,19-47 : Le discours sur l’œuvre du Fils
(2e Pâque, 6,4)
       6,1-71 : Les signes, le discours et les réactions des disciples
6,1-15 : La multiplication des pains (4e signe)
6,16-21 : La marche sur la mer (5e signe)
6,22-59 : Le discours sur le pain de vie
6,60-71 : Les réactions des disciples

La section de la fête des Tentes 7,1–10,21 en 3 scènes
7,1-52 : Scène 1. La fête des Tentes
        7,1-13 : L’introduction. Montée à Jérusalem
        7,14-36 : Au milieu de la fête
        7,37-52 : Le dernier jour de la fête
[7,53–8,11 : La femme adultère]
8,12-59 : Scène 2. La discussion continue
       8,12-20 : La lumière du monde et le témoignage
       8,21-30 : Le départ, l’origine et l’identité de Jésus
       8,31-59 : Jésus, Abraham et l’hostilité des Juifs
9,1–10,21. Scène 3. L’aveugle-né et la métaphore du pâturage
        9,1-41 : Le parcours de l’aveugle de naissance (6e signe)
        10,1-21 : La porte des brebis et le bon pasteur

10,22-42 : La dernière controverse avec les Juifs
       10,22-39 : La fête de la Dédicace à Jérusalem
       10,40-42 : Jésus se retire au-delà du Jourdain
11,1-44 : La mort et la résurrection de Lazare (7e signe)
11,45-54 : Les autorités juives décident de tuer Jésus
(3e Pâque, 11,55)
11,55–12,36 : La dernière semaine de la vie publique
        11,55-57 : L’approche de la Pâque
        12,1-11 : L’onction à Béthanie
        12,12-19 : L’entrée à Jérusalem
        12,20-36 : La glorification par la mort

12,37-50 : Conclusion
       12,37-43 : Le bilan du narrateur. Le refus de croire, la peur
       12,44-50 : Le dernier appel de Jésus. L’invitation à croire

[3] Le livre de l’Heure (la mort et la résurrection), 13–21

13–17 : Le repas d’adieu, les discours et la prière
       13,1-32 : Le lavement de pieds et celui qui livrera Jésus
       13,33–14,31 : 1er discours d’adieu
13,33-38 : Le départ et le commandement de l’amour
14,1-14 : Connaître, croire, faire et demander
14,15-26 : Aimer et demeurer du Paraclet et de Jésus
14,27-31 : La paix et la joie au cœur de la crise
       15–16 : 2e discours d’adieu
15,1-8 : Le vigneron, la vigne et le sarment
15,9-17 : L’amour et l’amitié
15,18–16,4a : La haine et la persécution
16,4b-15 : Le départ de Jésus et la venue du Paraclet
16,16-33 : La joie et la tristesse, le départ et le retour
       17 : La prière d’intervention de Jésus

18–19 : La Passion 
       18,1-11 : Jésus se livre aux autorités juives
       18,12-27 : Jésus devant Anne, les reniements de Pierre
       18,28–19,16a : Jésus devant Pilate
       19,16b-42 : La crucifixion, la mort et l’ensevelissement
19,16b-22 : Le crucifiement
19,23-24 : Le partage des vêtements
19,25-27 : Jésus, sa mère et le disciple
19,28-30 : La mort de Jésus
19,31-37 : Le coup de lance et le témoignage
19,38-40 : L’onction du corps
19,41-42 : La sépulture

20–21 : Les apparitions du Ressuscité
       20,1-29 : Les apparitions à Jérusalem
20,1-10 : Marie de Magdala, les disciples au tombeau
20,11-18 : L’apparition à Marie de Magdala
20,19-25 : L’apparition aux disciples sans Thomas
20,26-29 : L’apparition aux disciples avec Thomas
       [20,30-31 : La première conclusion]
       21,1-25 : L’apparition en Galilée
21,1-14 : L’apparition au bord du lac (8e signe)
21,15-19 : L’amour, la charge et le destin de Pierre
21,20-23 : Le destin du disciple que Jésus aimait
       [21,24-25 : La deuxième conclusion]

[4] Les deux conclusions
    20,30-31 : Ce qui a été écrit (pas tout) est un appel à croire
    21,24-25 : Ce qui a été écrit (pas tout) est un vrai témoignage

    3. La structure de quelques péricopes

Une péricope peut se structurer en chiasme, en parallèle ou en unité. À titre d’exemple, voici la structure de quelques passages : le Prologue 1,1-18, la péricope 18,28–19,16a, l’unité 17,1-8 et le chap. 17.

