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Le 5 mai 2017.
Contenu
I. Introduction
II. La sentence dans les quatre Évangiles
1. Jn 4,43-45
2. Les parallèles
dans les Synoptiques
a) Mc 6,1-6 (6
versets)
b) Mt 13,53-58
(6 versets)
c) Lc 4,14-30
(17 versets)
3. Jn 4,44 et les Synoptiques
III. La patrie de Jésus dans le quatrième Évangile
1. Jésus est
rejeté en Judée
2. La Galilée, le pays
d’accueil
3. « Les
siens » (1,11) et « la maison de mon Père » (2,16b)
IV. Conclusion
Dans l’unité littéraire Jn 4,43-45 (citée
ci-dessous), le narrateur fait deux constatations qui les différencient des
récits parallèles dans les Évangiles synoptiques : d’abord une parole
indirecte de Jésus : « un prophète n’est pas honoré dans sa propre
patrie » en 4,44b, et ensuite, les Galiléens accueillent Jésus en 4,45a.
Or selon les Synoptiques, cette parole de Jésus (4,44b) est placée dans le
contexte où Jésus est refusé dans sa patrie, à Nazareth en Galilée. Pourquoi
dans l’Évangile de Jean, la parole en 4,44b est suivie par l’accueil des
Galiléens (4,45) ? Si la Galilée est la patrie de Jésus, il est donc
honoré et non méprisé. Comment interprète-t-on l’unité Jn 4,43-45 dans le
contexte du quatrième Évangile ? Pour répondre à ces questions nous
étudions d’abord la sentence sur le prophète et sa patrie (4,44b) dans les
quatre Évangiles, et puis, le sens du terme « patrie » dans
l’Évangile de Jean.
II. La sentence dans les quatre Évangiles
La parole indirecte de Jésus en Jn 4,44 se
trouve dans l’unité littéraire 4,43-45. Nous citons d’abord la
péricope Jn 4,43-35, puis les textes parallèles dans les Évangiles synoptiques,
tirés de la Bible de Jérusalem, 2000. Après la citation de chaque
Évangile, nous plaçons
le récit dans son contexte littéraire.
1. Jn 4,43-45
Le narrateur raconte en Jn 4,43-45 :
« 43 Après ces deux jours, il [Jésus] partit de là pour la Galilée. 44 Jésus
avait en effet témoigné lui-même qu’un prophète n’est pas honoré dans sa propre
patrie. 45 Quand donc il vint en Galilée, les Galiléens l’accueillirent, ayant
vu tout ce qu’il avait fait à Jérusalem lors de la fête ; car eux aussi
étaient venus à la fête. »
L’unité littéraire Jn 4,43-45 (3 versets) est
placée dans le contexte du voyage de Jésus de la Judée vers la Galilée (4,1-3)
en passant par la Samarie (4,4-42). Le verset 4,43 rappelle le séjour de Jésus
de deux jours à la ville de Sychar en Samarie. Avant de l’accueil des Galiléens
en 4,45, les Samaritains ont montré leur hospitalité à Jésus. Le narrateur
raconte en 4,40 : « Quand donc ils [les gens de la ville de Sychar]
furent arrivés près de lui [Jésus], les Samaritains le prièrent de demeurer
chez eux. Il y demeura deux jours. »
Quant à l’expression « un prophète
n’est pas honoré dans sa propre patrie » en Jn 4,44b, c’est une parole
indirecte de Jésus. La locution pronominale « lui-même » (autos)
est utilisée pour renforcer le sujet : « Jésus avait en effet
témoigné (emarturèsen) lui-même (autos) que… » (4,44a). Le
fait que Jésus est le sujet du verbe « témoigner » (martureô)
donne le ton juridique qui renvoie au thème de témoignage de Jésus et du Père
en 5,30-40 et 8,13-19 (cf. article : « Le
témoignage de Jésus et du Père dans l’Évangile de Jean »).
Ainsi, la constatation « un prophète n’est pas honoré dans sa propre patrie »
(4,44b) est mise en relief et sans ambiguïté par l’utilisation du pronom
« lui-même » et du verbe « témoigner ». Nous présentons maintenant
le texte et le contexte des récits parallèles dans les Évangiles synoptiques.
2. Les parallèles dans les
Synoptiques
Il existe un récit parallèle dans les trois
Évangiles synoptiques (Mc 6,1-6 ; Mt 13,53-58 ; Lc 4,14-30) avec la
parole en Jn 4,44b : « un prophète n’est pas honoré dans sa propre
patrie. » Cependant, les péricopes parallèles sont placées dans les
contextes différents et contiennent des variantes notables dans les détails.
a) Mc 6,1-6 (6 versets)
Pour le parallèle dans l’Évangile de Marc
(Mc), le narrateur relate en Mc 6,1-6 : « 1 Étant sorti de là, il [Jésus]
se rend dans sa patrie, et ses disciples le suivent. 2 Le sabbat venu, il se mit à enseigner
dans la synagogue, et le grand nombre en l’entendant étaient frappés et
disaient : “D’où cela lui vient-il ? Et qu’est-ce que cette sagesse
qui lui a été donnée et ces grands miracles qui se font par ses mains ? 3
Celui-là n’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de
Joset, de Jude et de Simon ? Et ses sœurs ne sont-elles pas ici chez
nous ?” Et ils étaient choqués à son sujet. 4 Et Jésus leur disait :
“Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie, dans sa parenté et dans sa
maison.” 5 Et il ne pouvait faire là aucun miracle, si ce n’est qu’il guérit
quelques infirmes en leur imposant les mains. 6 Et il s’étonna de leur manque
de foi. Il parcourait les villages à la ronde en enseignant. »
Avant de se rendre dans sa patrie avec les
disciples (Mc 6,1), Jésus et ses disciples ont traversé deux fois le lac de
Galilée. À l’aller, ils arrivent au pays des Géracéniens sur l’autre rive de la
mer de Galilée (4,35–5,1). Là Jésus chasse les esprits impurs chez un homme
(5,2-17). Au retour (5,21), il guérit une hémorroïsse (5,22-34) puis rend la
vie à la fille de Jaïre (5,22-43). Sortant de la maison de Jaïre, Jésus se rend
dans sa patrie (6,1). Puis Jésus enseigne dans dans la synagogue le jour du Sabbat (6,2).
Après avoir entendu l’enseignement de Jésus, un grand nombre de gens sont frappés
(6,2b) et choqués (6,3c), ils se posent quatre questions avec plusieurs détails
sur l’origine de Jésus et sur son autorité quand il enseigne et quand il fait
de grands miracles (6,2-3). C’est dans
ce contexte que Jésus leur dit en 6,4 : « Un prophète n’est
méprisé que dans sa patrie, dans sa parenté et dans sa maison. » C’est
devant le manque de foi des gens qui ont écouté son enseignement que Jésus a
prononcé la parole en 6,4. Il applique à lui-même la sentence sur le prophète
et sa patrie.
La parole de Jésus en Mc 6,4 est rapportée
dans la péricope Mc 6,1-6 (6 versets) formant un récit complet qui raconte le
passage de Jésus dans sa patrie. Ce n’est pas le cas de l’unité littéraire Jn
4,43-45 (3 versets) qui ne concerne que la destination du voyage de la Judée
vers la Galilée en passant par la Samarie (cf. Jn 4,1-42).