        3.1. Structure de 1,1-18 : Le Prologue

Le Prologue (1,1-18) a un genre littéraire particulier et peut se structurer en deux parties : 1,1-13 et 1,14-18, marqué par la reprise du terme Logos (le Verbe). En effet, le terme Logos, 3 fois en 1,1, ne revient qu’au verset 14 : « Le Verbe (Logos) s’est fait chair ». Cette reprise présente un nouveau développement. Dans la première partie (1,1-13), il y a des indices sur la présence du Logos dans le monde, par exemple le témoignage de Jean Baptiste en 1,6-8 ; le Logos qui illumine tout homme (1,9) ; l’expression « ceux qui l’ont reçu » (1,12, TOB) renvoie à ceux qui ont cru en Jésus. Les verbes : « ne pas accueillir (ou paralanbanô) » (1,11), « recevoir » (lambanô), « croire en son nom » (1,12) sont utilisés dans l’Évangile pour parler de la foi en Jésus. Cette présence du Logos ne s’oppose pas à l’incarnation du Logos en 1,14, puisque chaque partie (1,1-13 et 1,14-18) présente des aspects différents de la mission du Logos-Jésus.

La première partie (1,1-13) est une présentation de la foi chrétienne dans l’histoire du salut, du commencement à la fin des temps. Elle est une confession de la foi chrétienne en Jésus-Christ, le Logos préexistant, venu dans le monde. Face à Jésus, l’humanité se divise selon deux attitudes : l’accueillir ou le refuser (1,10-13). La deuxième partie (1,14-18) décrit le Logos dans l’histoire concrète qui se déploie dans la suite de l’Évangile. La première partie (1,1-13) est en quelque sorte une introduction générale. La deuxième (1,14-18) est une introduction particulière au récit de l’Évangile. Le Logos qui s’est fait chair (1,14) nous raconte Dieu (1,18). Le dernier verset du Prologue (1,18) s’ouvre sur la mission de Jésus. Ces deux parties (1,1-13; 1,14-18) sont liées entre elles et forment une structure en chiasme :

Structure de 1,1-18 : Le Prologue

a. 1,1-2 : Le Logos dans l’éternité avec Dieu
   b. 1,3 : La méditation cosmique du Logos
     c. 1,4-5 : Le bienfait procuré par le Logos
       d. 1,6-8 : Le témoignage de Jean
         e. 1,9 : La venue du Logos dans le monde
           F. 1,10-11 : Le refus du Logos
           F’. 1,12-13 : L’acceptation du Logos
         E’. 1,14 : L’incarnation
       D’. 1,15 : Le témoignage de Jean
     C’. 1,16 : Les fruits du mystère de l’incarnation
   B’. 1,17 : La médiation sotériologique du Fils
A’. 1,18 : Le Fils nous raconte Dieu

Le centre de cette structure (F : 1,10-11, F’ : 1,12-13) met en opposition « refuser le Logos » (F) ou « l’accueillir » (F’) de la part des hommes. L’option de « croire » ou de « non-croire », de « venir à la lumière » ou d’« aimer les ténèbres » va être abordée dans l’Évangile.

        3.2. Structure de 18,28–19,16a : Jésus devant Pilate

La péricope 18,28–19,16a est soigneusement construite. On reconnaît deux structures possibles pour cette péricope : chiasme (concentrique) et parallèle. Cette péricope est composée de sept scènes qui sont rythmées par les allers-retours de Pilate, marquées dans l’espace par l’intérieur et l’extérieur du prétoire. La structure concentrique met au centre l’unité du couronnement de Jésus comme roi (19,1-3). Elle révèle donc le noyau du récit qui est la royauté de Jésus. En revanche, cette structure ne fait pas ressortir d’éléments parallèles plus subtils. La structure parallèle de cette péricope paraît plus féconde. L’expression « alors donc » (tote oun) en 19,1.16a indique deux conclusions dans le texte. La première (19,1) est l’unité du couronnement de Jésus comme roi (19,1-3). C’est l’insigne de sa royauté. La deuxième en 19,16a termine la péricope. En même temps, dans l’ensemble de la péricope, il y a des éléments importants de telle sorte que les uns appellent les autres. Par exemple : « se faire Fils de Dieu » (19,7) et « se faire roi » (19,12) d’une part, « voici l’homme » (19,5) et « voici votre roi » (19,14) d’autre part. De plus, l’unité 19,1-3 n’est pas simplement une conclusion mais elle introduit les scènes suivantes. Nous proposons donc une structure qui considère l’unité 19,1-3 comme une transition. Cette structure a pour but de révéler des éléments textuels qui sont mis en parallèle. Les éléments au centre (C // CC) sont deux dialogues importants entre Jésus et Pilate. Les dernières paroles de Jésus éclairent la péricope entière. La structure de 18,18–19,16a est la suivante :

Structure de 18,18–19,16a : Jésus devant Pilate

       18,28 : Introduction, circonstance
A. 18,29-30 : Dehors. Jésus, un homme a fait le mal
   B. 18,31-32 : Dehors. Demande la peine de mort     
     C. 18,33-38a : Dedans. Jésus et Pilate : la royauté de Jésus
   B’. 18,38b :    Dehors. Jésus : innocent  
A’. 18,39-40 : Dehors. Barabbas et Jésus                       
      19,1-3 : Transition. Des insignes royaux
AA. 19,4-6 :       Dehors. « Voici l’homme ! », la royauté          
   BB. 19,6-8 :      Dehors. « Se faire Fils de Dieu »
     CC. 19,9-11 :    Dedans. Jésus et Pilate : le pouvoir et le péché
   BB’. 19,12 :       Dehors. « Se faire roi »                                   
AA’. 19,13-15 : Dehors. « Voici votre roi »                    
      19,16a : Conclusion, Pilate livre Jésus pour être crucifié

        3.3. Structure de 17,1-8 : La mission et la glorification

La première unité (17,1-8) du chap. 17 se structure en parallèle, elle commence par l’introduction à la prière d’intervention (17,1a). La suite du texte (17,1b-8) contient deux sous-unités. Dans la première (17,1b-2), Jésus parle de lui à la troisième personne en tant que « le Fils du Père » (17,1b-2), cette sous-unité est suivie par la définition de la vie éternelle en 17,3. Dans la deuxième sous-unité (17,4-8), Jésus s’adresse à son Père en « Je » (1ère personne). Cette intercession adressée directement au Père est maintenue jusqu’à la fin du ch. 17. L’unité 17,1-8 est construite en parallèle (A, B, C, A’, B’) avec l’élément central « C » en 17,3.

Structure de 17,1-8 : La mission et la glorification

        17,1a : Introduction
      A. 17,1b : Demande de glorification réciproque 
            B. 17,2 : Le pouvoir de donner la vie éternelle aux siens
                 C. 17,3 : Condition pour avoir la vie éternelle
      A’. 17,4-5 : Demande de glorification réciproque
            B’. 17,6-8 : Mission accomplie et réussie

Le parallèle entre A (v. 1b) et A’ (v. 4-5) est la demande de glorification réciproque entre le Père et son Fils (A) et entre Jésus et son Père (A’). « L’heure est venue » est mise en parallèle avec l’accomplissement de la mission de Jésus qui est conçue comme la glorification du Père (v. 4a). Les sous-unités B et B’ sont en parallèle et ont pour objet le pouvoir de donner la vie éternelle (B) et la réalisation de cette mission (B’). Jésus a réussi dans sa mission de donner la vie éternelle (B) parce les siens ont reconnu qu’il est sorti d’auprès du Père et ils ont cru que le Père a envoyé Jésus (B’). L’élément central (C) est une définition de la vie éternelle adressée indirectement à la communauté et au lecteur. La vie éternelle est définie ici par le verbe « connaître » (ginôskô) qui implique le verbe « croire » (pisteuô).