b) Mt 13,53-58 (6 versets)
Le récit parallèle dans l'Évangile de Matthieu (Mt) se
trouve à la fin du ch. 13. Le narrateur rapporte en Mt 13,53-58 : « 53
Et il advint, quand Jésus eut achevé ces paraboles, qu’il partit de là ;
54 et s’étant rendu dans sa patrie, il enseignait les gens dans leur synagogue,
de telle façon qu’ils étaient frappés et disaient : “D’où lui viennent
cette sagesse et ces miracles ? 55 Celui-là n'est-il pas le fils du
charpentier ? N'a-t-il pas pour mère la nommée Marie, et pour frères
Jacques, Joseph, Simon et Jude ? 56 Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes
chez nous ? D’où lui vient donc tout cela ?” 57 Et ils étaient
choqués à son sujet. Mais Jésus leur dit : “Un prophète n’est méprisé que
dans sa patrie et dans sa maison.” 58 Et il ne fit pas là beaucoup de miracles,
à cause de leur manque de foi. »
La visite de Jésus à sa patrie en Mt 13,53-58 est placée
après son enseignement sur le Royaume en sept paraboles (13,1-52). Cette
section est introduite en 13,1-3a : « 1 En ce jour-là, Jésus sortit
de la maison et s’assit au bord de la mer. 2 Et des foules nombreuses s’assemblèrent
auprès de lui, si bien qu’il monta dans une barque et s’assit ; et toute
la foule se tenait sur le rivage. 3a Et il leur parla de beaucoup de choses en
paraboles. » Le terme « parabole » revient en 13,53 pour marquer
la fin de l’enseignement de Jésus et son déplacement vers sa partie (13,54a). Dans
l’ensemble, le contenu de la péricope « Jésus visite sa patrie » dans
Mt (13,53-58) ressemble au récit de Mc (6,1-6). La longueur de chaque péricope
est plus ou moins la même (6 versets). Le récit parallèle de Mc et de Mt est
plus court que celui de l’Évangile de Luc.
c) Lc 4,14-30 (17 versets)
Le parallèle de l’Évangile de Luc (Lc) se trouve dans le
long récit qui inaugure la mission de Jésus en Lc 4,14-30 : « 14
Jésus retourna en Galilée, avec la puissance de l’Esprit, et une rumeur se
répandit par toute la région à son sujet. 15 Il enseignait dans leurs
synagogues, glorifié par tous. 16 Il vint à Nazara où il avait été élevé,
entra, selon sa coutume le jour du sabbat, dans la synagogue, et se leva pour
faire la lecture. 17 On lui remit le livre du prophète Isaïe et, déroulant le
livre, il trouva le passage où il était écrit :
18 L’Esprit du
Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la
bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et
aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, 19 proclamer
une année de grâce du Seigneur.
20 Il replia le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous
dans la synagogue tenaient les yeux fixés sur lui. 21 Alors il se mit à leur
dire : “Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture.” 22
Et tous lui rendaient témoignage et étaient en admiration devant les paroles
pleines de grâce qui sortaient de sa bouche. Et ils disaient : “N’est-il pas
le fils de Joseph, celui-là ?” 23 Et il leur dit : “À coup sûr, vous
allez me citer ce dicton : Médecin, guéris-toi toi-même. Tout ce qu’on
nous a dit être arrivé à Capharnaüm, fais-le de même ici dans ta patrie.” 24 Et
il dit : “En vérité, je vous le dis, aucun prophète n’est bien reçu dans
sa patrie. 25 Assurément, je vous le dis, il y avait beaucoup de veuves en
Israël aux jours d’Élie, lorsque le ciel fut fermé pour trois ans et six mois,
quand survint une grande famine sur tout le pays ; 26 et ce n’est à aucune
d’elles que fut envoyé Élie, mais bien à une veuve de Sarepta, au pays de
Sidon. 27 Il y avait aussi beaucoup de lépreux en Israël au temps du
prophète Élisée ; et aucun d’eux ne fut purifié, mais bien Naaman, le
Syrien. »
28 Entendant cela, tous dans la synagogue furent remplis de
fureur. 29 Et, se levant, ils le poussèrent hors de la ville et le menèrent
jusqu’à un escarpement de la colline sur laquelle leur ville était bâtie, pour
l’en précipiter. 30 Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son
chemin... »
La parole de Jésus en Lc 4,24 : « En vérité, je
vous le dis, aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie » est plus
courte par rapport à Mc 6,4 et à Mt 13,57b. Le contexte de Lc 4,24 est placé au
début de la mission de Jésus. Après le récit de la tentation au désert (Lc
4,1-13), la péricope 4,14-30 est donc une scène inaugurale de la mission
de Jésus. Ce dernier a ainsi accompli la parole du prophète Isaïe (Lc 4,17-21).
L’accusation de Jésus contre les gens de sa patrie (Lc
4,23-27) est plus développée par rapport au récit de Mc et de Mt. Jésus parle d’abord
d’un dicton (4,23a), puis de la pensée de la foule (4,23b), ensuite, la parole
sur le prophète et sa patrie (4,24), et enfin, Jésus illustre la situation du
refus des gens de sa patrie par deux récits bibliques : la veuve de Sarepta
(4,25-26) et Naaman, le Syrien (4,27). Le comportement de la foule qui passe de
l’admiration devant les paroles pleines de grâce de Jésus (4,22b) à l’animosité
(4,22c) et à la fureur (4,28-29) reste inexpliqué dans le récit. Le récit se
termine par la volonté de tuer Jésus de la part de la foule (4,29) et le
pouvoir de ce dernier de leur échapper (4,30). En résumé, le récit parallèle de
Lc est plus développé et contient des variantes indéniables dans la parole sur
le prophète et sa patrie par rapport aux autres Évangiles (cf. le tableau
ci-dessous).
3. Jn 4,44 et les Synoptiques
Dans les Évangiles Synoptiques, la parole de Jésus sur le prophète
et sa propre partie est rapportée en style direct tandis que dans le quatrième
Évangile, c’est en style indirect. Le contenu de la sentence dans chaque
Évangile contient certaines variantes. Nous mettons le texte grec, tiré de Novum
Testamentum Graece (NTG), et notre traduction littérale en français dans
le tableau suivant :
La variante notable dans ces textes parallèles est
l’utilisation du terme lié au prophète. L’adjectif « atimos »
(méprisé) est employé en Mc 6,4 et en Mt 13,57b : « Un prophète
n’est méprisé (atimos) que… ». L’adjectif « dektos »
(bien reçu) se trouve en Lc 4,24 : « aucun prophète n’est bien reçu (dektos)… ».
Dans les Évangiles synoptiques, la sentence est construite par le verbe « eimi »
(être) + adjectif. Tandis qu’en Jn 4,44 la sentence est construite par le verbe
« ekhô » (avoir) + le nom : « hè timè »
(l’honneur, le respect), littéralement : « un prophète n’a pas de
respect (timèn ouk ekhei) dans… ». C’est-à-dire, « un prophète
n’est pas honoré dans… » (Jn 4,44b).
L’expression « dans sa parenté » est propre à Mc.
La phrase « dans sa maison » n’existe que dans Mc et Lc.
L’introduction à la sentence par la formule « amen, je vous le dis »
est propre à Lc. La proposition « En effet, Jésus lui-même avait témoigné
que... » pour introduire une parole indirecte de Jésus est propre à Jn. Le
terme « patrie » (en grec patris) se trouve dans les quatre
l’Évangiles. Seul en Jn 4,44, le narrateur emploie l’adjectif « idios »
(propre) : « dans sa propre (idiai) patrie ». Notons
que dans les quatre Évangiles, le terme « patrie » (patris)
n’apparaît que dans les récits présentés plus haut (Mc 6,1-6 ; Mt
13,53-58 ; Lc 4,14-30 ; Jn 4,43-45) : 2 fois dans Mc (6,1.4), 2
fois dans Mt (13,54.57), 2 fois dans Lc (4,23.24) et 1 fois dans Jn (4,44).
Seul l’Évangile de Luc identifie la patrie de Jésus à
Nazareth en Lc 4,16 : « Il [Jésus] vint à Nazara (Nazara) où
il avait été élevé, entra, selon sa coutume le jour du sabbat, dans la
synagogue, et se leva pour faire la lecture. » Le terme « Nazara »
(Nazara) dans ce verset (Lc 4,16 ; cf. Mt 4,13) est la forme
rare du nom de « Nazareth », écrit en grec « Nazareth »
(Mt 21,11 ; Lc 1,26 ; 2,51) ou « Nazaret » (Mt
2,23 ; Mc 1,9 ; Jn 1,45.46). Même si les trois autres Évangiles (Mc,
Mt, Jn) ne précisent pas la patrie de Jésus dans les récits en question (Mc
6,1-6 ; Mt 13,53-58 ; Jn 4,44-45), l’ensemble de ces Évangiles
localise la patrie de Jésus à Nazareth (cf. Mt 2,23 ; 4,13 ; 21,11 ; Mc
1,9 ; Jn 1,45).