        3.4. Structure de Jn 17 : La prière de Jésus

La prière d’intervention de Jésus dans le chap. 17 peut se structurer en plusieurs unités. Ce chapitre est caractérisé par l’opposition entre, d’une part, Jésus et les siens et d’autre part, le monde hostile et le Mauvais. L’expression « l’Heure est venue » renvoie à sa Passion, c’est un événement qui révèle l’hostilité de ses adversaires. « Le monde » en 17,14 est celui qui hait les disciples de Jésus. C’est dans ce contexte que Jésus intervient pour les siens et non pas pour ce monde hostile (17,9). Le thème de la connaissance est, lui aussi, important ; il résonne dès le début comme une définition de la vie éternelle (17,3). Cette connaissance est transmise aux siens par Jésus parce qu’il a reçu « le pouvoir sur toute chair » et « la gloire » donnée avant que le monde fût (17,5). En fait, l’autorité de Jésus et sa mission s’enracinent dans l’amour du Père dès avant la fondation du monde même (17,24). En portant l’attention sur le déroulement du récit, nous proposons la structure du  chap. 17 en 5 unités littéraires :

Structure de Jn 17 : La prière de Jésus

[1] 17,1-8 : Demande de glorification, mission accomplie
[2] 17,9-13 : Les siens dans le monde
[3] 17,14-19 : Le monde hostile, la sanctification et la mission
[4] 17,20-23 : Croire – l’unité – connaître
[5] 17,24-26 : Conclusion. La gloire, l’amour, la connaissance

En résumé, nous avons présenté quelques exemples de la structure d’une péricope ou d’une unité littéraire. Pour les autres textes de l’Évangile de Jean, une partie ou une péricope  peut être structurée en chiasme, en parallèle ou en unité. Dans certains passages, il existe plusieurs propositions de structure, cela montre que chaque proposition a sa limite. Le lecteur est libre de proposer une structure qui respecte le plus les données du récit. 

III. Conclusion

Nous avons présenté une des propositions de la structure du quatrième Évangile. Pour repérer les indices de la structuration, nous avons abordé d’abord quelques éléments structurants, à savoir certains indices topographiques ou thématiques, et ensuite les critères de la structure. La structure générale et détaillée ainsi que la structure de quelques péricopes proposées ci-dessus ont valeur de guide. La recherche de la structure aide le lecteur à saisir le mouvement littéraire dans l’ensemble de l’Évangile ainsi que dans chacune des péricopes. En réalité, la richesse du texte déborde la structure proposée, il vaut mieux utiliser la structure comme un moyen pour cerner le sens du texte et non pour renfermer ou limiter le sens du texte dans une structure. L’essentiel est le respect des données du texte. Tous les éléments textuels doivent être pris en compte par le lecteur dans l’interprétation.

Bibliographie
Léon-Dufour, X., Lecture de l’Évangile selon Jean (Parole de Dieu), 4 vol., Paris, Le Seuil, vol. I, ch. 1–4, 1988, vol. II, ch. 5–12, 1990, vol. III, ch. 13–17, 1993, vol. IV, ch. 18–21, 1996.
Simoens, Y., Selon Jean 1 : Une traduction ; Selon Jean 2 : Une interprétation ; Selon Jean 3 : Une interprétation  (IET 17), Bruxelles, IET, 1997.
Gourgues, M., « Superposition du temps symbolique et du temps réel dans l’évangile de Jean », dans Steffek, E., Bourquin, Y., (éd.), Raconter, interpréter, annoncer. Parcours de Nouveau Testament, (MdB 47), (Mélanges offerts à Daniel Marguerat pour son 60ème anniversaire), Genève, Labor et Fides, 2003, p. 171-182.
Cothenet, É., « L’Évangile selon saint Jean », dans É. Cothenet, P. Le Port, (et al.), Les écrits de saint Jean et l’épître aux Hébreux, (Petite Bibliothèque des Sciences Bibliques, NT 5), Paris, Desclée, 1984, p. 15-151.
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Brown, R.E., “L’évangile selon Jean”, dans Id.,  Que sait-on du Nouveau Testament?, Paris, Bayard Éditions,  2000, p. 376-426. [Translate from: An Introduction to the New Testament, 1997].
Boismard, M.-É.,  Lamouille, A., Synopse des quatre Évangiles en français, l’Évangile de Jean, t. III, Paris, Le Cerf, 1977.
Marchadour, A., “Venez et vous verrez”, l’Évangile de Jean, Montrouge, Bayard Éditions, 2011.
Zumstein, J., L’Évangile selon saint Jean (CNT(N) 4a/4b), 2 vol., Genève, Labor et Fides, 2007 (Jn 13–21);  2014 (Jn 1–12).

Source: http://leminhthongtinmunggioan.blogspot.co.il/2016/06/structure-de-levangile-de-jean.html


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