De nos jours, la parole de Jésus dans les Évangiles est
paraphrasée par le dicton : « Nul n’est prophète en son pays. »
(“No man is a prophet in his own country”). Les observations ci-dessus montrent
qu’il existe une tradition des Évangiles synoptiques suivant laquelle Jésus revient
dans sa patrie à Nazareth au cours de sa mission ; il enseigne dans la
synagogue mais la foule n’accueille pas son enseignement et ne croit pas en lui.
Dans ce contexte, Jésus cite un dicton concernant le prophète et sa patrie pour
l’appliquer à lui-même. La sentence en Jn 4,44b : « un prophète n’est
pas honoré dans sa propre patrie » pourrait venir de la tradition des Synoptiques.
Dans le contexte de l’unité littéraire Jn 4,43-35, il y a
deux détails qui montrent que le style de Jn 4,44 ne s’harmonie pas avec le contexte
de 4,43 et 4,45. (1) D’abord, dans les versets 4,43 et 4,45, le nom
« Jésus » (Ièsous) ne figure pas. Ainsi les versets 43 et 45 s’enchaînent
mieux sans 4,44. Dans la péricope 4,4-42, la dernière fois où le nom de
« Jésus » (Ièsous) apparaît se trouve en 4,34 :
« Jésus leur [les disciples] dit… » Après cette occurrence, Jésus est
désigné par les pronoms : « lui » (4,39a.40a.42d) et
« il » (4,39b.40b.43.45a.45b). L’insistance sur Jésus au début de 4,44
« En effet, Jésus lui-même » (autos gar Ièsous) crée une
coupure de style entre 4,43 et 4,45. (2) Ensuite, l’enchaînement du récit entre
4,43b : « Il partit de là pour la Galilée » et 4,45a :
« Quand donc il vint en Galilée » est plus harmonieux dans le
déroulement du récit. En s’appuyant sur ces indices, certains considèrent que
le verset Jn 4,44 est ajouté après coup. Selon Von
Wahlde*, 2010, 202 : « Ce verset [Jn 4,44] est l’un des problèmes
bien connu de l’Évangile. » (« This verse is one of the notorious cruxes of the Gospel »).
Nous préférons interpréter Jn 4,44 dans le texte final de
l’Évangile. Le fait que Jn 4,44b est suivi par la constatation du narrateur en
4,45a : « Quand donc il [Jésus] vint en Galilée, les Galiléens
l’accueillirent » place la parole de Jésus en 4,44b dans un autre contexte
par rapport aux Synoptiques sur trois points : (1) d’abord, selon
l’Évangile de Jean, Jésus vient en Galilée depuis la Judée en passant par la
Samarie. La Galilée est la destination de son voyage et non Nazareth. Tandis
que selon les Synoptiques, Jésus exerce sa mission autour du lac de Galilée,
puis il revient dans sa patrie à Nazareth. (2) Ensuite, la parole de Jésus en
Jn 4,44b n’est pas dans le contexte d’enseignement dans une synagogue le jour du
sabbat, mais cette parole est placée à la fin de son voyage de la Judée vers
la Galilée. (3) Enfin, il n’y a pas de conflit avec les Galiléens. Au
contraire, ces derniers l’ont accueilli puisqu’ils ont vu ce que Jésus a fait à
Jérusalem (4,45). Nous pensons que la clé interprétative de Jn 4,43-45 se
trouve dans le sens du terme « patrie » selon la théologie johannique.
III.
La patrie de Jésus dans le quatrième Évangile
Pour définir la patrie de Jésus selon la théologie johannique,
nous étudions trois points : (1) Jésus est rejeté en Judée, (2) la
Galilée, le pays d’accueil, (3) « les siens » (1,11) et « la
maison de son Père » (2,16b).
1. Jésus est rejeté en Judée
Selon la tradition des Synoptiques, Jésus est rejeté dans sa
patrie (Nazareth) au cours de sa mission. En particulier, l’Évangile de Luc place
le rejet à Nazareth, dans la scène d’inauguration de la mission de Jésus (Lc
4,14-30). La réaction des gens dans le récit de Lc est plus violente que dans
celle de Mc et de Mt. Non seulement, ils ne croient pas en Jésus (Mc et Mt), mais
encore ils cherchent à le faire périr (Lc 4,29).
Selon l’Évangile de Jean, l’origine de Jésus est bien à Nazareth
comme Philippe a dit à Nathanaël en 1,45 : « Celui dont Moïse a écrit
dans la Loi, ainsi que les prophètes, nous l’avons trouvé ! C’est Jésus,
le fils de Joseph, de Nazareth. » La foule à Jérusalem reconnait que Jésus
vient de la Galilée. En effet, après avoir entendu la révélation de Jésus en
7,37-38, certains dans la foule disent en 7,41b : « Est-ce de la Galilée que le Christ doit
venir ? » Et aussi quand Nicodème parle aux coreligionnaires Pharisiens,
en 7,51 : « Notre Loi
juge-t-elle un homme sans d’abord l’entendre et savoir ce qu’il
fait ? » Les Pharisiens lui disent en 7,52 : « Es-tu de la
Galilée, toi aussi ? Étudie ! Tu verras que ce n’est pas de la
Galilée que surgit le prophète. » Ainsi, pour les disciples, la foule, et
les Pharisiens, la Galilée est la région originaire de Jésus.
Cependant, dans l’élaboration
théologique du quatrième Évangile, Jésus est rejeté non pas en Galilée mais en Judée.
Le refus de croire en Jésus et l’hostilité envers lui viennent des autorités
religieuses à Jérusalem lesquelles sont dénommées dans l’Évangile par « les
Juifs », « les Pharisiens » et « les grands prêtres ».
Dans le contexte de la section Jn 4,1-45, la raison qui a motivé Jésus à quitter
la Judée pour gagner la Galilée est la connaissance des Pharisiens sur sa
réussite : « il faisait plus de disciples et en baptisait plus que
Jean » (4,1b). Pour éviter le conflit avec les Pharisiens, Jésus quitte
donc la Judée pour la Galilée, son pays. Nous trouvons la même situation au
début du ch. 7 ; le narrateur raconte en 7,1 : « Après cela,
Jésus parcourait la Galilée ; il n’avait pas pouvoir de circuler en Judée,
parce que les Juifs cherchaient à le tuer. » L’hostilité des Juifs à
Jérusalem est explicite dès le ch. 5. Après la guérison d’un infirme depuis
trente-huit ans à la piscine de Bethzatha à Jerusalem (5,1-9), le narrateur relate
en 5,18 : « Ainsi les Juifs n’en cherchaient que davantage à le tuer,
puisque, non content de violer le sabbat, il appelait encore Dieu son propre
Père, se faisant égal à Dieu. »
L’hostilité et le refus des autorités religieuses sont de
plus en plus virulents. Dans le récit de Lazare et ses sœurs au ch. 11, Jésus
dit aux disciples en 11,7b : « Allons de nouveau en Judée. » Ses
disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment les Juifs cherchaient
à te lapider, et tu retournes là-bas ! » (11,8b) En 11,16b, Thomas
dit aux autres disciples : « Allons, nous aussi, pour mourir avec
lui ! » Pour les disciples retourner en Judée signifie accepter la
mort. Le fait que Jésus rend la vie à Lazare (11,43) devient la dernière goutte
d’eau pour les autorités. Les grands prêtres et les Pharisiens réunissent le
conseil (11,47) et décident de tuer Jésus (11,53). Dans ce contexte, le
narrateur raconte en 11,54 : « Aussi Jésus cessa de circuler en
public parmi les Juifs ; il se retira dans la région voisine du désert,
dans une ville appelée Éphraïm, et il y séjournait avec ses disciples. »
En résumé, les citations ci-dessus montrent que les Juifs, les
Pharisiens et les grands prêtres en Judée persécutent Jésus et cherchent à le
tuer tout au long de sa mission. Selon la théologie johannique, la Judée, en
particulier Jérusalem, sont les lieux où Jésus est rejeté par les autorités
religieuses.
2. La Galilée, le pays d’accueil
Selon Jn 4,1-3, de la Judée, Jésus retourne en Galilée pour
éviter le conflit avec les Pharisiens. Ce voyage s’est achevé en 4,45 : « Quand
donc il [Jésus] vint en Galilée, les Galiléens l’accueillirent, ayant vu tout
ce qu’il avait fait à Jérusalem lors de la fête ; car eux aussi étaient
venus à la fête. » Ces Galiléens connaissent Jésus à Jérusalem et non en
Galilée. C’est-à-dire une grande partie de la mission de Jésus rapportée dans
l’Évangile s’est déroulée en Judée, à Jérusalem, en particulier ses enseignements
au Temple de Jérusalem.
Selon l’Évangile de Jean, Jésus monte quatre fois à
Jérusalem (2,13 ; 5,1 ; 7,10 ; 12,12). Tandis que selon les
Synoptiques, Jésus monte à Jérusalem une seule fois, à la fin de sa vie
publique (Mt 21,1-11 ; Mc 11,1-11 ; Lc 19,28-38). Grâce à l’Évangile
de Jean, le lecteur sait que la vie publique de Jésus dure au moins trois ans
puisque, par trois fois, la fête de Pâque, la grande fête annuelle, sont
mentionnées au cours de la mission de Jésus en 2,13 ; 6,4 ; 12,1.
Jésus n’est pas menacé de mort en Galilée. Au contraire sa mission
en Galilée est couronnée par la foi des auditeurs. C’est la foi des disciples en
2,11c après le signe de l’eau devenue bon vin aux noces de Cana (2,1-10) ;
l’accueil des Galiléens en 4,45 ; la foi exemplaire du fonctionnaire royal
et sa famille en 4,53b après le signe de la guérison à Cana, en Galilée
(4,46-52). Dans le ch. 6, les deux signes (la multiplication des pains en
6,1-15 et la marche sur les eaux en 6,16-21) et l’enseignement de Jésus (le
discours sur le pain de vie, 6,22-59) sont couronnés par la confession de foi
de Simon-Pierre au nom des Douze en 6,68-69 : « 68 Seigneur, à qui
irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. 69 Nous, nous croyons,
et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu. »
Le murmure sur l’origine de Jésus en 6,41-42 vient « des
Juifs » et non « de la foule » (6,22.24). En effet, le narrateur
raconte ainsi en 6,41-42 : « 41 Les Juifs alors se mirent à murmurer
à son sujet, parce qu’il avait dit : “Moi, je suis le pain descendu du
ciel.” 42 Ils disaient : “Celui-là n’est-il pas Jésus, le fils de Joseph,
dont nous connaissons le père et la mère ? Comment peut-il dire
maintenant : Je suis descendu du ciel ? » Avant que « les
Juifs » apparaissent dans le récit en 6,41, il y a seulement échanges
entre Jésus et la foule en 6,25-40. Dans l’Évangile, le personnage « les
Juifs » apparaît souvent dans le récit quand il y a controverse et conflit
(cf. ch. 5 ; 7 ; 8).
Notons qu’il y a une crise parmi les disciples après le
discours sur le pain de vie (6,25-59) puisque le narrateur rapporte en
6,66 : « Dès lors, beaucoup de ses disciples se retirèrent, et ils n’allaient
plus avec lui. » Cette crise met en relief la proclamation de foi des
Douze en 6,68-69.
L’Évangile de Jean rapporte l’activité de Jésus en Galilée
seulement dans les trois récits indiqués plus haut (2,1-12 ;
4,43-54 ; 6,1-71). À partir de 7,2 jusqu’à la fin de sa mission, Jésus
enseigne et fait des signes à Jérusalem et à Béthanie (ch. 11). Notons que le
dernier chapitre de l’Évangile (ch. 21) se passe au bord du lac de Galilée. Ainsi,
selon le récit du quatrième Évangile, la Galilée est plutôt le pays d’accueil. Jésus
va en Galilée pour éviter le conflit et l’hostilité de la part des autorités
religieuses en Judée. Cette interprétation est confirmée par la définition théologique
du terme « les siens » dans le Prologue (1,11) et par l’expression de
Jésus : « la maison de mon Père » en 2,16b quand il parle du Temple
de Jérusalem.
3. « Les siens » (1,11) et « la
maison de mon Père » (2,16b)
Le narrateur parle « les siens » du Logos-Jésus
dans le Prologue. Il résume le conflit et le refus dans l’Évangile en 1,9-10 :
« 9 Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme, venant dans
le monde. 10 Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a
pas reconnu. 11 Il est venu chez lui (ta idia), et les siens (hoi
idioi) ne l’ont pas accueilli. » Ces versets annoncent le rejet de
croire en Jésus de la part des autorités du peuple. Pour le narrateur, Jésus exerce
sa mission « chez lui », chez « les siens », chez son
peuple, en particulier à Jérusalem où les autorités du peuple ne croient pas en
lui et cherchent à le faire périr.
Jésus est chez lui à Jérusalem puisqu’il est dans la maison
de son Père (2,16b). En effet, dès le début de l’Évangile, après avoir fait « le
commencement des signes » (1,11a) à Cana (2,1-11), Jésus monte à Jérusalem
pour la première fois en 2,13. Il chasse les vendeurs et les changeurs du
Temple de Jérusalem (2,14-15) et dit aux vendeurs de colombes en 2,16b :
« Enlevez cela d’ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de
commerce. » Pour Jésus, le Temple de Jérusalem est la maison de son Père. Dans
cette perspective théologique, la patrie de Jésus est à Jérusalem. Il appelle Dieu
son Père (cf. 5,17) et c’est dans la maison de son Père (2,16b), le Temple
de Jérusalem, que Jésus enseigne et révèle la volonté du Père et son identité
divine.
En résumé, les données de l’Évangile permettent de comprendre
que Jésus n’est pas honoré dans « sa propre patrie » en Judée. Tandis
que la Galilée est le lieu où Jésus est accueilli. La sentence sur le prophète
et sa patrie en 4,44b est donc cohérente dans le contexte de la section 4,1-45
et exprime bien la théologie du quatrième Évangile.
IV.
Conclusion
Nous avons présenté le lien entre Jn 4,44 avec les récits parallèles
dans les Synoptiques, puis indiqué certains indices qui montrent que le style
de Jn 4,44 ne s’harmonise pas avec les versets 4,43 et 4,45. Cependant, selon
le contexte de la section 4,1-45 et de l’ensemble de l’Évangile de Jean, la
patrie de Jésus est comprise au sens théologique. Jésus est rejeté par les autorités
religieuses à Jérusalem et il est accueilli par les Galiléens. La parole
« un prophète n’est pas honoré dans sa propre patrie » (4,44b) est appliquée
à Jésus devant le refus et l’hostilité qu’il a rencontrés en Judée.
Notons que, d’une part, Jésus a réussi à Jérusalem à travers
la foi exemplaire de l’ancien aveugle-né (9,38) de Marthe (11,27) et d’un
magnifique parcours de Nicodème, l’un des Pharisiens, un notable des Juifs (cf.
3,1), tout au long de l’Évangile (cf. 3,1-12 ; 7,50-51 ; 19,39-40). À
la fin de la mission de Jésus, ses adversaires eux-mêmes confirment sa réussite
comme le narrateur raconte en 12,19 : « Alors les Pharisiens se dirent entre eux : “Vous voyez que vous ne
gagnez rien ; voilà le monde parti après lui [Jésus] !” » D’autre
part, en Galilée, s’élèvent aussi des murmures des Juifs (6,41-44) et l’abandon
de beaucoup de ses disciples (6,66). Ainsi, selon la théologie du quatrième
Évangile, la patrie de Jésus définie par « chez lui » et « les
siens » a un sens large. Pour le lecteur, Jésus peut être déshonoré et
rejeté par certains même de ses disciples./.
Source: http://leminhthongtinmunggioan.blogspot.co.il/2017/05/jn-443-45-le-prophete-et-sa-propre.html
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